Reconnaissance des vaccins : quel impact sur la vie sociale des expats ?

Actualités
  • vaccination contre la Covid
    Shutterstock.com
Publié le 2021-12-20 à 10:00 par Asaël Häzaq
Depuis mars 2020, la Covid-19 met le monde en émoi. Les chercheurs semblent désormais s'orienter vers une vie adaptée à la nouvelle situation. Comprendre : vivre vacciné et faire ses rappels. Les États suivent, même ceux qui appliquaient la stratégie « zéro Covid ». Quelles répercussions sur la vie quotidienne ? La Covid-19 a-t-elle créé de nouvelles inégalités ? Comment envisager l'expatriation dans ce nouveau monde ?

Vaccins reconnus et non reconnus par l'OMS 

Il est le 8e vaccin à recevoir la validation de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Après Pfizer-BioNtech, Moderna, AstraZeneca, CoviShield (AstraZeneca fabriqué en Inde), Johnson & Johnson, Sinovac et Sinopharm, Covaxin rejoint la liste des vaccins homologués. Reconnu en urgence le 3 novembre dernier, il répond à une demande très précise : permettre aux pays du Sud d'avoir plus largement accès au vaccin, et ainsi, réduire l'écart avec les pays du Nord. Son principal atout : son mode de stockage. Le Covaxin se conserve dans un frigo classique, là où les vaccins à ARN-messager exigent des températures plus froides, avec toute la logistique que cela implique. Dans un communiqué, l'OMS salue l'arrivée de ce vaccin « particulièrement bien adapté aux pays à revenu faible et moyen en raison de la facilité avec laquelle il peut être stocké ». 

D'autres vaccins, reconnus par l'OMS, ne sont pas validés par l'Agence Européenne du Médicament (EMA) : CoviShield, Sinovac, Sinopharm et Covaxin. Le problème des vaccins non homologués fait grincer des dents depuis plusieurs mois. Casse-tête pour des milliers d'expatriés vaccinés, finalement contourné par les pays européens, qui exigent une troisième injection d'un vaccin à ARN-messager pour obtenir le passe sanitaire. D'autres pays, comme les États-Unis, ont simplifié les choses en autorisant dès le départ tous les vaccins homologués par l'OMS.

Autre problème. De nombreux résidents de pays africains ont reçu du CoviShield, et crient à la discrimination lorsqu'ils se retrouvent interdits de voyage. Si l'Union européenne (UE) pense avoir trouvé la parade avec l'obligation d'une 3e dose, l'incompréhension demeure. « Si l'Agence européenne dit non à ce vaccin, pourquoi le peuple congolais devrait-il dire oui ? » fustigeait l'avocat Papy Njosso en juin dernier. Interviewé par le journal français Le Point, l'avocat en appelait même au boycott du vaccin. Une position radicale qui a toujours ses partisans aujourd'hui.

Et le Spoutnik ? Personne n'en veut, pas même les Russes. Lancé en fanfare en 2020 – premier vaccin contre la Covid – il peine à s'imposer. À ce jour, seule 42,6% de la population est entièrement vaccinée. Le Spoutnik n'est toujours pas reconnu par l'OMS, encore moins par l'UE. Le 14 décembre dernier, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov revient sur l'affaire de l'homologation et reconnaît une « vision différente » entre l'OMS et la Russie. « Nous n'avons pas encore fourni des informations qu'il fallait fournir parce que nous avions une vision différente des informations. » Un simple problème de compréhension, donc. Pas de quoi rassurer la communauté internationale, ni même la population russe, pourtant contrainte de prendre le Spoutnik (seul vaccin autorisé en Russie). Mais devant la difficulté d'obtenir des doses de vaccins homologués, l'Algérie, la Bolivie, et même la Hongrie et la Slovaquie ont sauté le pas « Spoutnik ». L'UE grogne. Moscou jubile. Dans la guerre contre la Covid, les vaccins sont les nouvelles armes diplomatiques. 

L'inégalité vaccinale : l'une des causes des variants ?

