
Entre le contrat de travail et la réalité, il y a parfois un monde. Certains expatriés expriment leur désarroi. Difficile de savoir à qui s'adresser pour faire valoir ses droits. Comment réagir lorsque les conditions de travail dans le pays d'accueil sont loin de celles légalement prévues ? Comment savoir qu'un contrat de travail est abusif ? Vers qui se tourner ?
Expatriation, contrat de travail et dérives
Si les employeurs ont des droits, ils ont aussi des devoirs. Cette règle simple semble oubliée par certains employeurs peu scrupuleux, qui profitent de leur position avantageuse pour contraindre les travailleurs expatriés. Au Canada, des voix ne cessent de s'élever pour dénoncer les dérives du permis fermé. Ce permis temporaire lie le travailleur étranger à son entreprise. Il existe bien entendu des patrons honnêtes qui restent dans leurs limites.
Mais il existe aussi d'autres patrons, pour qui « permis fermé » est synonyme de « pleins pouvoirs » : puisque le titre de séjour de l'étranger dépend de son appartenance à l'entreprise, cette dernière pourrait faire ce qu'elle veut de lui, ou presque. C'est l'amère expérience que partage Bénédicte, immigrée française au Canada, ex-titulaire d'un permis fermé. Témoignant pour le média canadien TVA Nouvelles, elle assimile le permis de travail fermé à de « l'esclavagisme déguisé ».
Plus tôt, en juin, plusieurs experts du Canada, parmi lesquels l'Institut de recherche sur les migrations et la société de l'Université Concordia, affirmaient que les permis fermés étaient une source de précarité et d'insécurité. Les expatriés possédant ce permis ont plus de mal à obtenir la résidence permanente. Les travailleurs étrangers confirment l'analyse des experts. Ils parlent de leurs conditions de travail difficiles, des risques pour la santé, de la précarité.
Salaires impayés
Autre pays, problèmes similaires. Des expatriés arrivés au Japon avec un visa de travailleur qualifié (le visa « ingénieur/spécialiste en sciences humaines/services internationaux ») dénoncent des abus : salaires impayés, missions n'entrant pas dans le cadre de leur permis de travail. Un travailleur qualifié venu du Vietnam explique ainsi que son entreprise japonaise lui imposait des missions de nettoyage dans les hôtels et les restaurants. Elle a ensuite cessé subitement de lui confier des missions. Plus de missions, plus de salaire.
Confronté à une pénurie chronique de main-d'œuvre et au vieillissement de la population, le Japon s'ouvre progressivement à l'immigration. Les droits des travailleurs ne sont cependant pas toujours respectés. Le visa « ingénieur/spécialiste en sciences humaines/services internationaux » est régulièrement détourné de son objectif premier pour faire venir des étrangers. Ils pensent travailler au Japon dans leur domaine de compétence et se retrouvent contraints d'effectuer des missions précaires, sans rapport avec leur contrat. La barrière de la langue est souvent un frein. Car, contrairement à d'autres permis, la maîtrise du japonais n'est pas requise pour ce type de visa qualifié. Les entreprises peu scrupuleuses en profitent. Les expatriés se retrouvent isolés.
Visas détournés de leur objectif
La hausse des cas d'abus semble aller de pair avec la hausse des contrôles concernant le controversé « programme de formation technique ». Ce programme était pensé pour accueillir des stagiaires étrangers, venus principalement des pays voisins. Les expatriés étaient censés apprendre un métier au Japon et développer leurs compétences.
Mais la machine se grippe vite. Nombre de « stagiaires techniques » se retrouvent parqués dans des usines, forcés d'accomplir des tâches parfois dangereuses, sans équipement. Ils accumulent les heures de travail supplémentaires et ne sont pas toujours payés. Le programme doit être remanié entièrement d'ici 2027. Et pendant ce temps, le nombre d'expatriés « ingénieurs/spécialistes » bondit. Les entreprises qui exploitent les expatriés semblent avoir trouvé la parade pour continuer leur forfait. Quels recours pour les travailleurs étrangers ?
Travail à l'étranger : comment éviter les abus ?
Comment faire valoir ses droits devant son employeur étranger ? L'expatrié peut se trouver dans une situation précaire, surtout lorsque son permis de travail est lié à son entreprise. L'employeur profite justement de cette situation pour le contraindre à exécuter tout ce qu'il demande. Mais la riposte s'organise.
Bien choisir son permis de travail
Renseignez-vous tout d'abord sur les différents permis de travail que propose votre pays d'accueil. Quel permis est le plus en adéquation avec votre situation ? Votre pays d'accueil a-t-il déjà été épinglé pour des abus en la matière ? Des employeurs ont-ils fait la une de la presse locale pour avoir exploité des travailleurs expatriés ? Soyez particulièrement vigilants avec les permis de travail liés à l'entreprise (permis fermés). Le fait de travailler dans une grande entreprise n'est pas une garantie. Elles n'échappent pas aux possibles cas d'abus. Recherchez les organismes d'aide aux travailleurs étrangers : existent-ils dans votre future ville d'expatriation ? Est-il facile de les solliciter ?
Que faut-il vérifier avant d'accepter un contrat de travail ?
