Hausse mondiale du coût de l'énergie : quel impact sur les expatriés ?

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Publié le 2022-09-19 à 10:00 par Asaël Häzaq
Inflation en hausse, guerre en Ukraine, sans compter les autres guerres et conflits qui passent sous les radars des médias internationaux… Le monde s'essouffle et peine à s'éclairer. Comment envisager une expatriation dans ces conditions ? Comment les expatriés sont-ils affectés par de telles hausses ? Le point sur la situation.  

Hausse du coût de l'énergie : vers une pauvreté énergétique ?

Aucun continent n'est épargné par le risque de pauvreté énergétique. Les pays dits riches comme les plus pauvres subissent les conséquences des multiples crises dont les dernières, la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, font flamber les prix de l'énergie. La situation est bien entendu plus critique pour les pays déjà fragilisés.

Hausse des prix de l'énergie et défi de l'électrification en Afrique

Paradoxe : les pays disposant de l'or noir ne sont pas mieux lotis que les autres. L'Afrique reste le continent le moins électrifié de la planète, avec plus de 600 millions de personnes vivant sans électricité. Un chiffre en hausse de 4 % en 2021. La situation est plus critique encore en Afrique subsaharienne. La forte demande mondiale (intensifié depuis la reprise économique) et l'inflation pèsent sur les prix de l'énergie. Les pays d'Afrique peinent à se fournir en énergie. Délestages et rationnement augmentent. Une situation qui freine l'expansion des entreprises, aggrave la détresse des ménages, et fait augmenter le nombre de précaires énergétiques. Au Rwanda, l'inflation a dépassé les 14%. Au Sénégal, elle frôle les 9%, contre à peine 1% en 2019. La hausse générale des prix a d'ailleurs dominé les débats des dernières élections législatives sénégalaises, le 31 juillet dernier.

Menace de pauvreté énergétique en Europe

Selon la Commission européenne, la pauvreté énergétique a touché 35 millions de personnes en 2020. Un chiffre qui augmentera certainement cette année et l'an prochain. Principales causes : l'augmentation des prix de l'énergie et la hausse des inégalités sociales. En Allemagne, 62 % des banques alimentaires ont enregistré une hausse de la fréquentation de plus de 50 %. Plus du tiers a dû refuser des demandeurs. Même situation en Espagne, en France ou aux Pays-Bas. Au Portugal, 18% de la population vit dans la précarité.

Le Royaume-Uni illustre bien cette tempête. Les dernières mesures du gouvernement ne risquent pas d'inverser la tendance. À partir du mois d'octobre, les tarifs réglementés du gaz subiront une nouvelle hausse : + 80 %. Le gouvernement n'exclut pas une prochaine augmentation l'an prochain. Une mesure qui devait être prise, selon Ofgem, le Bureau des marchés du gaz et de l'électricité : « La hausse reflète la progression continue des cours mondiaux de gros du gaz, démarrée avec les déconfinements post-pandémie, et a été poussée à des niveaux records quand la Russie a lentement interrompu ses approvisionnements de gaz à l'Europe. » Et l'organisme n'est guère rassurant pour 2023. Outre les prix de l'énergie, les autres prix à la consommation risquent eux aussi de subir une forte hausse.

Selon l'université de York, la pauvreté énergétique menace 2/3 des ménages britanniques. Alors que le royaume s'enfonce vers une récession, l'Ofgem et le patronat réclament des mesures urgentes. La pression sur les ménages britanniques est la plus forte des pays du G7. Nadhim Zahawi, ministre des Relations intergouvernementales et de l'Égalité, promet une aide d'urgence : « 400 livres de rabais sur les factures d'énergie pour tous, 650 livres pour les ménages vulnérables et 300 livres pour les retraités ».

Une contestation sociale qui s'intensifie dans le monde

L'énergie manque. Les prix flambent. La contestation enfle. Une récente étude de la société de conseil Verisk Maplecroft menée sur 200 États révèle que plus de 50 % d'entre eux connaissent une hausse des troubles sociaux. Des pays plutôt épargnés par les manifestations dures sont au bord de l'asphyxie.

