Reconversion professionnelle : d'épouse de militaire britannique à coach d'expatriés au Brunei

Interviews d'expatriés
  • expat au Brunei
Publié le 2022-08-12 à 10:00 par Veedushi
Originaire de la campagne britannique, Amy a passé dix ans à Londres avant de suivre son mari militaire à Brunei pour une affectation internationale. Elle nous parle de sa reconversion professionnelle en coach d'expatriés après avoir donné naissance à son premier enfant et de son parcours d'expatriée.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Après avoir grandi dans un tout petit village idyllique de la campagne anglaise, j'ai passé près de 10 ans à travailler dans le monde trépidant des entreprises à Londres. Je travaillais dans le cadre de la mobilité globale des grandes entreprises et je facilitais les déménagements internationaux de cadres supérieurs. Il s'agissait de missions qui duraient en moyenne entre 6 mois à 3 ans, et certaines devenaient permanentes. 

Depuis, j'ai créé mon entreprise de coaching, AIM Coaching, qui aide les salariés et leur famille à s'intégrer avec succès, sans avoir à subir des semaines d'accablement, de stress et d'isolement. 

J'ai combiné mes années de vie d'expatriée (et de rapatriée) avec mon expérience d'expat isolée et ma formation approfondie en coaching, pour proposer un programme qui permet aux expatriés de s'adapter à leur nouvel environnement de travail. Ce programme identifie et traite rapidement les défis culturels, familiaux et autres défis sociaux et personnels.

Qu'est-ce qui vous a amené au Brunei ? Depuis quand y êtes-vous installée ?

Je suis conjointe de militaire. C'est donc grâce à l'affectation de mon mari dans l'armée britannique à Brunei que j'ai pu découvrir ce pays exceptionnel, en août 2020. 

Est-ce votre première expérience à l'étranger ? Comment votre aventure a-t-elle commencé ?

Brunei est la première fois que je vis non seulement à l'étranger mais aussi en tant que conjointe de militaire en poste, résidant sur une base militaire et… Wow ! Quelle première expérience !

L'aventure a commencé en mars 2020 ; nous avions vendu nos voitures, nos effets étaient en route, j'avais rendu le bail de l'immeuble où nous vivions, prévenu mon employeur et j'étais impatiente de commencer notre aventure en Asie du Sud-Est. Nous étions impatients de voir les orangs-outans de Bornéo et de réaliser notre road trip dans la jungle, armés de notre guide annoté Lonely Planet.

Deux jours avant notre départ, alors que nous n'avions plus que nos valises, Boris Johnson a déclaré l'état de confinement à cause du Coronavirus. Nous avons alors su que nous ne pourrions aller nulle part. Nous étions sans endroit pour vivre et n'avions qu'un minimum de soutien et de communication de la part de l'armée britannique quant à nos prochaines étapes. En fait, ce sont les transporteurs qui nous ont informés que nous ne pourrions pas bouger de sitôt. 

Après 5 mois d'incertitude, de défis et un retour chez mes parents, nous avons pu déménager à Brunei, en août 2020.

À quoi ressemble votre vie d'expatriée au Brunei ? Avez-vous réussi à surmonter le choc culturel et à vous adapter ?

Le Brunei est petit ; sa population a la taille de celle du comté dans lequel j'ai grandi. C'est un État indépendant qui dépend encore entièrement de sa production de pétrole et de gaz. Avec une aide à domicile facilement disponible, une jungle préservée, un air pur et du carburant moins cher que l'eau, c'est un endroit paisible et sûr pour élever une famille. Habituellement, c'est un tremplin pour voyager dans toute l'Asie du Sud-Est. C'était donc une affectation militaire de rêve, mais, les frontières étant fermées en raison de l'épidémie de Covid, nous n'avons malheureusement pu nous rendre nulle part. 

