Une expat parle de sa reconversion professionnelle en Argentine

Interviews d'expatriés
  • expat en Argentine
Publié le 2022-04-08 à 10:00 par Nelly Jacques
Lorraine a toujours aimé voyager et découvert les joies de l'expatriation ayant à peine 20 ans. Pourtant, rien ne laissait penser qu'elle travaillerait un jour avec les chevaux au cœur de la Patagonie. Elle nous raconte son aventure en Argentine, de son arrivée à Buenos Aires à son installation dans un village patagonien et sa vie dans l'immensité de la nature australe.

Pouvez-vous nous parler de vous, de votre vie avant l'Argentine ? 

D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours voyagé. J'ai eu la chance d'avoir des parents qui aimaient partir à l'étranger pour les vacances et cela m'a apporté une ouverture d'esprit et un goût pour la découverte assez prononcé.

Pendant mes études de psychologie, j'ai profité de l'opportunité d'étudier à l'étranger pendant un an et c'est ainsi que j'ai pu effectuer ma deuxième année à Grenade, en Espagne. Ça a été une magnifique expérience, très enrichissante, tant au niveau personnel que professionnel. J'ai vécu les hauts et les bas de la vie d'expatriée à 20 ans, et j'ai aussi pu saisir les différences de pratique et de prise en charge au niveau psy en fonction des pays.

Enfin, après avoir obtenu mon diplôme de psychologue clinicienne, je me suis installée à Lille, dans le nord de la France dont je suis originaire.

J'ai travaillé dans le domaine que je souhaitais : les associations d'aide aux victimes. C'était un travail passionnant.

Cependant, j'avais toujours dans un coin de ma tête cette envie de repartir à la découverte d'autre pays, d'autres cultures, cette envie d'ailleurs. Alors un jour j'ai décidé de quitter mon appartement et mon travail et de partir voyager... En Argentine pour commencer.

Vous avez donc eu l'opportunité de venir vous installer en Argentine. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ? Nous parler du contexte ?

Le choix de l'Argentine n'était pas anodin. Cela faisait plus de treize ans que je n'avais pas mis les pieds sur le sol argentin, et j'étais en manque... de ma famille. En effet, mon père est né, de parents français, en Argentine. Il y a donc déjà un vécu d'expatriation au sein de ma famille. Enfant, j'ai donc eu la chance de me rendre à trois reprises dans ce pays pour visiter mes oncles restés sur place. Mon idée était donc de pouvoir passer les fêtes de fin d'année avec ma famille, et de vadrouiller par la suite.

Comment s'est passée votre arrivée en Argentine ?

Arrivée à Buenos Aires, j'ai été accueillie par une connaissance de mes parents. Il se trouve qu'un an auparavant, le fils d'un de leurs amis s'est lui-même expatrié en Argentine avec sa compagne. Ils m'ont donc tout de suite accueillie et ont facilité mon arrivée dans le pays !

Ils ont été un vrai soutien pour vivre les premières semaines à Buenos Aires. Ils ont également été facilitateur de rencontres, et m'ont permis de recréer une bulle amicale rapidement.

Au niveau professionnel, saviez-vous avant de partir que vous ne nous pourriez pas exercer sur-place en tant que psychologue ? Comment avez-vous pris cela ? Qu'avez-vous fait au début ?

Je ne savais pas qu'il ne m'était pas possible de travailler comme psychologue avant de partir. En effet, le diplôme n'est pas reconnu, il faut repasser des examens une fois sur place.

J'ai tout d'abord pris contact avec l'ambassade pour me faire connaître et proposer mes services... sans succès. Aucun poste ne correspondait à ma proposition.

J'ai également pris contact avec des psychologues basés à Buenos Aires, pour pouvoir échanger sur une possible installation, mais dans un moyen/long terme. En réalité, je n'étais pas prête à travailler tout de suite comme psychologue. Je vivais moi-même de grands bouleversements psychiques (l'expatriation nous fait vivre de nombreuses émotions !), et je ne me sentais pas d'accompagner des personnes en difficulté, si j'étais de mon côté dans un vécu très éparpillé.

Après avoir vu une annonce sur les réseaux sociaux, j'ai postulé dans un institut de langue et j'ai travaillé comme professeure de français pendant un an.

Comment est né ce projet incroyable de vous lancer dans l'équithérapie et pourquoi la Patagonie ?

J'ai adoré l'année passée à Buenos Aires, cependant, j'étais venue en Argentine avec l'envie de voyager... Alors, avant de rentrer pour les fêtes de fin d'année en France, j'ai décidé de quitter mon travail de professeure et de réaliser un rêve d'enfant : chevaucher en Patagonie.

Amoureuse des chevaux depuis toujours, j'avais le rêve depuis toute petite d'être au contact des chevaux dans cette immensité qu'est la Patagonie.

