Dépréciation de la roupie mauricienne : Ce que cela veut dire pour les expats

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Publié le 2021-03-04 à 12:25
La roupie mauricienne perd de sa valeur face aux devises telles que le dollar ou l'euro. Et selon l'économiste Eric Ng, cette tendance ne s'inversera pas avant au moins une année. Quel serait l'impact pour les expatriés vivant à Maurice ? Il répond aux questions d'Expat.com. 

La dépréciation de la roupie, qu'est-ce que cela veut dire ?

En simple, cela veut dire que la roupie mauricienne perd de sa valeur face à d'autres devises telles que le dollar ou l'euro. Il faut donc plus de roupies pour s'acheter des devises. 

Et en quoi ce n'est pas une bonne chose pour ceux qui vivent à Maurice ? 

Il faut savoir que nous importons plus de 75% de ce que nous consommons donc nous sommes très dépendants des autres pays. Je ne parle pas que de nourriture mais aussi de matières premières, d'équipements. Nous sommes trop dépendants de l'importation. Nous n'avons pas de ressources naturelles et nous sommes une petite économie très ouverte. C'est pour cela qu'il est important d'avoir une roupie stable. A savoir aussi que la Banque de Maurice, lorsque la roupie déprécie trop ou s'apprécie trop, elle achète ou vend le dollar pour atténuer les effets…

Quels sont les facteurs qui provoquent la dépréciation de la roupie ?

Il existe des facteurs locaux et internationaux. Un des facteurs internationaux peut être l'appréciation du dollar. Mais dans notre contexte, il s'agit d'une combinaison des deux types de facteurs. Nous n'exportons pas suffisamment. Si les entreprises demandent plus de dollars que ce que nous avons en réserve, c'est sûr que la roupie va déprécier. On se demande alors pourquoi la demande dépasse l'offre, c'est justement parce qu'il n'y a pas suffisamment d'exportation. Quand l'inflation est élevée, le pouvoir d'achat diminue. Et les gens préfèrent garder leur argent en devises plutôt qu'en roupies.

Une roupie plus faible est une aubaine pour les touristes mais qu'en est-il des expatriés qui vivent à Maurice ?

Pour les touristes, cela leur donne une destination moins chère. Cela donne un avantage aux exportateurs qui vendent leurs produits en devises, donc lorsqu'ils échangent, ils ont plus de roupies. Mais ce n'est pas bon pour ceux qui font du business à Maurice car l'importation de matières premières coûte plus chère. Mais ceux qui viennent passer des vacances ont un plus grand pouvoir d'achat. Et ceux qui vivent à Maurice et qui perçoivent une pension de l'étranger profitent également de la dépréciation de la roupie. 

Qu'en est-il de ceux qui perçoivent des salaires en roupies ?

En fait, je sais qu'ils sont nombreux à demander à être payés en dollars ou en euros. C'est un avantage pour eux. L'ennui se pose peut-être lorsqu'ils veulent regagner leur pays et qu'ils doivent reconvertir les roupies en devises étrangères. 

Il semblerait que cette dépréciation va se prolonger dans les prochains mois non ? 

Je dirai pour encore une année, voire deux. Il faut comprendre qu'en ce moment, nous n'avons plus de recettes touristiques. D'habitude, nous avons 1, 5 milliards d'euros de recettes provenant du secteur touristique. L'exportation du textile a diminué. Du coup, nous comptons sur l'Offshore mais là encore, nous avons du mal à attirer d'autres investissements depuis que le pays est sur la liste noire de l'Union européenne. Pour l'instant, l'importation nette demeure élevée. Notre réserve en devises est plutôt confortable. Elle représente douze mois d'importation donc nous pouvons tenir une année ou deux mais après nous subirons l'effet boule de neige. La Banque centrale aura moins de moyens d'intervenir sur le marché pour défendre la roupie, elle devra donc puiser dans les réserves, ce qui fera déprécier encore la valeur de la roupie…En fait, tout repose sur la confiance qu'ont les gens en la roupie. S'ils n'ont pas confiance, ils voudront garder leur argent en devise.

Quelles sont les mesures qui pourraient renverser la tendance ? 

Il faudrait revoir notre stratégie d'exportation et diversifier les produits exportés pour avoir plus de revenus. Quand je parle de diversification, je ne parle pas que des biens mais aussi des services. Il faudrait faire de Maurice un véritable centre international avec de la substance et une forte valeur ajoutée tout en continuant d'attirer les investissements étrangers. 

Pensez-vous qu'il y a de l'espoir pour le prochain exercice budgétaire ?

Tout dépend vraiment de la vision du gouvernement. Depuis quelques années, nous nous concentrons sur la consommation mais lorsque l'on fait cela, nous importons davantage et cela pousse à la dépréciation de la roupie. En augmentant la pension de vieillesse ou la compensation, les gens consomment plus donc nous importons plus.