Les aventures d'une coach d'expatriées au Chili

L'Expat du mois
  • expat au Chili
Publié le 2021-07-09 à 10:00 par Veedushi
Originaire d'Espagne avec des racines allemandes, Anja est une voyageuse depuis sa plus tendre enfance. Ayant grandi au Kenya, elle a poursuivi ses études au Royaume-Uni avant de s'installer au Chili, un pays dont elle retient de très bons souvenirs. Au fil des années, Anja s'est reconvertie en coach d'expatriées. Elle nous parle aujourd'hui du choc culturel et des défis auxquels on fait généralement face quand on s'installe à l'étranger de sa propre expérience.

Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?

Je m'appelle Anja et je suis coach de vie pour expatriées. Je vis au Chili depuis pas mal d'années, mais j'ai un parcours assez international. Je suis née en Espagne de parents allemands. J'ai ensuite passé la majeure partie de mon enfance au Chili. Quand j'avais 15 ans, ma famille a déménagé au Kenya, un pays qui a toujours une place spéciale dans mon cœur. Après avoir terminé mes études au Kenya, j'ai déménagé en Angleterre, où j'ai fait des études en psychologie et où ma fille est née. J'ai vécu en Angleterre pendant cinq ans, puis je suis retournée au Chili.

Quand avez-vous décidé de retourner au Chili ?

Il y a quatre ans. J'ai déménagé dans le sud du Chili près de la ville d'Osorno, dans le nord de la Patagonie, où se trouve la ferme familiale de mon partenaire.

Qu'est-ce qui vous a motivé d'y retourner après tant d'années de vie à l'étranger ?

J'ai eu une enfance merveilleuse au Chili. J'ai grandi dans une grande maison avec une piscine. Je passais mes journées à jouer avec des amis, à grimper aux arbres et à faire du vélo. Pendant l'été, nous allions passer un mois entier à la plage en famille ou j'allais quelques semaines en colonie de vacances.

Je me trouvais en Angleterre au moment de la naissance de ma fille. J'y suis restée un moment mais je ne me suis jamais vraiment senti chez moi. Me souvenant de mon enfance heureuse, j'ai finalement décidé que c'était le genre de vie que je voulais lui offrir aussi. De plus, une grande partie de ma famille vivait encore au Chili.

Le Kenya était une autre option puisqu'une autre partie de ma famille y était encore. Mais ce pays ne me semblait pas assez sûr pour que je m'y installe avec ma fille. Mon choix de retourner au Chili était donc évident.

Avez-vous eu du mal à vous adapter au Chili, particulièrement en compagnie de votre fille ?

Oui, j'ai trouvé ça très dur. Heureusement, je n'ai pas eu à faire face à la barrière de la langue. Mais je ne m'attendais vraiment pas au choc culturel. Au début, je pensais rentrer chez moi. Mais après avoir passé toutes mes années d'adolescence et d'études dans d'autres pays, j'avais changé, et mes besoins aussi. J'étais maintenant une jeune maman. J'étais loin d'être une enfant ou encore une adolescente.

Je croyais que le fait d'avoir un parcours international, être parfaitement trilingue et avoir un diplôme en anglais m'ouvrirait des portes du marché du travail. Mais je me suis grossièrement trompée. Être une jeune mère célibataire était mal vu et mon diplôme était presque inutile.

Ce qui ouvre vraiment des portes dans ce pays, c'est le fait d'avoir un diplôme de l'une des universités locales les plus renommées et d'avoir un bon réseau professionnel. Les choses ont peut-être changé depuis, mais c'était mon expérience à l'époque.

Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés lors de votre installation au Chili et comment les avez-vous surmontés ?

Le défi majeur auquel j'ai dû faire face était de trouver un emploi qui me permettrait de payer toutes mes dépenses. Sans avoir le bon diplôme universitaire national ou le bon réseau, c'était difficile. Qui plus est, le Chili peut s'avérer un pays assez cher, particulièrement en ce qui concerne les soins de santé et une éducation de qualité.

Au fil du temps, je suis parvenue à trouver un emploi qui payait juste assez. Mais je ne l'ai pas vraiment aimé. Cela n'avait rien à voir avec ce que j'avais étudié et les horaires de travail ne me convenaient pas. Il m'a fallu quelques années pour me décider à quitter enfin mon emploi à plein temps et à être enfin indépendante.

