S'expatrier sans connaître la langue de son pays d'accueil : est-ce possible ?

Vie pratique
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Publié le 2024-03-22 à 10:00 par Asaël Häzaq
D'un côté, on pourrait dire qu'il est impossible de s'expatrier sans connaître la langue du pays d'accueil pour des raisons évidentes d'intégration. De l'autre côté, on peut aussi affirmer qu'il est possible d'apprendre une langue sans pour autant voyager. Les passionnés de langues étrangères sont nombreux à le démontrer. Entre les propositions, un équilibre à trouver pour une expatriation réussie. Que faut-il prendre en compte lorsqu'on s'apprête à partir dans un pays dont on ne maîtrise pas la langue ?

Identifier les vraies raisons du non-apprentissage de la langue

Mettons fin au suspense : il est possible de s'expatrier sans connaître la langue de son pays d'accueil. En raisonnant de manière purement administrative, on dira que toute personne ayant les documents nécessaires (visa, titre de séjour en règle) peut s'expatrier. Mais l'on voit aussi à quel point les services d'immigration peuvent insister sur la maîtrise de la langue. Confèrent les différentes politiques d'immigration des États. L'expatrié serait-il une exception ? Non, il est bien entendu directement visé.

À première vue, on pensera que vous avez « la flemme ». Mais il existe bien d'autres raisons qui expliquent votre méconnaissance de la langue locale. Il faut tout d'abord revenir sur les débuts de votre expatriation : est-elle voulue ou non ? Dans quel cadre s'établit-elle (mutation, visa étudiant, de travail, suivi du conjoint…) ? Le cadre d'expatriation peut expliquer votre motivation et vos possibilités pratiques pour apprendre une nouvelle langue.

Évaluer sa motivation

Les expatriations très courtes peuvent freiner. Pourquoi suivre des cours de langue pour 6 mois à l'étranger ? Le rythme de travail peut également saper l'envie d'apprendre. Difficile d'apprendre une langue quand on travaille toute la journée. La fatigue se fait d'autant plus sentir si l'employeur n'a réservé aucun créneau pour votre intégration (cours de langue, ou temps aménagé pour vous permettre de vous former). Le non-apprentissage de la langue du pays d'expatriation n'est pas toujours voulu.

La motivation reste en lien direct avec le projet d'expatriation. Partir dans un pays où sa langue d'origine est parlée rassure : pas besoin d'apprendre la langue locale, même s'il s'agit de la langue officielle du pays. De nombreux expats se reposent sur la maîtrise de l'indispensable anglais, en oubliant qu'il n'est pas parlé partout. D'autres facteurs jouent sur la motivation : la balance investissement/utilité de la langue (si elle n'est parlée que dans le pays...), le manque d'intérêt pour la culture du pays, etc. Parfois, « ça ne prend pas ». Certains expats s'étonnent, culpabilisent : ils reconnaissent qu'ils n'ont pas envie d'apprendre. Faut-il trouver une explication rationnelle ? Comment faire face au quotidien ?

Gérer le quotidien sans la langue du pays d'accueil

Certains vous diront qu'ils vivent depuis vingt ans dans leur pays d'expatriation, mais n'en parlent toujours pas la langue. Ils sont mariés avec un.e local.e qui maîtrise leur langue, évoluent dans des milieux internationaux ou non, comptent sur l'amabilité de leurs amis pour les aider dans l'administratif et leur quotidien.

S'expatrier sans connaître la langue de votre pays d'accueil vous obligera à vous adapter au quotidien : vous enregistrer à la mairie, signaler un changement de situation, poster un courrier, déchiffrer un courrier reçu, faire vos courses, prendre rendez-vous chez le médecin, chercher un travail, comprendre votre fiche de paie, acheter un billet pour un concert, vous inscrire dans un club, suivre les infos, lire le journal ou d'autres contenus écrits… On ne mesure pas à quel point la maîtrise de la langue facilite le quotidien.

Immergé dans le pays d'origine, tout est plus simple… Encore que les contrariétés administratives secouent les nerfs les plus patients. À l'étranger, toutes ces contrariétés sont multipliées. Il faudra également ajouter la culture, qu'on découvre aussi en apprenant la langue. S'il est tout à fait possible de s'expatrier sans maîtriser la langue de son pays d'accueil, il faudra néanmoins se préparer à un parcours plus laborieux.

