Discrimination envers les femmes : ces pays qui ont évolué 

Vie pratique
  • femme seule parmi des hommes attendant de prendre la parole
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Publié le 2021-11-15 à 10:00 par Asaël Häzaq
La crise sanitaire a plongé les femmes dans une insécurité et une incertitude alarmante. Dans tous les pays, le constat est le même : hausse des violences faites aux femmes, hausse de la précarité féminine… Certains États ont même régressé en matière de droits accordés aux femmes. 

D'autres, traditionnellement perçus comme discriminatoires, sont cités en exemples pour leurs progrès en matière de parité. Quelles sont ces évolutions ? Traduisent-elles une avancée concrète pour le droit des femmes ?

Parité en politique : le modèle Rwandais

L'Afrique reste perçu comme un continent miné par les guerres et les conflits politiques. Difficile de parler du droit des femmes, alors que nombre de pays africains sont des régimes autoritaires. L'Afrique – et surtout l'Afrique subsaharienne – connaît pourtant une révolution. Le Rwanda fait ici figure de modèle, avec plus de 61% de femmes parlementaires. Une politique de quotas qui permet aux femmes de briguer les postes d'influence. Les femmes ont participé à la rédaction de la Constitution de 2003, qui entérine « l'attribution d'au moins 30 % des postes aux femmes dans les instances de prise de décision de l'État ». Les femmes représentent alors plus de 70% de la population - population traumatisée par les ravages du génocide. Le Front patriotique rwandais (FPR) milite pour l'intégration des femmes en politique. L'ex-députée FPR Bernadette Kanzayire explique le rôle crucial joué par les femmes dans la lutte pour la paix, puis pour la reconstruction du pays. Le Rwanda fait, aujourd'hui encore, figure de modèle. D'autres États africains ont également inscrit dans leur Constitution, un quota de 30% de femmes au Parlement : l'Ouganda, le Burundi, la Tanzanie et le Soudan du sud.

Le Rwanda, modèle pour l'Afrique et le monde. En 2019, l'indice mondial de l'écart entre le genre établi par le Forum économique mondial (WEF) classe le pays à la 6e place. La Suisse est 20e. La Namibie (7e), l'Afrique du Sud (10e) et le Sénégal (11e) devancent également la Suisse et la Finlande. Sahle-Work Zewde est la présidente de l'Éthiopie depuis 2018. Éthiopie qui compte 38,76% de femmes parlementaires. L'avancée des femmes en politique se voit aussi dans le monde économique. Selon le rapport McKinsey sur la parité en Afrique (2019), un membre sur quatre des conseils d'administration est une femme. C'est plus qu'en Europe, qui plafonne à 23%. Problème encore plus criant au Japon, pourtant 3e puissance mondiale. Le pays pointe à la 121e place sur 153, soit, après le Bangladesh, le Sénégal ou les Émirats Arabes Unis (étude du Forum économique mondial, 2020).

Il reste cependant beaucoup à faire pour que les femmes africaines voient tous leurs droits réellement respectés. Les femmes politiques doivent toujours veiller à ne pas être cantonnées aux ministères dits « doux » (social, culture...), à obtenir le même champ d'action et le même budget qu'un homme, à ne plus voir leur travail sans cesse comparé à celui d'un homologue masculin. Plus que de simples chiffres, les quotas doivent servir à améliorer la cause de toutes les femmes, dès l'enfance : scolarisation des filles, lutte contre l'excision, promotion de l'entreprenariat féminin, implication des hommes dans la bataille pour l'égalité des sexes...

Quand le populisme menace le droit des femmes

Le rapport des Nations-Unies de 2019 note une amélioration du droit des femmes dans le monde. Une tendance globale, qui ne gomme pas les disparités selon les régions du monde. 2020, année de la Covid-19, est aussi celle où beaucoup de droits acquis par les femmes se retrouvent remis en cause, notamment, dans les démocraties. C'est un recul alarmant observé dans plusieurs pays démocratiques. Interviewée dans l'émission Géopolis, Patricia Schulz, ancienne membre du Comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination envers les femmes y voit une « remise en question, permanente ou non permanente, des droits des femmes. Par des acteurs qui peuvent être très différents selon les pays ».