L'ONU et l'OMS multiplient les alertes depuis des mois. Le FMI s'inquiète et constate les effets délétères sur l'économie mondiale. En octobre dernier, Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU, tient des propos particulièrement sévères à l'encontre des pays riches, taxés de garder les vaccins pour eux. Confronté à un nouveau pic épidémique, l'Europe repousse les livraisons de vaccins promis aux États africains. L'Allemagne a ainsi repoussé une à « janvier ou février 2022 » une livraison de vaccins initialement prévue pour ce mois. Pour Guterres, cette inégalité vaccinale « est le meilleur allié de la pandémie de Covid-19 ». Le directeur de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus et lui profitent d'une conférence de presse commune pour rappeler aux États leur devoir de solidarité, non par simple altruisme, mais pour leur propre survie. Car la situation est toujours critique. L'inégalité vaccinale plombe les économies et tue la vie sociale. En mai dernier, l'OMS enjoint les États à vacciner au moins 40% de leur population d'ici à la fin de l'année. Le chiffre est rapidement dépassé par les pays riches. Pour les pays en difficulté, c'est une autre affaire : manque de vaccins, de seringues, problèmes d'acheminements, troubles politiques et économiques… Seuls 3 pays africains – les Seychelles, l'île Maurice et le Maroc – ont dépassé les 40% de vaccination complète (respectivement 79,4, 72,3 et 62%). Le Cap-Vert a atteint les 45% le 3 décembre dernier. Les autres États peinent à atteindre les 10%, voire les 5% de vaccinés. En octobre dernier, l'UNICEF rapporte une étude de la société d'analyse scientifique Airfinity : « les pays du G20 ont reçu 15 fois plus de doses de vaccin anti-Covid-19 par habitant que les pays d'Afrique subsaharienne. » Pour les experts, le problème n'est pas le manque de vaccins, mais leur mauvaise répartition. Dans les pays riches, le taux de dose de rappel dépasse déjà celui des premières doses dans les pays pauvres. Fin novembre, à peine 7,15% de la population africaine était totalement vaccinée.

Crise sanitaire : terreau propice à la fracture sociale ?

 « Ce n'est plus comme avant ». Masque, gel hydroalcoolique et distanciation sociale ont fait leur apparition dans le quotidien. « C'était mieux avant ». Des manifestations anti-passe sanitaire, antivaccin pleuvent un peu partout sur la planète, symbole d'une friction entre les pro et les anti-vaccins, entre de prétendus suppôts de l'État et vrais défenseurs d'une certaine liberté. D'autres s'attaquent aux expatriés, perçus, à tort comme une classe privilégiée. Avec le nomadisme numérique, il n'y aurait plus besoin d'expatriation. Plus besoin de voyager ? Les plus radicaux militent pour le « chacun pour soi ultime ». Un monde de frontières fermées où chacun cultiverait l'entre-soi. A l'opposé de cette sombre vision, d'autres prônent la libre circulation pragmatique. Frontières ouvertes, vaccins et gestes barrières : c'est la position adoptée par les États. Encore faut-il que tous jouent le jeu.

Singapour, Japon, Corée du Sud… Les champions de la vaccination (respectivement 83,4, 80,9 et 78%) semblent traiter différemment leur population, selon qu'elle soit étrangère ou non. Dès 2020, Singapour s'illustre dans sa lutte contre la Covid, mais oublie des milliers d'expatriés en cours de route, essentiellement des travailleurs migrants. Confinés dans des dortoirs, ils semblent le rester quand bien même ils seraient vaccinés. Au Japon, ce sont les entrepreneurs qui s'alarmaient : quand leurs homologues japonais pouvaient reprendre les vols en 2020, eux avaient interdiction de quitter le territoire, sous peine de ne plus revenir. Même règle pour les autres étrangers. En Corée du Sud, les étrangers vaccinés restent exclus de tout un pan de la vie sociale. Leur vaccin n'est pas reconnu, car fait hors du territoire. Problème : les Sud-Coréens vaccinés à l'étranger n'ont aucun problème pour faire valider leur vaccin et obtenir leur passe sanitaire (application COOV). Eux-mêmes dénoncent cette discrimination. « Pourquoi un même document serait valide pour moi et pas pour eux ? » s'insurge une Coréenne vaccinée aux États-Unis. Réponse embarrassée des autorités coréennes, et pression des Ambassades américaine, britannique, canadienne, néo-zélandaise et indienne. Le gouvernement coréen promet de résoudre le problème à la fin de l'année.

Les scientifiques l'affirment. Il faut s'attendre à voir émerger de nouveaux variants. Et donc, potentiellement, de nouvelles résistances, qui nécessiteront l'injection de doses de rappel, la mise en place d'éventuelles nouvelles règles pour organiser la vie sociale et les voyages. Pour les expatriés et les locaux, 2022 s'annonce comme une nouvelle année de défis.