Changer de pays et changer de voie : Alicia enseigne la couture aux expatriés de Barcelone 

Interviews d'expatriés
  • Alicia
Publié le 2022-03-11 à 14:00 par Nelly Jacques
Alicia a vécu dans différents pays, différents continents et testé différentes cultures du travail avant de concrétiser un projet qui lui tenait à cœur depuis longtemps : travailler à son compte et vivre de sa passion, la couture. C'est sous les palmiers de Barcelone qu'elle a décidé de se lancer. Elle nous raconte, aujourd'hui, son parcours et les défis de se lancer dans l'aventure de l'entreprenariat dans un nouveau pays surtout quand on ne parle pas parfaitement la langue.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre vie avant Barcelone ? 

Comme pas mal d'expats, je suis tombée dans la marmite assez jeune. À 15 ans je partais terminer mon lycée à Singapour où mes parents partaient travailler. J'ai déménagé sans regrets, trop curieuse de voir comment on vivait à l'autre bout de la planète ! 

Le lycée terminé, j'avais arrêté mon choix d'études sur Sciences Po (décroché notamment grâce à mon anglais fraîchement boosté par 2 ans en pays anglophone). À peine 6 mois d'études commencées à Lille et mes parents repartaient pour une nouvelle expatriation à San Francisco puis New York, où j'ai eu beaucoup de plaisir à les visiter pour les vacances !

Après un petit détour à Londres pour terminer mes études, je suis rentrée à Paris pour chercher mon 1er job de jeune diplômée. J'ai choisi la communication : une bonne école de l'entreprise et un milieu assez ouvert au recrutement des jeunes sans beaucoup d'expérience. J'ai passé 4 ans en agence de relations presse avant que l'appel du large ne se fasse de nouveau sentir : mon conjoint (et maintenant mari) ayant décroché un nouveau post à San Francisco, j'étais repartie sur les chemins de l'expatriation version américaine cette fois-ci ! 

Votre arrivée à Barcelone a eu quel impact sur votre parcours professionnel ?

C'était un véritable catalyseur. En arrivant à San Francisco, j'avais déjà envie de changement. Je rêvais de vivre de la couture mais je n'arrivais pas encore à trouver la formule qui me permettrait de dégager un revenu suffisant avec cette activité. Surtout à San Francisco, ville ultra-chère, aux salaires mirobolants. 

Avec mon arrivée à Barcelone en revanche, tout changeait. Ne parlant pas aussi bien espagnol qu'anglais, il m'était difficile de pratiquer mon métier qui demande une maîtrise parfaite de la langue et de sa culture. Et puis franchement après 9 ans de com' j'en avais marre de travailler pour autrui dans un métier où je ne me reconnaissais plus.

En parallèle, j'avais beaucoup réfléchi à ce que je pouvais faire pour vivre de la couture. J'avais jeté mon dévolu sur l'enseignement, que je pratiquais déjà un peu à SF avec mes copines et qui me plaisait.

Après une discussion avec mon mari, je me suis donné 6 mois pour dégager mes 1er euros avec cette nouvelle activité dans une ville où je ne connaissais encore personne.

Vous auriez-vous imaginé enseigner la couture sous les palmiers de Barcelone quand vous termineriez vos études ? 

Alors les palmiers de Barcelone, oui car vivre à l'étranger a toujours fait partie de nos plans de vie avec mon homme, lui aussi enfant d'expat'. Une fois qu'on attrape le virus, difficile de s'en défaire !

Rentrer à Paris après l'Angleterre était un peu une expatriation pour moi qui n'avait plus vécu à Paris depuis 5 ans.

Les États-Unis m'avaient aussi bien décomplexée sur la question de l'entrepreneuriat.

Mais le choix de la couture (et surtout le fait de l'assumer !) a pris plus de temps.

Quels types de cours proposez-vous et qui sont les personnes avec qui vous travaillez ?

Avant de me lancer, j'ai réalisé ma propre étude de marché. Existe-t-il des cours de couture à Barcelone ? En quelles langues?

Je me suis rendu compte qu'il n'existait rien en Français, bien qu'il existe une communauté francophone très importante.

Plutôt que de m'épuiser à proposer des cours en 3 langues, j'ai pris le parti de me spécialiser dans des cours dédiés aux Francophones.