Après avoir quitté la quarantaine de 15 jours, mon mari et moi étions tous deux impatients de partir à la découverte de notre nouveau pays. Nous étions heureux que la Covid ne soit pas présente au Brunei à ce moment-là. Nous nous sommes sentis extrêmement privilégiés de pouvoir nous promener sans masque et même d'assister aux événements sociaux et de participer aux dîners au sein de la communauté militaire. Nous nous le rappelions tous les jours.

Une fois la période initiale de « lune de miel » passée, j'ai commencé à avoir le mal du pays. J'avais l'habitude d'une vie sociale très active à Londres, mais comme le Brunei est soumis à la très stricte charia, il n'y a pas de bars et très peu d'activités de divertissement, sportives ou artistiques. La vie nocturne se résumait à quelques stands de restauration ambulante et à un nombre limité de magasins. Grâce à mes recherches, je savais déjà ces choses, je comprenais que le Brunei est une « Demeure de Paix » et je ne m'attendais pas à un environnement occidental. J'ai essayé d'adopter un rythme de vie plus lent, mais malgré le fait d'avoir géré au mieux mes attentes avant de m'installer, j'ai quand même senti le choc culturel m'a quand même atteint ! 

Les tâches quotidiennes les plus simples au Royaume-Uni peuvent prendre des semaines à Brunei, et le processus bureaucratique peut être très lent. Il y a très peu d'informations en ligne ; les entreprises fonctionnent généralement par Whatsapp et le moyen le plus courant de trouver quelque chose est le « bouche-à-oreille ». La plupart du temps, je me sentais frustrée, notamment lorsque j'ai dû passer des heures chaque jour pendant des mois pour obtenir un certificat de naissance de mon enfant. 

Comme le Brunei n'offre pas de visas de conjoint, les possibilités d'emploi pour les personnes à charge des militaires sont très limitées. J'étais habituée à travailler de longues heures dans un environnement au rythme effréné, mais j'ai quitté ma carrière pour accompagner mon mari dans son affectation. Au début, c'était rafraîchissant de ne pas avoir à renvoyer des courriels toute la journée, tous les jours, mais j'ai toujours eu de l'ambition et la volonté de réussir. Alors en étant sans emploi, j'ai eu l'impression de perdre mon identité. Au début, je ne connaissais pas mon but et je me sentais perdue. 

Au bout des premières semaines, j'avais déjà succombé à l'inévitable choc culturel, à la frustration et à une perte totale d'identité. Je me sentais coupable. Sur le papier, j'avais tout, alors pourquoi étais-je malheureuse ? J'étais déterminée à surmonter cette épreuve et à renverser la situation. J'ai changé de perspective, je me suis rappelé qu'il s'agissait d'une mission temporaire et que je devais en tirer le meilleur parti.  En fait, nous avions de la chance d'être au Brunei. Privilégiés d'être entourés d'une population locale aussi généreuse et gentille. J'ai eu la chance d'avoir un réseau d'épouses de militaires incroyables et résilientes. Cela a mis en évidence que le fait de se faire des amis à l'étranger est peut-être plus important que d'en faire au pays. Il est impératif d'y travailler. Le secret de ma capacité d'adaptation réside dans l'état d'esprit, la résilience et la patience. Grâce à ces éléments, j'ai non seulement pu faire face à la différence culturelle et surmonter les difficultés de manière constante, mais j'ai commencé à apprécier et à aimer Brunei. Je me sens très redevable de cette opportunité.

Vous êtes ensuite devenue maman pour la première fois, à des kilomètres de chez vous, en pleine période de Covid. Racontez-nous cette expérience.

Dans la semaine qui a suivi notre départ de l'hôtel de quarantaine, j'ai appris que j'étais enceinte. Dans un pays où il n'y avait pas de Covid et pas de tentations pour du bon vin, c'était le bon moment ! 

