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Solitude en expatriation : reconnaître les signes et reconstruire sa vie sociale

jeune femme seule
SergioPhotone / Envato Elements
Écrit parDónall Donnelly le 14 Novembre 2025

On présente souvent la vie à l'étranger comme une aventure exaltante : une nouvelle langue à apprivoiser, une gastronomie à découvrir, des rencontres inattendues, des opportunités professionnelles stimulantes. Les réseaux sociaux renforcent encore cette vision : des places baignées de soleil, des marchés colorés, des bureaux modernes et cette impression de liberté qui accompagne le voyage. Mais derrière ces images bien choisies, il existe une réalité beaucoup plus silencieuse : la solitude, l'isolement et la difficulté à se sentir réellement chez soi.

En tant que psychothérapeute, je rencontre tous les jours des personnes qui ont eu le courage de s'expatrier. Elles arrivent motivées, optimistes, convaincues d'avoir fait le bon choix. Puis, progressivement, un poids invisible apparaît. C'est le coût émotionnel de la déconnexion. Au début, il reste difficile à nommer. Beaucoup me disent : « Je devrais être plus heureux ici », « J'ai tout ce que je voulais », « Je ne comprends pas pourquoi je me sens aussi vide ». Ce qu'ils décrivent, en réalité, c'est la solitude.

La solitude : un lien brisé, pas une absence de personnes

Il est essentiel de le rappeler : la solitude ne signifie pas être physiquement seul. Beaucoup d'expatriés travaillent entourés de collègues, vivent en colocation ou évoluent dans des environnements très sociaux, tout en se sentant profondément isolés. Parce que la solitude n'est pas une question de quantité de contacts, mais de la qualité des relations. Et à l'ère numérique, cette distinction est plus importante que jamais.

Dans son pays d'origine, chacun bénéficie d'un réseau tissé au fil du temps : la famille, les amis d'enfance, les voisins connus depuis des années. Un thé partagé avec un frère ou une sœur procure une sécurité diffuse. Une plaisanterie échangée avec un voisin peut alléger instantanément l'humeur.

Une soirée avec des amis d'enfance rappelle ce sentiment d'appartenance si précieux. On peut ne pas se parler pendant des semaines, et pourtant, dès que la conversation reprend, tout coule naturellement.

Ce sont ces ancrages invisibles que l'on perd en partant. Même si l'on crée de nouveaux liens, il leur faut du temps avant de gagner en profondeur, en histoire, en compréhension instinctive. Et il y a quelque chose de profondément soulageant dans le fait de parler à quelqu'un qui partage vos références, votre culture, votre accent, quelqu'un à qui vous n'avez pas besoin d'expliquer quoi que ce soit.

Les symptômes silencieux de l'isolement

La solitude ne frappe pas avec fracas : elle s'installe subtilement, souvent déguisée en fatigue, en irritabilité ou en un sentiment diffus de décalage. Chez les expatriés, elle prend plusieurs formes.

Les dimanches soirs peuvent sembler particulièrement pesants, dépourvus de routines familières ou de repas partagés. Avec le temps, on raconte moins de choses aux proches restés au pays : trop compliqué à expliquer, trop éloigné de leur réalité. Une forme de doute apparaît — « Ai-je fait le bon choix ? » — même quand tout semble parfait sur le papier.

Et puis la confiance peut s'effriter. Naviguer dans une langue étrangère, comprendre des systèmes inconnus, s'adapter en permanence : tout cela peut donner l'impression d'être plus vulnérable, moins sûr de soi.

Pourquoi cette solitude mérite une vraie attention

La solitude chronique n'a rien d'anodin. On la décrit trop souvent comme un simple « coup de blues », alors qu'elle est liée à l'anxiété, à la dépression, aux troubles du sommeil, voire à une diminution de l'immunité. Je le constate chaque jour dans ma pratique. Chez les expatriés, elle crée un cercle vicieux : plus on se sent seul, plus il devient difficile de tendre la main, et moins on tend la main, plus la solitude grandit. Je vois ce mécanisme chez de nombreux patients : ils auraient besoin d'être entourés, mais n'ont plus l'énergie mentale pour nouer ou entretenir des contacts.

Ce qui peut réellement aider

La solitude n'est pas une fatalité. Avec la bonne conscience de soi et quelques actions volontaires, il est tout à fait possible de recréer du lien, de retrouver un ancrage et parfois même de renouer avec une partie de soi que l'on croyait perdue.

Voici quelques pistes concrètes, inspirées de l'accompagnement de nombreux expatriés.

Repérer les facteurs déclencheurs

La solitude suit souvent des schémas. Observez quand elle apparaît : les week-ends calmes, les longues vacances, ou ces moments où les réseaux sociaux renvoient une image amplifiée de ce que vous pensez manquer. Tenir une trace de ces moments permet de distinguer les facteurs externes (distance, manque d'interactions) des facteurs internes (pensées, émotions, moments de vulnérabilité). Identifier ces schémas donne ensuite la possibilité de planifier des stratégies : prévoir une sortie, une routine ou un contact social aux moments les plus sensibles.