Évidemment ça c'était juste le 1er pas, ensuite il a fallu réfléchir à ce que mes clientes voulaient vraiment coudre. Est-ce qu'un petit cours d'initiation est vraiment ce qu'elles recherchent ? Quelle durée leur paraîtrait idéale ? 

De fil en aiguille, j'en suis venue à ma formule actuellement : j'apprends aux particuliers (et surtout aux particulières) à coudre leur garde-robe, c'est-à-dire des vêtements vraiment portables, parfaitement adaptés à leurs goûts et mensurations. 

Mes clientes ont entre 25 ans et 45 ans, elles sont en général sensibles à la mode et aux enjeux écologiques qu'elle représente. On apprend à choisir des matières plus responsables et à penser sa garde-robe pour qu'elle soit la plus utile et flatteuse possible.

C'est aussi l'occasion de se rencontrer entre francophones et d'échanger autour d'une activité passion.

Quels sont les challenges que vous avez rencontrés à votre arrivée ou, à l'inverse, ce que vous avez trouvé facile ?

J'ai commencé mon activité dès mon arrivée à Barcelone, je ne connaissais donc personne ! Il a fallu partir de la base : d'abord repérer les magasins de tissus et fournitures, ensuite me connecter avec la communauté française. J'ai commencé par travailler avec des partenaires comme Eve des Babies de Barcelone ou encore Marion de Chez Paulette qui m'ont aidé à me faire connaître.

Au fil des cours, j'ai peaufiné mon produit et ma cible. Ensuite le bouche-à-oreille est entré en jeu et j'ai pu développer une clientèle régulière. Je me suis aussi beaucoup appuyée sur mon précédent métier pour développer une communication efficace, notamment via Instagram.

Ce n'est pas pour autant que la création d'Atelier Marquise (mon entreprise) a été un long fleuve tranquille.

La difficulté principale rencontrée est la gestion de l'administration en espagnol (et souvent même en Catalan exclusivement ! qui n'est pas si facile à maîtriser).

Rien que l'obtention du NIE (sorte de permis de travail espagnol) a nécessité un intermédiaire car je ne m'en sortais pas. Difficile quand on a l'habitude d'être très à l'aise en anglais et qu'il faut soudain revenir en arrière avec une nouvelle langue à maîtriser ! 

Et quels sont ceux que vous continuez à rencontrer ou les points qui continuent à vous faire aimer la vie à Barcelone ?

Aujourd'hui, je m'attaque à un nouveau challenge : proposer mes cours en ligne à un public francophone dans le monde ! 

Je veux équilibrer mon activité entre des cours physiques ici à Barcelone et une communauté d'élèves à travers le monde.

Il s'agit presque d'un nouveau métier où je m'appuie davantage sur le marketing en ligne…

Sans oublier de profiter du cadre de vie très agréable de la ville pour me garantir un bon équilibre vie pro vie perso, ce qui était mon but en changeant de métier.

Auriez-vous des conseils pour les lecteurs qui souhaitent se reconvertir et venir s'installer à Barcelone ?

Oula pleins ! Mon mari est persuadé que je finirai coach business un jour ou l'autre.

Pour l'un comme pour l'autre mon conseil est le même.

Il faut penser son projet d'expatriation ou de reconversion comme un projet au travail. On évalue, on fait un budget, on réfléchit le truc au max.

Déjà on calme les fantasmes véhiculés par les réseaux. Personnellement, je travaille très mal sur une plage, je ne suis pas concentrée et je ne profite pas vraiment non plus. Ma vie d'entrepreneuse a ses moments de plaisirs, de doutes, de tâches fastidieuses, un peu comme mon job d'avant. La différence est que je me sens libre de changer ce qui ne me convient pas.

Ensuite on teste le plus vite possible avant de tout plaquer. 

Tu rêves d'ouvrir ta boulangerie ? Propose tes services à celle de ton quartier pour bien te rendre compte de ce que ça implique.

Idem pour un déménagement, si tu le peux, viens passer quelques jours dans ta future destination. À défaut, rencontre des expatriés qui y ont vécu. Tu te sentiras plus en confiance pour bâtir un avenir solide et qui te convient.

Partagez votre expérience d'expatrié !

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