J'étais tellement reconnaissante d'être au Brunei pour la grossesse et l'accouchement. Les soins de santé y sont incroyables. En raison de la fermeture anticipée des frontières par le Brunei, mon mari a pu assister à tous mes rendez-vous prénataux et à l'accouchement, et j'y serai toujours reconnaissante. Les toasts post-accouchement habituels à l'anglaise ont cédé la place à une assiette de riz, mais heureusement, mon mari a pu trouver une énorme part de gâteau au chocolat pour compenser ! 

J'ai eu la chance de n'avoir aucun problème médical, mais un mois après l'accouchement, j'ai commencé à trouver les choses un peu difficiles ! En plus de l'expérience d'être mère pour la première fois sans soutien familial, il y avait aussi l'humidité, les moustiques et les infrastructures non adaptées à la poussette. Cela signifiait, entre autres choses, que j'étais réellement confinée à la maison avec un nouveau-né. Les magasins pour bébés étant limités au Brunei, les poussettes, les lits d'enfant et les produits essentiels comme les couches devaient être commandés en ligne, mais avec la Covid, les délais de livraison pouvaient prendre au moins trois mois ! Encore une fois, sans la résilience, un fort état d'esprit, mon mari et un réseau de femmes militaires incroyables, j'aurais eu du mal !    

Parlez-nous de votre carrière en tant que coach d'expatriés. Qu'est-ce qui vous a poussé à choisir cette voie ?

Pendant ma grossesse à Brunei, j'avais besoin de m'occuper, car je n'étais pas habituée à ne pas travailler et j'avais besoin de réaliser quelque chose pour me maintenir en activité. J'ai décidé de suivre une formation de coach accréditée. Je voulais utiliser mes compétences personnelles et les combiner avec mes 10 années d'expérience avec des personnes en mission et mon propre parcours d'expatriée. C'est ce que je sais faire et ce qui me passionne. Je pense qu'on ne soutient pas assez les expatriés et leurs familles une fois que la logistique de la relocalisation est terminée, ce qui explique que près de la moitié des affectations échouent. Coacher les autres est en accord avec mes valeurs et ma détermination à aider les gens à aller de l'avant et à réussir. Je trouve une grande satisfaction à améliorer les capacités des autres.  

Après 18 mois, je me suis qualifiée auprès de l'International Coaching Academy. J'ai coaché des femmes de militaires, localement et en ligne, en les aidant à se réinsérer dans leur carrière et à se créer une vie épanouie pendant leur affectation. J'ai également commencé à coacher des cadres supérieurs dans l'industrie pétrolière, en les assistant avec succès dans leur intégration sur leur lieu de travail, sans semaines de stress, d'isolement et d'accablement. 

Cette activité s'est maintenant étendue au coaching en ligne de cadres d'entreprise et de leurs conjoints dans un large éventail de secteurs, avec des clients au Royaume-Uni, à Singapour, à New York, en Australie et aux Émirats arabes unis. Quel que soit le secteur d'activité, mon approche personnelle du coaching permet aux expatriés d'entreprise de s'adapter à leur nouvel environnement de travail, d'identifier et de relever rapidement les défis culturels, familiaux ainsi que d'autres défis sociaux et personnels.

Selon vous, quels sont les défis majeurs auxquels les expatriés sont confrontés lorsqu'ils s'installent dans un nouveau pays, en particulier pour le travail ?

Les défis auxquels sont confrontés les expatriés sont nombreux. Mais les thèmes principaux qui reviennent souvent chez mes clients professionnels sont le sentiment de solitude, la perte d'identité et le mal du pays, ainsi que la difficulté à s'intégrer au travail. La nécessité de s'adapter à une nouvelle culture, un nouvel environnement de travail et une nouvelle structure sociale sans système de soutien immédiat n'est pas une mince affaire.

Quels sont vos conseils pour surmonter ces difficultés ?

Voici quelques-unes des mesures qui, selon moi, améliorent considérablement la productivité des clients au travail, et le bonheur des familles à la maison. 