D'un autre côté, si je regarde les choses d'un point de vue différent, c'est-à-dire, en tant que psychologue et coach, je peux maintenant clairement vous dire que ma propre insécurité était mon plus gros problème. J'étais jeune, naïve et je me sentais perdue. J'essayais désespérément de comprendre comment devenir un adulte et comment survivre dans cette nouvelle culture dans laquelle je me suis retrouvée. Je n'avais pratiquement aucun soutien et aucun conseil. Comme j'aurais aimé savoir alors les choses que je sais maintenant ! La vie aurait été beaucoup plus facile.

A quoi ressemble le quotidien d'une expat en Patagonie ?

Je vis seule avec mon partenaire dans notre ferme. Ma fille a grandi et vit aujourd'hui à Santiago. Mon partenaire et sa famille s'occupent de la ferme, où ils produisent du lait et du bœuf. Mon partenaire élève également des chevaux chiliens.

Je me lève généralement tôt le matin et passe la première partie de la journée à prendre soin de moi et à m'occuper de la maison. Je fais du sport régulièrement, je médite tous les jours, et depuis peu, j'entraîne aussi mon propre cheval. C'est un rêve qui s'est réalisé pour moi. Je vais souvent me promener à la campagne. La nature est essentielle à mon bien-être. C'est d'ailleurs l'une des nombreuses raisons pour lesquelles je me sens si privilégié de vivre ici.

Je travaille généralement l'après-midi, mais cela peut varier en fonction de la cliente avec laquelle je travaille ce jour-là et de l'endroit où elle se trouve dans le monde. Heureusement, mon travail se fait entièrement en ligne et toutes mes réunions avec mes clients se font via Zoom.

Chaque fois que nous le pouvons, mon partenaire et moi aimons voyager dans la région, souvent avec ma fille ou ses fils. Il y a beaucoup à voir et à apprécier ici pour ceux qui aiment passer du temps dans la nature : lacs, rivières, forêts et volcans. Il y a de superbes randonnées, du ski et de l'équitation, ainsi que de merveilleuses sources d'eau chaude et des spas. Il y a aussi de belles villes dans la région, dotées d'une excellente cuisine. J'aime particulièrement Valdivia et Frutillar.

Le travail de mon partenaire nous a permis de passer une année à Pucón, une ville dont je suis absolument tombée amoureuse pour ses charmants restaurants et ses boutiques, son environnement naturel et les gens formidables que j'y ai rencontrés, Chiliens et expatriés compris. J'ai l'impression d'avoir enfin trouvé ma place dans le monde !

Y a-t-il quelque chose qui vous manque des endroits où vous avez vécu, que ce soit en Europe ou au Kenya ?

Depuis que j'ai quitté le Kenya, j'ai toujours senti que j'y avais laissé un morceau de mon cœur. La faune, les couchers de soleil dorés, la terre rouge, les safaris et la communauté internationale qui y est très présente m'ont toujours manqué.

Cependant, depuis que je suis arrivé dans le sud du Chili et que je suis à nouveau entourée par la nature, et surtout depuis la découverte de Pucón, j'ai commencé à me détacher petit à petit du Kenya.

Qu'est-ce qui vous a poussé à devenir coach d'expatriée ? Est-ce la carrière dont vous aviez toujours rêvé ?

J'ai toujours rêvé de pouvoir aider les autres à être heureux. C'est d'ailleurs ce qui m'a motivé d'étudier la psychologie et à suivre une formation de thérapeute cognitivo-comportementale et de praticienne de la pleine conscience. Il n'empêche que j'ai découvert le coaching de nombreuses années après la fin de mes études, et j'ai tout de suite adoré. J'aime particulièrement son efficacité et son accent sur le côté positif des choses ainsi que sur les objectifs et les forces des gens. J'ai commencé à travailler avec des jeunes femmes qui souffraient d'une angoisse extrême. Les aider à surmonter leurs crises d'angoisse et à reprendre une vie normale a été extrêmement gratifiant. Mais ayant vécu dans différents pays et sachant si bien à quel point il peut être difficile de s'adapter à une nouvelle culture, surtout lorsqu'on est loin de notre famille et de nos amis ou quand on ne parle pas la langue locale, j'ai finalement décidé de me concentrer sur cette zone.

Qu'est-ce qui définit votre travail et comment aidez-vous les expatriées à travers le monde ? Y a-t-il actuellement une forte demande pour le coaching d'expatriées ?

Heureusement, je peux travailler avec des gens du monde entier via Zoom depuis ma maison à la campagne.

