Parité femmes-hommes : quelles avancées pour les expatriées ?

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Publié le 2023-03-24 à 10:00 par Asaël Häzaq
La Journée internationale des droits des femmes, observée le 8 mars dernier, a été une nouvelle journée de mobilisation dans le monde entier. L'Espagne a profité de ce moment pour dévoiler son nouveau projet de loi pour accélérer la représentation paritaire dans les organes décisionnaires. Qu'en est-il dans les autres pays ? Quels sont ceux qui imposent des lois et/ou quotas pour favoriser la présence des femmes dans les instances de décision ? Va-t-on vers une avancée en matière de droits des femmes ? Quelles implications pour les expatriées ?

L'Espagne fait un nouveau pas pour la parité

Mardi 7 mars, la veille de la Journée internationale des droits des femmes, le gouvernement espagnol approuve un projet de loi sur la représentation paritaire des femmes et des hommes dans les organes décisionnaires. Désormais, entreprises et institutions devront composer avec des quotas de genre : au moins 40 % de femmes au sein des conseils d'administration.

Pour une meilleure représentation des femmes dans les cercles de pouvoir

Actuellement, l'Espagne compte moins de 30 % de femmes dans les conseils d'administration des entreprises cotés en bourse. C'est même 20 % à peine pour les postes de direction. Pour le gouvernement de coalition de gauche, le temps n'est plus aux simples propositions. Il faut obliger et forcer la marche du destin vers une plus grande et réelle place pour les femmes. À partir de 2026, les entreprises du privé, du public, mais aussi les associations professionnelles et les membres de jurys chargés de décerner des prix devront compter au moins 40 % de femmes au sein de leur conseil d'administration.

La loi s'applique aussi au gouvernement, qui devra compter autant de femmes que d'hommes, et aux candidats aux élections. Pour l'instant, les femmes représentent 44 % des membres du Congrès et 39 % des membres du Sénat. Aucun genre ne sera donc représenté à moins de comptabiliser 40 % du total.

L'Espagne, à l'avant-garde de la justice sociale

Une semaine auparavant, le Premier ministre Pedro Sánchez défendait le recours aux quotas, seul moyen, selon lui, pour que les mesures prennent vraiment effet. «  Si les femmes représentent la moitié de la société, elles devraient détenir la moitié du pouvoir politique et économique [...] » À ceux qui le trouvent grandiloquent et excessif, Sánchez maintient qu'au contraire, il s'agit d'une mesure « juste ». Car les incitations, conseils et autres recommandations n'ont eu qu'un effet limité.

Avec cette proposition de loi, l'Espagne s'inscrit comme l'un des pays les plus avancés en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. Le 16 février, le pays avait déjà créé la surprise en adoptant une loi aménageant un congé menstruel pour les femmes souffrant de règles douloureuses : une première en Europe.

Ailleurs dans le monde : quelles avancées en matière de droits des femmes ?

Dans les autres États aussi, on marche vers davantage d'égalité entre les femmes et les hommes. Une marche parfois traînante, parfois stagnante, ou, au contraire, volontaire et audacieuse. Tour d'horizon.

Union européenne

Dans l'Union européenne, on a plutôt pris son temps. 10 ans, pour être précis. Pourtant élaboré en 2012 par la Commission européenne (présidée alors par José Manuel Barrosso), le projet de loi pour fixer des quotas dans les conseils d'administration est laissé de côté jusqu'en juin 2022. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne depuis 2019, le déterre des cartons. Les 27 États membres et le Parlement européen parviennent à s'accorder : en 2026, les entreprises des pays membres cotés en Bourse devront compter au moins 40 % de femmes pour les sièges non exécutifs de leurs conseils d'administration, ou au moins 33 % de sièges non exécutifs et exécutifs.

Maroc

Au Maroc, la loi du 31 juillet 2021 fixe des quotas pour rendre la mixité obligatoire au sein des conseils d'administration des sociétés anonymes qui recourent à l'épargne. Ils devront compter au moins 30 % de femmes en 2024, et 40 % en 2027. Ce projet concrétise la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) mise en place par l'État. C'est une grande avancée pour le Maroc, qui devient le premier pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord à renforcer les droits des femmes. Saluée par la Banque mondiale, la stratégie du Maroc rejoint celle de l'Espagne, la Belgique, la Norvège, la France et l'Italie. Le pays sait que tout reste à faire. En 2020, les femmes représentent la moitié de la population, mais à peine 23 % des actifs. Elles sont pourtant plus diplômées que les hommes et sont plus nombreuses à avoir fait des études supérieures (26 %, contre 14 % d'hommes).