Miser sur la qualité des relations

Une seule relation authentique peut soulager bien davantage qu'un cercle large mais superficiel. Cherchez des espaces où la profondeur relationnelle peut s'installer : associations locales, groupes de langue, bénévolat, activités communautaires. Votre lieu de vie compte aussi. Un environnement où vous vous sentez bien, avec de la lumière naturelle, des objets familiers, des espaces confortables, peut devenir un point d'ancrage essentiel. Et n'oubliez pas l'importance de parler. Avec un thérapeute, un ami de longue date ou une nouvelle rencontre de confiance, poser des mots sur l'isolement peut être libérateur. Parfois, être entendu suffit déjà à alléger le poids.

Libérer ses émotions

Exprimer ce que l'on ressent aide à alléger la solitude. Écrire, enregistrer des notes vocales, dessiner, jouer de la musique… tout ce qui permet d'exprimer l'indicible peut procurer un apaisement. Il peut aussi être utile d'explorer ce qui se cache sous cette solitude : un deuil, une peur, un sentiment d'inadéquation. Et surtout, normalisez ces émotions : elles sont humaines, courantes, légitimes. La solitude n'est pas un défaut, c'est une invitation à chercher du lien.

Changer son discours intérieur

Nommer la solitude est une première étape courageuse. Arriver à dire « Je suis seul » permet déjà d'atténuer la honte qui l'accompagne. Ensuite, il est important de repérer les pensées qui aggravent l'isolement : « Je ne mérite pas qu'on m'aime », « Je n'intéresse personne ». Essayez plutôt de voir la solitude comme un appel à l'action : se tourner vers les autres, oser demander du soutien. Des phrases courtes comme « Je suis digne de lien » ou « Cette émotion passera » peuvent aider à traverser les moments difficiles.

Utiliser l'imaginaire comme ressource

La restructuration d'images est une technique simple mais puissante. Lorsque surgissent des souvenirs douloureux, comme l'exclusion ou le rejet, tentez de les remplacer par des images chaleureuses : un lieu où vous vous sentez en sécurité, une personne qui vous apaise, un souvenir réconfortant. Ces images positives rappellent que vous avez déjà connu le lien, la sécurité, l'appartenance, et que vous pouvez les retrouver.

S'appuyer sur son mode de vie

Préservez ou recréez vos rituels. Un café hebdomadaire, une promenade régulière, une routine stable : ces habitudes ancrent, rassurent et réduisent l'anxiété. La lumière naturelle aide à stabiliser l'humeur. L'activité physique, l'alimentation équilibrée, l'hydratation, un sommeil de qualité et la réduction de l'alcool soutiennent aussi le bien-être émotionnel. Ajoutez quelques minutes de pleine conscience ou de méditation et réduisez l'usage excessif des écrans pour retrouver le plaisir d'activités hors ligne : lecture, cuisine, musique, création.

Pour les expatriés qui se reconnaissent dans ces lignes

Si vous vous retrouvez dans ces mots, sachez ceci : vous n'êtes pas seul et vous n'avez rien « raté ». Une de mes patientes m'a récemment raconté une scène qui illustre parfaitement la confusion émotionnelle de la solitude à l'étranger. Retards de trains après une tempête, bus de remplacement, téléphone presque déchargé, candidature à envoyer, réunion à assurer en urgence. Puis une chute, une blessure, un écran de téléphone brisé. Assise enfin dans un train, blessée et épuisée, elle entend soudain un homme âgé parlant avec l'accent de son pays. Ce son familier l'a bouleversée. Elle m'a dit : « J'ai eu envie de le prendre dans mes bras. J'avais besoin qu'on me tienne. » À cet instant précis, elle s'est sentie tiraillée entre le désir de rentrer et la conscience que son ancien « chez soi » n'existait plus tout à fait. Entre deux mondes, n'appartenant totalement à aucun.

Une perspective humaniste

En thérapie humaniste, la solitude n'est pas seulement un problème à résoudre : c'est un message. Une invitation à écouter ce qui manque, ce qui appelle, ce qui cherche à être nourri. Souvent, la solitude pointe vers quelque chose de profondément humain : le besoin d'être vu, reconnu, accepté.

Mot final

La solitude est l'un des défis les plus répandus et les moins exprimés de la vie à l'étranger. En parler n'est pas un aveu de faiblesse mais un acte de courage. La vie à l'étranger mêle toujours lumière et ombre, euphorie et vulnérabilité. La solitude peut accompagner votre parcours, mais elle ne doit pas en devenir le fil rouge. Avec le bon soutien, il est tout à fait possible de retrouver le lien, l'appartenance et cette forme intime de « chez soi » qui ne dépend ni d'un pays ni d'une adresse, mais des relations et de la compréhension que l'on construit autour de soi.

Vie quotidienne
A propos de

Donall Donelly est psychothérapeute et propose un accompagnement en ligne avec empathie, expérience et sans jugement. Inutile d’être en crise pour demander de l’aide : personne ne devrait affronter seul les moments difficiles. Il estime que chacun mérite de vivre avec plus de clarté, de confiance et de connexion, où qu’il se trouve. Son approche ne vise pas à « réparer » les gens, mais à leur donner les outils pour comprendre ce qu’ils traversent et construire une vie qui leur ressemble.

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