Maîtriser l'art du système D

Vous comptez travailler dans un milieu où la parole sera rare et décidez de faire l'impasse sur l'apprentissage de la langue. Autre possibilité : vous travaillez dans une entreprise internationale et/ou un domaine international. Vous n'avez pas besoin de parler la langue du pays d'accueil dans l'entreprise. Certes, vous ne passez pas tout votre temps au bureau, mais, même à l'extérieur, vous ne fréquentez que les quartiers internationaux. Vous avez appris le vocabulaire de survie, et gardez toujours un guide pratique pour vous aider.

En cas de besoin, vous comptez sur les gestes, que vous maîtrisez déjà parfaitement. Si les gestes ne suffisent pas, vous dégainez votre smartphone. Les applications de traduction dopées à l'IA sont de plus en plus convaincantes. Google translate, Deepl translator, Say HiTranslate et leurs amis sauront vous aider. Vous avez des amis locaux et/ou qui maîtrisent la langue locale ? Parfait : embarquez-les dans vos sorties importantes (à la mairie, chez le médecin…) et louez leurs services d'interprètes.

Accepter les contraintes inhérentes au non-apprentissage de la langue

Gare aux limites. Les applications de traduction ne font pas un sans-faute. Et quand bien même elles le feraient, ces conversations à 3 sont-elles vraiment plaisantes pour vous ? Pour votre interlocuteur ?

Anticipez les remarques parfois blessantes des locaux et des étrangers qui maîtrisent la langue locale. Ils comprendront que vous ne la pratiquiez pas pour 4 ou 6 mois d'expatriation. Ils s'étonneront de vous voir bafouiller même après 8 mois à l'étranger. On ne cautionne évidemment pas les propos blessants. Chacun a ses raisons pour expliquer le non-apprentissage de la langue locale. Il faut garder à l'esprit que ce non-apprentissage aura des répercussions sur le quotidien. Les amis ne seront pas toujours là pour traduire. Les applications ne traduisent pas dans toutes les langues et ne sont pas toujours disponibles hors connexion.

Ne pas surestimer le niveau à atteindre avant l'expatriation

Rassurez-vous : personne ne vous demande d'être parfaitement bilingue avant le départ à l'étranger. On vous recommande plutôt de connaître un minimum de vocabulaire pour vous débrouiller. Vous baragouinez encore après plusieurs mois à l'étranger ? Ne culpabilisez pas : chacun apprend à son rythme. L'essentiel est d'en savoir assez pour gérer votre quotidien. Le conseil vaut que l'expatriation soit courte ou longue, que vous travailliez ou non dans un milieu international. Pour mettre le plus de chances de votre côté, commencez l'apprentissage le plus tôt possible avant l'expatriation. Vous pourrez approfondir vos connaissances à mesure que votre projet de vie à l'étranger prend des allures d'installation de long terme, ou définitive.

Expatriation : pourquoi apprendre la langue du pays d'accueil

Si l'on insiste autant sur l'apprentissage de la langue, c'est parce qu'il facilite considérablement l'intégration. Comprendre (même partiellement) les documents administratifs, pouvoir lire les noms d'enseignes et les panneaux de signalisation… Vous êtes indépendant et gagnez en confiance. Les sons du pays d'accueil deviennent aussi familiers pour vous que ceux de votre pays d'origine.

L'expatriation est un bouleversement en soi. Le défi est d'autant plus grand lorsque vous ne parlez pas la langue du pays d'accueil. Difficile de tenir une conversation, même simple, avec un local. L'apprentissage de la langue est important à tous les niveaux. Il vous permet de chercher du travail, de comprendre le marché local du travail, d'évoluer dans l'entreprise… Même si vous n'utilisez pas ou peu la langue locale au travail. La maîtrise de la langue enrichit votre CV et démontre vos capacités d'adaptation.

Apprendre la langue vous ouvre les portes de la culture locale. Vous n'êtes plus « l'expat de passage » ou « l'étranger du coin », mais découvrez les réflexes et modes de pensée des locaux. Apprendre au sein d'une école vous fera rencontrer d'autres étrangers, mais aussi des locaux (profs, rencontres avec des natifs…). C'est une excellente manière de rompre l'isolement. C'est aussi une question de respect. Les locaux reconnaissent vos efforts, l'intérêt que vous portez à leur culture. Ils seront ravis de converser avec vous et feront tout pour faciliter vos échanges. Apprendre la langue de son pays d'accueil reste l'une des clés pour une expatriation réussie.