En 2016, l'arrivée de Donald Trump au pouvoir plonge les États-Unis et le monde dans l'incertitude. L'homme aux propos ouvertement misogynes décomplexe les électeurs et les États les plus conservateurs. Même après son départ, l'ombre Trump plane encore sur l'Amérique, notamment, via la Cour suprême. Le 27 octobre 2020, soit 8 jours avant la présidentielle, Trump nomme dans l'urgence Amy Coney Barrett une nouvelle juge conservatrice pour siéger à la Cour suprême. Pour la première fois depuis 1930, la Cour suprême est à majorité conservatrice. Les organismes de défense du droit des femmes s'inquiètent, à raison. En septembre dernier, le Texas vote une loi limitant sérieusement les possibilités d'avorter. Désormais, interdiction d'avorter dès que les battements du cœur de l'embryon sont détectables, soit, à environ 6 semaines de grossesse. Une période où les femmes ignorent souvent qu'elles sont enceintes. La plainte de l'administration Biden n'y changera rien. La Cour suprême a examiné le texte le 1e novembre. En attendant, la loi reste en l'état. Victoire des conservateurs. Quelques mois plus tôt, c'est une loi du Mississippi qui inquiète les femmes : elle prévoit une interdiction d'avorter dès la 15e semaine de grossesse, même en cas de viol ou d'inceste. La Cour suprême doit examiner la loi cet automne. Selon le Planning familial, si les États deviennent libres d'autoriser ou non l'IVG, la moitié des Américaines risquerait de perdre le droit d'avorter. 

Même alerte en Europe de l'Est qui, depuis maintenant 10 ans, est grignotée par un courant populiste, appelé aussi « national-conservateur ». Depuis 2015, date d'arrivée au pouvoir du parti polonais national conservateur Droit et justice, le droit des femmes est menacé. Valeurs traditionnelles de la famille enseignées à l'école, baisse des subventions données aux associations de défense des femmes, différenciation de l'âge à la retraite : 65 ans pour les hommes, 60 pour les femmes, censées rester à la maison... jusqu'à la loi anti-avortement entrée en vigueur en janvier dernier. Même dérive autoritaire en Hongrie, dès 2010, avec la venue au pouvoir de Viktor Orbán. Remise en cause de l'égalité des sexes, réforme de l'éducation prônant un enseignement sexiste, où la femme est cantonnée à son rôle de mère au foyer et n'a pas les mêmes aptitudes intellectuelles que l'homme. En 2017, Vladimir Poutine décriminalise les violences conjugales alors même que les violences domestiques tuent 12 000 femmes chaque année, soit une toutes les 40 minutes (chiffres journal FranceInter). Cette mesure a été particulièrement délétère durant le confinement, où les cas de violence conjugale ont dramatiquement augmenté. Le constat alarmant est le même partout dans le monde. En France, le premier confinement a des conséquences catastrophiques : de plus de 40% d'augmentation des violences faites aux femmes par rapport à 2019. Nouvelle hausse lors du deuxième confinement, avec +60% d'appels de victimes recensés par la plateforme de signalements en ligne des violences sexuelles et sexistes. 

L'ère post-Covid sera-t-elle plus favorable à la cause des femmes ? C'est ce à quoi les leadeuses d'opinion aspirent. Le monde de demain ne se construira pas sans les femmes. Elles prennent la parole et apportent leur expertise : médecin, chercheuses, développeuses, politiques, agricultrices, enseignantes, agente BTP… Le monde de demain est aussi dans leurs mains. Ces nouvelles influentes entendent faire changer le regard sur la cause des femmes. Une cause qui, au fond, est celle de l'humanité entière.