En juin, des milliers de chauffeurs sud-coréens manifestent dans les rues de Séoul, la capitale coréenne. Plus de 7000 personnes manifestent dans d'autres villes coréennes. En cause : la hausse du coût de l'énergie qui pénalise tout un secteur. Les chauffeurs sud-coréens protestent aussi contre la suppression du salaire minimum. Le président fraîchement réélu Yoon Suk-yeol se dit conservateur, pro entreprise, et inflexible sur les conflits sociaux. Mais pour combien de temps ? Les chauffeurs sud-coréens se disent « désespérés » et ils ne sont pas les seuls. Entre janvier et juillet 2022, l'inflation est passée de 3,6 à 6,3 %. C'est le plus haut niveau jamais atteint depuis la crise financière asiatique de 1998. Si le chiffre baisse en août (5,7%), l'inquiétude reste maximale. Les prix du gaz et de l'électricité ont bondi de 15,7 %. Ceux des aliments ont augmenté de plus de 6 %.

Le Royaume-Uni n'en finit plus avec les grèves. Avocats, cheminots, postiers, chauffeurs, livreurs, éboueurs… Le monde descend dans la rue et réclame une action forte du gouvernement. Au Royaume-Uni, l'inflation a dépassé les 10 %. Un record depuis 40 ans. La grogne monte aussi aux États-Unis, au Brésil, en Équateur, au Bangladesh, en Pologne… L'Algérie, bien que riche en hydrocarbures, n'échappe pas à la crise. En avril, les fonctionnaires algériens lancent une grève générale. Le pays, premier exportateur d'Afrique, fournit également 11 % du gaz utilisé en Europe. Mais l'instabilité politique et économique ne lui permet pas d'en tirer des bénéfices. En Afrique du Sud, les manifestations contre la hausse des prix de l'énergie virent au drame. Le 1er août, 4 personnes ont été tuées par balles. La police a ouvert le feu, sans que l'on puisse y confirmer un lien avec les personnes décédées. Hausse du chômage, de la pauvreté, des inégalités sociales, racisme, corruption… Le pays semble au bord de la rupture.

Des projets d'expatriation qui continuent malgré tout

« On doit bien vivre quelque part. On ne va pas aller s'expatrier sur Mars », ironise une expatriée en Espagne. Arrivée l'an dernier dans son pays d'accueil, elle veut continuer de prendre la situation avec philosophie. « Pas le choix. Sinon, on fait quoi ? ». Les projets d'expatriation ont repris avec la réouverture des frontières, et semblent bien partis pour continuer « avec quelques ajustements ». Côté pile, les États recherchent de nouveau des talents internationaux : Canada, États-Unis, Suisse, France… Côté face, vivre coûte plus cher, et les salaires ne tiennent pas toujours.

Les experts se divisent toujours sur la nécessité d'augmenter ou non les salaires. En Corée du Sud, les entreprises ont cédé à la pression syndicale et ont augmenté les salaires. La Commission du salaire minimum coréenne a indiqué une hausse du salaire minimum de 5 %, soit 9 620 wons (environ 7,09 euros). Face à une crise mondiale partie pour durer, il faut éteindre les incendies.

Certains expatriés se mettent au vert. Oui au voyage, mais version écolo. Exit les destinations lointaines, ils privilégient les pays limitrophes. D'autres vont plus loin, mais adoptent un mode de vie écolo. ONG et associations environnementales vont dans le même sens. Les mesures de sobriété énergétique mises en place par les États sont avant tout des mesures de bon sens. La terre surchauffe, malgré les avancées de la production verte. Le 15 juin dernier, REN21, réseau international des énergies renouvelables, montre que les « promesses vertes » ne se sont pas réalisées. Au contraire, les États retournent aux énergies fossiles pour lutter contre les décisions du gouvernement russe. Pour les expatriés engagés, il faut « remettre du vert partout, et vite ». Ils savent cependant que le message passe mal, alors que la pauvreté énergétique augmente dans le monde. Mais pour eux, c'est justement le moment de faire des économies durables, pour aujourd'hui et pour l'avenir.