
Vous avez troqué vos pulls contre des tongs, votre métro contre un bus bleu ciel, et vous vous dites que le plus dur est fait ? Erreur de débutant. À Maurice, ce n'est pas parce que vous souriez que tout va matcher. L'intégration, ici, ne passe ni par un accent créole foireux ni par votre passion soudaine pour le dholl puri. Non, elle passe par des habitudes sociales, parfois invisibles, mais qui veulent dire beaucoup. Il va falloir oublier deux-trois réflexes d'expat fraîchement débarqué. Voici donc une série de bons réflexes à adopter (et de pièges à éviter) pour ne pas rester bloqué en mode « bonjour, je suis nouveau » pendant 3 ans.
Dire bonjour. À tout le monde. Toujours.
Le « bonzour » mauricien n'est pas en option, c'est une condition d'existence sociale.
Vous ne dites pas bonjour au chauffeur de bus ? Vous êtes transparent.
Vous passez devant le gardien sans un mot ? Il vous classera en catégorie « hautain ».
Vous oubliez de saluer la boulangère ? Ne comptez pas sur un gâteau offert.
Et non, un petit sourire muet ne suffit pas.
Adopter la ponctualité mauricienne
Ici, le temps est souple. Pour les dîners, les barbecues, les rendez-vous « tranquilles », arriver pile à l'heure, c'est… suspect. Vous risqueriez de tomber sur une table vide, des hôtes en pyjama.
Mais attention ! Ce relâchement ne s'applique pas au monde pro : si vous avez un rendez-vous, soyez à l'heure. Et même un peu à l'avance.
« J'ai mis un peu de temps à me faire au “timing mauricien”. Maintenant j'arrive toujours avec 30 minutes de décalage et c'est parfait. Petit conseil pour les nouveaux expats, si vous avez besoin que vos invités arrivent vers 17 h, donnez-leur rendez-vous à 16 h ou 16 h 30 », nous raconte Monica, une expat à Maurice.
Éviter de parler de religion ou de politique à la légère
À Maurice, tout le monde vit ensemble. Mais ça ne veut pas dire que tout est bon à dire.
Vous voulez lancer un débat sur la religion autour d'un mine frit ? Mauvais move. Blaguer sur les élections à table ? Encore pire.
Ici, on respecte. On observe. On ne cherche pas à avoir raison. Et surtout, on ne fait pas d'humour « borderline » sur les communautés.
Manger avec les doigts
Ici, manger à la main n'est pas un manque de savoir-vivre. C'est une tradition. Mais attention au contexte : pas pendant une réunion au resto chic ni avec une nappe blanche. Et toujours, toujours avec la main droite.
« La première fois que j'ai mangé à la main, ma voisine était aux anges : 'To pe manz kouma enn Morisien !' J'étais fière », partage Emilie.
Ne pas couper la parole. Jamais.
Vous aimez les débats vifs, les « laisse-moi finir » et les prises de parole en rafale ? Ici, c'est mal vu. On écoute. On attend. On observe.
Et si vous coupez quelqu'un, surtout un aîné, c'est la douche froide garantie.
Participer aux fêtes religieuses et culturelles
Cavadee, Divali, Noël, Eid, Ganesh Chaturthi… Ici, les fêtes sont nombreuses, colorées, sacrées… et collectives. Pas besoin d'être pratiquant ni de tout comprendre. Il suffit d'être là, respectueusement, avec curiosité et bonne humeur. Et parfois, en sari ou en kurta, les mains pleines de pâte sucrée.
« Je suis allée aider une amie à cuisiner pour Divali. Elle m'avait dit : ‘Viens juste pour donner un petit coup de main'. Je pensais éplucher deux pommes de terre et repartir. En fait, je me suis retrouvée dans une cuisine en ébullition, à rouler des gâteaux coco pendant des heures, en essayant de suivre les blagues en créole pendant que tout le monde chantait. À midi, on a sorti les premiers gâteaux, et avant même que je puisse dire non, on m'avait déjà servi du briani, du jus maison et un assortiment complet de douceurs Divali. Je suis repartie avec le ventre plein, les doigts tout collants, et le cœur encore plus rempli. Depuis, je suis officiellement désignée ‘chef roulage' pour les prochaines fêtes. Et honnêtement, ça me va très bien », raconte Chloé.
Ne demandez pas « tu fais quoi dans la vie ? » à la première rencontre
Ça vous paraît anodin ? Ici, c'est intrusif. À Maurice, le statut social ne définit pas la personne. La conversation commence par la famille, le quartier, la météo, le repas. Pas par un CV !
Privilégiez : « To bien ? », « Kot to resté ? » Évitez : « Tu bosses dans quoi ? »
Offrir un coup de main, même s'il n'est pas demandé
Un sachet trop lourd, un enfant qui pleure, une gazinière à monter dans une voiture ? Aidez. Même si on ne vous le demande pas. Ici, l'entraide, c'est du quotidien. C'est ce qui fait de vous « un vrai » aux yeux des autres.
« Peu de temps après mon arrivée, je suis tombée en panne de batterie avec ma voiture, près de la plage. En moins de 2 minutes, un homme m'a proposé de l'aide. Mais il n'avait malheureusement pas de pince. Il a appelé quelques amis, et un quart d'heure plus tard c'était réglé. C'est ce jour-là que j'ai compris qu'aider est un réflexe. Même si on ne se connaît pas. Si vous êtes en galère, il y aura toujours quelqu'un avec un téléphone, un cousin ou une solution », raconte Emma.
Ne critiquez jamais la pluie
Vous trouvez qu'il pleut trop à Curepipe ? Pas la peine de râler. À Maurice, la pluie, c'est la vie. Ça arrose les légumes, remplit les réservoirs, rafraîchit l'air. Dire « pfff, encore la flotte », c'est comme insulter l'île. Alors même si vous êtes trempé jusqu'aux chaussettes, abstenez-vous !
Ne soyez pas trop direct (même si vous pensez bien faire)
Ici, on n'élève pas la voix, on ne pointe pas du doigt, on ne « dit pas ses quatre vérités ».
Le désaccord, on le glisse dans un sourire. On fait une petite moue. On change de sujet. Et si vraiment on vous dit « On va voir »... hum, c'est probablement un non.
Ne jamais refuser un plat… sans goûter
Le plat que vous trouvez bizarre, c'est peut-être la recette de famille préférée.
Refuser net ? Malpoli. Snob. Glacial. Prenez une bouchée. Faites un « mmm ». Souriez. Même si ça pique. Même si c'est gluant. Même si vous n'avez pas de nom à mettre sur ce que vous venez de manger.
« Je suis allé au marché de Port-Louis avec mon collègue Rakesh. Il m'a tendu un grand verre d'alouda pour que je goûte. Ça ressemble à un croisement entre un milkshake, une grenouille tropicale et un sortilège de Harry Potter (rire). J'ai vu des graines noires flotter et un truc gluant au fond. J'ai hésité. Mais j'ai bu. C'était… froid, sucré, étrange… mais délicieux. Depuis, j'en redemande », raconte David, 51 ans.
Dire « merci », souvent, et sincèrement
À Maurice, on dit merci. Et on le dit bien. Pas un p'tit « thanks » dans les dents. Un vrai merci. En français, en créole, en regardant dans les yeux. Personne ne vous demande d'être parfait. Ni de « devenir Mauricien ». Il suffit d'écouter, d'observer, de respecter… et d'être là, pour de vrai.
Alors adoptez ces quelques réflexes, évitez les bourdes, et surtout : restez curieux, humble, et disponible.



