Canada

Sur le papier, tout semble aller pour le mieux. Le Premier ministre Justin Trudeau montre qu'il tient ses promesses. En 2021, il forme un gouvernement 100 % paritaire. Mais la belle photo ne parvient pas à gommer les sourires crispés. Comment expliquer que le Canada, 27e dans le classement mondial de la représentation des femmes au sein des parlements en 2000, chute à la 59e place aujourd'hui ? Le Canada ne compte que 30 % de femmes à la Chambre des communes (équivalent du Parlement), loin derrière le Mexique, l'Argentine ou la France. En mai 2022, le gouvernement publie les chiffres 2019 de la représentation des femmes au sein des conseils d'administration. Là encore, il peut mieux faire : à peine 19,2 % de femmes siègent dans les fameux conseils. C'est +0,8 point par rapport à 2018. Le Canada marche au pas. Lot de consolation : les nouveaux administrateurs étaient bien souvent de nouvelles administratrices. Les entreprises nouvellement créées comptaient davantage de femmes administratrices.

États-Unis

Aux États-Unis, on compte à peine 10 dirigeantes sur les 100 plus grandes entreprises du pays. La Californie fait office de bon élève, du moins au début. En 2018, elle crée une loi instaurant au moins 40 % de femmes au sein des conseils d'administration des entreprises. Loi devant définitivement prendre effet en 2021. Le secteur de la Tech, réputé machiste, est particulièrement visé. Les conseils d'administration constitués de 6 membres doivent contenir 3 femmes. Pour les conseils de 5 administrateurs, il faut au moins 2 femmes nommées en même temps. Les contrevenants s'exposent à une amende de 100 000 dollars. Mais le 13 mai 2022, une juridiction de Los Angeles invalide la loi des quotas au nom de « l'égale protection pour tous », principe inscrit dans la Constitution. C'est un revers pour l'avancée des droits des femmes (c'est une juge qui a invalidé le texte). C'est aussi un coup dur pour la Californie, jusque-là considérée comme avant-gardiste.

Kenya

Au Kenya, la Constitution entérine la règle des « deux tiers entre les sexes ». La majorité étant historiquement détenue par les hommes, on comprend que le tiers restant représente les femmes. Au moins 33 % des parlementaires doivent être des femmes. Mais en pratique, elles ne sont que 20 %. La question est si sensible qu'en 2020, le Président de la Cour suprême kenyane demande, dans une lettre ouverte, la dissolution du Parlement. De leur côté, les femmes politiques subissent des pressions parfois violentes. Elles continuent cependant d'investir les cercles du pouvoir, pour forcer l'application des lois sur la parité de genre.

France

Le 27 janvier 2011, la France crée la loi « Copé-Zimmerman » (des noms de ces concepteurs), loi « relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle ». Cette loi impose un quota d'au moins 40 % de femmes dans les conseils d'administration et de surveillance. 10 ans plus tard, le 21 janvier 2021, la délégation au droit des femmes fait le bilan. Avec 46 % de femmes siégeant dans les conseils d'administration des grandes entreprises, la France est une championne mondiale. Le baromètre Equileap 2023 (égalité femmes-hommes) place ainsi la France championne de l'égalité femmes-hommes, pour la 2e année consécutive. Mais pas de quoi se réjouir trop vite. L'étude pointe de nombreuses limites : à peine 10 cheffes sur 119 grandes entreprises, dont seulement 3 dans le CAC 40, parité non respectée dans les PME et même au gouvernement… Au final, les femmes restent peu nombreuses à la tête d'entreprises et dans les postes à responsabilité. En mai 2021, un nouveau projet de loi entend instaurer des quotas pour augmenter le nombre de femmes cheffes d'entreprise : 30 % d'ici 2027, et 40 % en 2030.