Tout contrat de travail est encadré par la loi. Pour éviter les abus, vérifier son contrat de travail. On conseille de toujours prendre le temps de bien le lire avant de le signer, même si l'employeur vous presse de signer vite… C'est surtout là qu'il faut se méfier. Votre contrat doit clairement mentionner toutes les informations obligatoires (les mentions présentées ci-dessous sont données à titre général) :
- Votre nom complet et bien orthographié ; votre adresse ;
- L'identité et l'adresse complètes de l'employeur ;
- Le type de contrat (court terme, long terme, stage, contrat saisonnier…) ;
- La date de début du contrat ;
- La période d'essai ;
- Le salaire et son mode de calcul, avec de possibles commissions ou part variable ;
- Le nombre d'heures de travail hebdomadaire ;
- Le paiement des heures supplémentaires ;
- Les coordonnées de l'assurance maladie du pays d'accueil.
Comment s'assurer que les engagements seront respectés ?
En principe, tous les contrats de travail doivent respecter les droits de l'homme. En pratique, on ne compte plus le nombre de contrats invalides en raison de clauses abusives. Mais l'expatrié ne le sait généralement pas. Il signe, certain que l'employeur a établi un contrat correct et qu'il respectera ses engagements.
Ainsi, certains contrats frauduleux interdisent de prendre une pause. D'autres exigent que le salarié remette son passeport (ou autre document d'identité) pour que l'entreprise le conserve « en lieu sûr ». D'autres clauses mentionnent que le travail devra être fait, quel que soit le nombre d'heures que l'expatrié devra prendre : ces heures supplémentaires ne seront pas payées, puisqu'il s'agira de rattraper le travail non accompli durant le temps imparti. Il arrive aussi que ces règles ne soient pas mentionnées dans le contrat, mais fassent partie du règlement intérieur de l'entreprise… que tout salarié doit respecter.
Pour s'assurer que l'employeur respecte ses engagements, une seule solution : la vigilance constante et le contrôle régulier. L'expatrié doit vérifier au jour le jour la conformité du contrat de travail signé avec le travail effectivement fait.
Expatriation et contrat de travail abusif : quelles démarches entreprendre ?
Les entreprises peu scrupuleuses jouent sur la motivation extrême des expats : le permis de travail peut en effet être très dur à obtenir, surtout dans les grands pays d'expatriation, comme le Canada, les États-Unis et l'Australie. Des étrangers sont prêts à accepter des conditions de travail précaires pour vivre leur rêve, espérant, une fois sur place, changer de statut et améliorer leur position. Mais il peut être très dur (voire impossible) de passer d'un statut à un autre, surtout lorsqu'on détient un permis de travail fermé. La seule solution serait de rentrer dans son pays pour retenter sa chance avec un permis de travail plus ouvert.
Contrat de travail
Si l'on constate que le contrat de travail est abusif, mieux vaut ne rien signer. Car si l'entreprise ne respecte pas la loi maintenant, pourquoi la respecterait-elle plus tard ?
Il faut prendre le temps de lire le contrat de travail. Il est même possible de l'emporter chez soi pour le ramener signé le lendemain. Mais peu de gens le font, par crainte de perdre le poste. L'employeur lui-même peut se montrer pressant (ce qui n'envoie pas un signal positif). Plutôt que de céder aux intimidations de l'employeur, le salarié étranger peut prendre le temps de lire le contrat pour détecter les éventuels abus. Tâche ardue, surtout lorsque le contrat est écrit dans une langue autre que la langue maternelle du candidat à l'expatriation. Et quand bien même il maîtriserait la langue de son futur pays d'accueil, le jargon juridique peut être compliqué à comprendre. Des employeurs profiteraient de la méconnaissance des travailleurs étrangers pour insérer dans les contrats des clauses contraignantes, tout en développant un autre discours aux étrangers (bon poste, bon salaire, bonnes conditions de travail).
Collecte de preuves
En cas d'abus avéré, il faut récolter toutes les preuves possibles : fiches de paie, notices écrites, règlement intérieur de l'entreprise, textos, mails, menaces écrites, enregistrements de conversations avec l'employeur… Les pratiques abusives concernent-elles un expatrié isolé ? Un groupe d'expatriés ? Tous les expats et locaux confondus ? Un collectif de travailleurs peut-il être créé ? Qui serait prêt à témoigner ?Aucun travailleur étranger ne devrait rester isolé. Les recherches effectuées avant l'expatriation permettent d'identifier les associations d'aide. Il est essentiel de les solliciter, non seulement pour bénéficier de leur soutien moral, mais aussi pour trouver une solution et, le cas échéant, organiser la riposte juridique. Un combat souvent long et éprouvant, mais qui permet de mettre en lumière le désarroi de nombre de travailleurs étrangers. C'est notamment grâce à la médiatisation de cas d'abus que l'exécutif japonais a acté la fin de l'actuel programme des travailleurs techniques. D'autres pays ont souligné leur engagement dans la lutte contre l'exploitation des travailleurs étrangers. Mais il reste encore fort à faire.
Sources :
- TVA Nouvelles - Immigrer au Canada avec un permis de travail fermé: «de l’esclavagisme déguisé», prévient une Française expatriée
- Ici Radio Canada - [Reportage] Des travailleurs étrangers dénoncent les permis fermés et la précarité
- NHK World Japan - Les travailleurs étrangers qualifiés sont confrontés à des problèmes au Japon
- AsiaLyst - Japon : les "stagiaires techniques", ces immigrés "choisis" et sous-payés



















