Interview : Stéphanie Bouloc, entrepreneure engagée dans l'économie circulaire

Interviews d'expatriés
Publié le 2024-03-07 à 06:19 par Lila Chaleon*
Il y 6 ans, Stéphanie Bouloc a choisi Maurice comme terre d'entrepreneuriat. De la France à l'île paradisiaque, son histoire reflète un engagement passionné pour l'économie circulaire. En cette journée des droits de la femme, zoom sur cette femme forte et créative.

Parle-nous de ton parcours

Je suis une femme dans la cinquantaine, mère de 3 enfants, française à Maurice depuis 6 ans. J'ai fait une école de communication il y a très longtemps (rires). Après quelques jobs dans la com, j'ai monté deux entreprises de services aux particuliers aux aéroports, la première à Paris, l'autre à Nice. Il y a environ 15 ans, j'ai opéré un changement significatif dans ma carrière en m'orientant vers des projets à fort impact social et environnemental au sein d'organisations non gouvernementales, notamment dans en créant des épiceries sociales puis des ressourceries. Ce sont celles qui valorisent les personnes et les object destinés au rebut. Le but était de donner une nouvelle vie aux objets jetés, tout en accompagnant les chômeurs, en leur offrant des green jobs.

Qu'est ce qui t'a amenée à Maurice ? 

Mon aventure à Maurice a commencé un peu par hasard. Initialement, je suis arrivée en tant qu'observatrice et bénévole au sein d'ONG locales, avec l'envie de mieux comprendre le tissu associatif de l'île. Puis, naturellement j'ai mis en pratique mes compétences en devenant consultante en gestion de déchets. Le Covid a chamboulé mes plans, et le travail s'est fait plus rare. C'est là que j'ai saisi l'opportunité de participer à Climate Launchpad en répondant à leur appel à projets. Contre toute attente, j'ai remporté la compétition, et c'est comme ça que La Déchethèque a vu le jour en novembre 2021, après une année d'incubation !

La Déchethèque représente la première plateforme d'e-commerce d'économie circulaire à Maurice.  L'idée est simple : offrir une banque de matériaux de construction d'occasion sur l'île. C'est ma façon à moi de contribuer à un mode de vie plus durable, tout en répondant aux besoins concrets de la communauté mauricienne.

Qu'est-ce qui t'a motivée à te lancer dans l'entreprenariat ? 

C'est la liberté. Tu as un rêve, une idée qui émerge, c'est challenging, mais mais tu travailles pour la faire devenir une réalité, c'est à dire une entreprise, et tu dois résister à tous les défis pour aller au bout. 

J'ai aussi beaucoup été motivée par l'impact environnemental. Je voulais avoir un impact sur le monde , créer une “plus value”. Je n'ai pas trouvé d'équivalent dans le salariat, donc je me suis dit “pourquoi ne pas le faire par moi-même?”

Est-ce que les Mauriciens sont réceptifs au concept de la Déchethèque et à l'idée d'économie circulaire ?

Pour ce qui est des grosses entreprises, elles n'ont pas le choix à cause des normes internationales, des exigences en termes de RSE, d'empreinte carbone, de développement durable. Au niveau des particuliers, il y a très peu d'éducation sur le tri, mais aussi très peu de solutions. Le simple fait de jeter sa bouteille en plastique quand tu circules dans un bus est très compliqué ! 

Ce n'est pas l'engouement qui manque, mais plutôt les réponses pour pouvoir mettre en place une réduction des déchets. Le plus compliqué en fait, c'est le manque de réglementation de la part du gouvernement pour inciter à recycler. Mais tout de même, il y a plein d'ONG, et la société civile a beaucoup de projets, d'initiatives. 

Des obstacles à Maurice en tant qu'entrepreneure ?

Énormément ! Quand on est une femme et qu'on a des enfants, il faut apprendre à lier sa vie de famille à son challenge d'entrepreneure, arriver a concilier vie professionelle et vie de famille. Ce n'est pas facile comme équilibre.

Il y a aussi la recherche de financements. A Maurice, il n'y a pas forcément de financements comme en Europe, il y a des leviers mais ça reste un obstacle d'arriver en tant qu'expat sans connaître le système ! Il faut se créer un écosystème, un réseau, prouver que tu as les compétences. Toutefois, il y a quand même une bonne écoute à Maurice. Si tu as les compétences, tu peux avancer doucement, mais sûrement. Ce n'est pas facile mais on y arrive avec beaucoup d'acharnement !

As-tu des conseils à donner aux aspirantes entrepreneures ?

Pendant les deux premières années, soyez prêts à beaucoup de travail pour très peu de retour financier. Il faudra beaucoup s'investir, et pour les femmes, réfléchir à l'impact sur sa vie familiale. Il faudra aussi s'entourer des bonnes personnes, d'un mentor ou bien d'un incubateur, de ses amis, d'experts. C'est important psychologiquement car, il y aura des hauts et des bas, et parfois l'envie d'abandonner se fait forte. Mais il y a toujours des personnes prêtes à accompagner, et il ne faut pas hésiter à les solliciter et ne surtout pas baisser les bras. Ne pas hésiter aussi à prendre du temps pour soi. L'entreprenariat c'est très gourmand en énergie, et ce n'est pas parce que tu as pris une journée pour toi que ça aura un impact sur ton entreprise !

Tes objectifs pour le futur ?

Développer encore plus l'économie circulaire entre les entreprises et les particuliers. Que ça devienne un réflexe d'y recourir, d'arrêter de démolir sans réfléchir. Valoriser 100 tonnes de matériaux diverted from landfill, et donner des emplois. Mais aussi transmettre, que tout ça persiste même quand je serai trop vieille pour continuer, notamment sur les autres îles de l'océan indien qui, comme Maurice, sont limitées en matière de gestion des déchets. 

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