Japon

Le Japon peut mieux faire. En 1985, le pays adopte une loi sur l'égalité des chances au travail. En 2021, soit 36 ans après l'adoption de la loi, à peine 10 % des entreprises sont dirigées par des femmes. La marche est lente, au Japon, avec un chiffre qui n'a progressé que de 3,5 points depuis 1990. Pour combattre les inégalités, certaines universités prennent les devants. L'Institut de technologie de Tokyo lancera un système de quotas en 2024 pour accueillir davantage d'étudiantes ingénieures (à peine 13 % aujourd'hui). Le quota permettra à 58 étudiantes d'accéder aux études d'ingénierie en 2024, et 143 en 2025 ; soit 20 % de hausse. L'Université de Nagoya a devancé Tokyo, et dispose déjà d'un système de quota pour l'ingénierie. D'autres universités optent pour la même stratégie. Mais dans une société encore trop souvent pensée par et pour les hommes, les responsables universitaires militent pour un « changement de cycle ». Comprendre : une société où les femmes se sentiraient à l'aise et seraient libres d'étudier et d'entreprendre. Le scandale des quotas discriminant les étudiantes en médecine est encore dans toutes les mémoires.

Norvège

On l'appelle « la pionnière de la parité ». En 2002, la Norvège recense plus de 2000 administrateurs, dont à peine 6 % d'administratrices. Un faible pourcentage qui ne bouge pas depuis des années. À l'époque, on pense qu'il augmentera naturellement avec l'augmentation du nombre de femmes dans les entreprises. C'est oublier le plafond de verre et les portes qui leur bloque l'accès aux postes à responsabilité. En 2004, l'État impose à ses entreprises publiques au moins 40 % de femmes aux conseils d'administration. En 2008, la mesure est étendue aux entreprises cotées en bourse. La sanction, volontairement sévère, est la même pour les contrevenants : la fermeture de l'entreprise. En 2022, l'État veut encore étendre la règle aux entreprises de plus petite taille (entre 10 000 et 25 000 entreprises visées). Car il reste beaucoup de travail. Les quotas ont permis aux femmes d'occuper 43 % des sièges des conseils d'administration des entreprises cotées en Bourse. Mais elles n'occupent que 9 % des postes de direction ; postes échappant (encore ?) à la règle des quotas.

Quelles implications pour les expatriées ?

Pour les expatriées, les quotas peuvent faciliter la prise de hauts postes. Mais certaines cadres ont fait part, dans un premier temps, de leurs réserves. Les quotas ne sont-ils pas la preuve d'un échec ? Ces cadres auraient préféré être recrutées grâce à leurs qualifications. Elles reconnaissent néanmoins que les quotas n'enlèvent rien aux qualifications, au contraire. Ils rectifient une anomalie qui privilégiait les hommes au détriment des femmes. Elles notent aussi que les quotas n'empêchent pas toutes les inégalités. Derrière des gouvernements et conseils d'administration affichant un semblant de parité, les luttes de pouvoir demeurent.

Et la route reste longue. Selon un rapport de la Banque mondiale, en 2021, à peine 10 États accordent les mêmes droits aux femmes et aux hommes : la Belgique, la France, le Danemark, la Lettonie, le Luxembourg, la Suède, l'Islande, le Canada, le Portugal, et l'Irlande. Le rapport précise qu'il cible les lois sur la liberté de circulation, l'accès à l'emploi, les salaires, les conditions maritales, le retour à l'emploi des mères, les capacités à créer une entreprise, l'accès à la propriété et la retraite. Mais entre l'égalité de principe et la réalité pratique, l'égalité prônée par la législation est encore loin d'être toujours appliquée.

Réformer les recrutements pour lutter contre les discriminations

Où partent les expatriées ? La Norvège, la Finlande, l'Islande et le Danemark reviennent souvent en tête des classements des « meilleurs pays » en matière de droits des femmes et de parité. Le Luxembourg, la Suisse, et les Pays-Bas figurent aussi parmi les meilleures destinations pour les expatriées. La Belgique occupe une bonne position, grâce à son faible écart salarial (environ 5 % en défaveur des femmes). Mais l'écart reste, et la marche continue pour une totale égalité.

Pour les recruteuses internationales et les cheffes d'entreprise, il faut aussi s'attaquer au processus de recrutement. Selon elles, les candidates à l'expatriation peuvent être discriminées dès la candidature, car les offres d'emploi sont encore trop souvent rédigées par des hommes. Même obstacle concernant le processus de recrutement, avec des interlocuteurs majoritairement masculins. Pour ces dirigeantes et responsables, il faut plus de femmes à chaque étape du recrutement : lors de la création de l'annonce, de la sélection des candidats, des entretiens, de l'intégration dans une équipe, à la direction, etc. Féminiser les équipes permet à l'entreprise de composer avec tous ses talents. Une diversité propice à plus de compétitivité et plus de croissance.