Il faut : 

  • Reconnaître qu'il faudra du temps pour s'adapter. Donnez-vous le temps de vous installer. 
  • Prendre le temps et faire l'effort de se faire des amis. Dans la communauté internationale, ce sont surtout les amitiés qui vous soudent.
  • Ne pas tout comparer avec comment cela se passe dans votre pays d'origine. Acceptez les différences et sachez vous adapter. 
  • Être curieux. Apprendre la culture. Apprendre la langue. 
  • Conserver les rituels du pays d'origine et s'efforcer d'en adopter de nouveaux. 
  • Ne pas oublier pourquoi vous avez choisi d'être là où vous êtes.

Il faut être audacieux, plein de ressources et ouvert d'esprit. La patience, la politesse et la détermination sont définitivement le tiercé gagnant.

D'après votre expérience de travail dans des entreprises à Londres, comment définiriez-vous l'importance accordée par les employeurs au bien-être des expatriés ?

L'amélioration de la qualité de la vie des expatriés et l'adoption d'une approche plus globale doivent devenir une priorité pour les employeurs. D'après mon expérience récente avec des clients, on ne fait pas suffisamment pour le bien-être des expatriés. La mise en œuvre de stratégies appropriées pour gérer la santé mentale des gens en mission doit être une priorité pour les professionnels des RH. Il ne sert pas à grand-chose d'investir dans la logistique du déménagement et dans un riche programme de rémunération si l'expatrié ne bénéficie d'aucun soutien en matière de bien-être. Cela peut mener non seulement à une mission ratée, coûteuse pour l'entreprise, mais aussi à la désillusion d'un employé qui pourrait bien rentrer au pays avec une productivité nettement amoindrie. 

Ce n'est pas uniquement l'expatrié en mission qui a besoin d'un soutien en matière de bien-être, il y a aussi le conjoint et les enfants. La personne en mission bénéficie souvent de la continuité d'une structure professionnelle organisée, mais le conjoint a souvent abandonné sa carrière, son cercle social et son style de vie. Ils sont tout autant, sinon plus, perdus.  Cela peut les amener à remettre leur sens des valeurs en question, et à se sentir étiquetés comme « dépendants ». La dépression et l'anxiété sont répandues chez les clients avec lesquels j'ai travaillé, et il faut en tenir compte.  

Comment jonglez-vous entre votre carrière à distance et votre vie de famille en tant que maman et conjoint de militaire ?

Comme je travaille en ligne et à distance et que mon enfant de 15 mois est à la crèche deux jours par semaine, j'ai la chance de pouvoir hiérarchiser le temps libre dont je dispose pour consacrer le plus de temps possible à mes clients. 

Que préférez-vous dans votre vie d'expatrié et qu'est-ce qui vous plaît le moins ?

Être expatrié a été l'expérience la plus incroyable et la plus difficile ! 

Je chérirai les amitiés et le réseau d'affaires que j'ai créés en vivant à l'étranger et j'espère qu'ils dureront toute une vie. J'ai eu la chance de pouvoir disposer du temps et des expériences personnelles nécessaires pour créer mon entreprise de coaching. 

J'ai aussi commencé à apprécier le rythme de vie plus lent et le temps que je peux passer avec mon mari et mon enfant de 15 mois. 

Ce que j'aime le moins dans la vie d'expatriée, c'est, sans surprise, la distance qui me sépare de ma famille et de mes amis, surtout de ma mère qui ne peut pas voir souvent son premier petit-enfant. 

Être expatrié, que ce soit à court ou à long terme, est un grand engagement qui demande des efforts considérables et de la persévérance, mais cela peut être extrêmement gratifiant.

Où vous voyez-vous à l'avenir ?

Géographiquement, avec mon mari qui est en passe de rejoindre le monde de l'entreprise, nous prévoyons de déménager au Moyen-Orient. Professionnellement, j'espère développer encore plus mon activité de coaching, je veux être l'experte dans mon domaine et la coach d'expatriés par excellence !

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