Avant mon retour en France j'ai donc fait un volontariat d'un mois dans une estancia (une ferme avec des troupeaux de chevaux), perdue en pleine Patagonie. Et là... ça a été le coup de foudre ! Avec le lieu, la vie sur place, la nature, le quotidien avec les chevaux, la simplicité de la vie...

Après quelques mois passés en France et en Europe à voyager par la suite, j'avais toujours cette Patagonie en tête... c'est donc tout naturellement que six mois après, je reprenais un billet pour revenir ici, mais cette fois-ci avec un projet précis : me former en équithérapie.

Bien avant de devenir psychologue, je rêvais déjà d'être équithérapeute. L'Argentine ayant la réputation d'être une terre de chevaux, j'étais certaine d'y trouver mon bonheur.

Puis vint la pandémie et me voilà confinée en Patagonie à peine quinze jours après mon arrivée... et par chance, tout s'aligne. Je réalise qu'un centre d'équithérapie vient d'ouvrir dans la petite ville où je suis (le seul de toute la Province) et que l'équipe est en train de se former. Je me joins donc à eux... et commence à travailler au sein du Centre Éducatif et Thérapeutique de El Calafate ! Un an après j'obtiens mon diplôme et je fais officiellement partie de l'équipe.

Pouvez-vous nous raconter ce que vous faites exactement, avec qui vous travaillez, en quoi consiste votre travail au quotidien ?

Mon quotidien est rythmé par les sessions d'équithérapie, les sessions de monte récréative pour les moins de six ans, les consultations psy en ligne ainsi que les cours de français que je continue de donner à certains élèves.

Bien souvent, en une journée j'alterne les allers-retours entre ma maison et le centre ! Dans le quotidien, je m'occupe également, avec l'équipe, des chevaux, les nourrir, nettoyer leur lieu de vie, les installations, etc.

Mon quotidien est donc très varié car je travaille avec des publics différents : en équithérapie j'accompagne majoritairement des enfants argentins ayant un trouble du spectre de l'autisme, ou des troubles du comportement ; dans mes consultations en ligne comme psychologue j'accompagne des adultes français qui vivent des difficultés liées à l'expatriation, ou des difficultés liées à des moments de vie particuliers (anxiété, séparation, problèmes familiaux, difficulté au travail, etc.), et enfin, pendant mes cours de français j'accompagne des personnes du monde entier à qui je transmets un peu de notre culture française via l'apprentissage de la langue !

Ce projet a dû avoir un impact sur la vie que vous aviez à Buenos Aires, pouvez-vous nous parler de ce qui a été chamboulé, de la tournure qu'a pris votre vie actuelle ?

La vie dans la capitale est très différente de celle en Patagonie. Pour commencer, je suis entourée de nature, de lacs et de montagnes plus particulièrement. Le climat également est différent, en Patagonie il est très rude... ce n'est pas facile tous les jours de faire face au froid et au vent ! Aussi, nous sommes plutôt isolés, la première ville se trouvant à 350km d'ici... Enfin, Calafate est un petit pueblo... où tout le monde se connaît. Adios l'anonymat ! Ici il faut apprendre à vivre avec les spécificités d'un village perdu dans la nature : un autre rythme, un autre rapport aux autres, des besoins diminués, bref, un retour aux sources. 

L'habituation a été difficile, il faut trouver sa place, se confronter à la vie que l'on a choisie et à soi-même. Deux ans plus tard, je peux dire que j'adore ce style de vie et pour rien au monde je ne retournerai vivre dans une capitale !

Est-ce que vous vous verriez travailler ailleurs et faire un autre métier maintenant ?

Je ne me vois pas faire un métier autre que psychologue ou équithérapeute. Pouvoir travailler au quotidien avec ces deux métiers fait désormais partie de mon équilibre. Cependant, je pense pouvoir travailler ailleurs ! En effet, mon envie de voyager est toujours présente... Qui sait, peut-être que l'avenir me réserve de belles surprises !

Avez-vous des conseils pour les expatriés qui veulent venir vivre en Argentine ? Qu'aimez-vous le plus dans votre nouvelle vie et dans votre nouveau pays et que vous aimeriez partager avec eux ?

Vivre en Argentine c'est faire face à un vrai (mais beau !) choc culturel. La vie y est simple, le système D y est roi, et les Argentins sont ouverts, accueillants et très généreux. Cependant, les difficultés permanentes de l'économie du pays ont pour conséquence une vie basée « au jour le jour ». Ici, pas de vision sur le long terme, ce qui est à la fois libérateur et à la fois générateur d'angoisses pour certains d'entre nous ! 

Si vous avez la sécurité d'un emploi sur place ou une activité de nomade numérique qui vous permet d'avoir un revenu dans une autre monnaie que celle du pays, alors n'hésitez plus ! L'Argentine a beaucoup à offrir... Si ce n'est pas le cas, il est tout à fait possible de « jugarsela » et de venir tenter votre chance... En Argentina, nada es imposible che !

Partagez votre expérience d'expatrié !

Si vous souhaitez participer aux interviews, contactez-nous.

Participer