Lorsqu'ils emménagent pour la première fois dans un nouveau pays, de nombreux expatriés vivent des expériences similaires. Ils se sentent d'abord heureux et excités, comme s'ils étaient en vacances. Jusqu'au jour où ils se rendent compte que ce n'est pas le cas. C'est à ce moment-là que leur famille et leurs amis commencent soudainement à leur manquer vraiment. Ils commencent à se sentir dépassés par tout ce qu'ils doivent faire pour faire de leur nouveau pays leur nouveau chez-soi. Il devient important pour elles de s'intégrer et de se faire des amis, d'avoir ce sentiment d'appartenance. Étant loin de leurs proches, ils se sentent souvent isolés et cherchent à nouer des liens significatifs, mais ils ne parlent pas bien la langue locale et ils ne comprennent pas encore la nouvelle culture dans laquelle ils sont immergés, y compris les types de comportements qui sont acceptables et ceux qui ne le sont pas. Alors ils essaient de s'adapter à cette nouvelle culture, et en cours de route, ils ont l'impression de perdre leur identité.

J'ai une cliente qui, dans son pays d'origine, était une femme d'affaires très autonome, extravertie et sociable. Mais lorsqu'elle est arrivée dans son nouveau pays, où l'on parle la même langue que dans son pays d'origine, mais où l'argot est différent, tout comme les normes culturelles, elle a eu beaucoup de mal à quitter sa maison, a faire de nouvelles rencontres, a créer son réseau, et a continuer à développer son entreprise. Le choc culturel affectait toute sa vie, même la relation avec son partenaire, qui ne reconnaissait plus la femme qu'il avait à ses côtés, tant elle avait changé. Elle a commencé à douter d'elle-même et à se cacher de plus en plus du reste du monde.

C'est un modèle que je vois se reproduire encore et encore. Le choc culturel peut être dévastateur pour la vie, les affaires et les relations de quelqu'un. Et c'est pour cela que j'aide mes clientes à s'adapter à leur nouveau pays et à leur nouvelle vie. J'ai récemment développé un programme de 12 semaines grâce auquel j'aide mes clientes à se souvenir de la personne confiante et indépendante qu'elles sont. Je leur enseigne des techniques pour surmonter leur insécurité afin qu'elles puissent exprimer leur vraie personnalité et établir des liens significatifs. Je leur apporte mon soutien pendant qu'elles apprennent comment les choses fonctionnent dans leur nouveau pays. Je les guide dans le processus de faire de leur pays d'accueil leur nouveau chez-soi, un endroit auquel elles appartiennent et elles peuvent se sentir à l'aise. En conséquence, elles créent non seulement une nouvelle vie dont elles sont heureuses, mais connaissent également une énorme croissance personnelle, et la relation avec leur conjoint se renforce. Ainsi, elles arrivent à profiter du pays dans lequel elles se trouvent tout en s'imprégnant de la culture locale.

D'après mon expérience, la demande de coaching pour expatriés est en hausse. De plus en plus de personnes dans le monde entier sont à la recherche de coachs et sont en train de découvrir l'impact significatif qu'un bon coaching peut avoir sur leur vie. Avec la pandémie, la plupart d'entre nous sommes contraints à travailler à domicile, ayant la majorité de nos réunions via Zoom. Les expatriés sont donc maintenant plus disposés que jamais à travailler avec un coach en ligne. Un autre avantage est qu'elles peuvent elles-mêmes choisir le coach qui leur convient, ou qu'elles se trouvent dans le monde.

La pandémie a-t-elle eu un impact sur votre travail ?

La pandémie a affecté mon travail de différentes manières.

D'une part, il y a plus de concurrence dans le monde en ligne maintenant que beaucoup recherchent des revenus alternatifs et un travail qu'ils peuvent faire à domicile. Le coaching semble une option facile car l'industrie n'est absolument pas réglementée. Ce qui fait que n'importe qui peut devenir coach de nos jours. Malheureusement, cela signifie également que de nombreux coachs ne sont pas très qualifiés et finissent par laisser aux clients une impression très négative de ce que font les coachs.

D'un autre côté, les gens sont maintenant plus ouverts que jamais à avoir des réunions via Zoom avec quelqu'un qui est littéralement à l'autre bout du monde. Il y a quelques années à peine, j'avais des clientes qui n'étaient disposées à m'embaucher que si elles pouvaient avoir des séances en personne avec moi. Cela a complètement changé maintenant.

Si vous deviez repartir à zéro, y a-t-il quelque chose que vous auriez fait différemment ?

Je me serais mieux préparée. J'aurais fait plus de recherches sur le pays dans lequel je déménageais : dans mon cas, le Chili. J'aurais parlé à des expatriés qui étaient déjà sur place pour connaître leurs impressions du pays et de la culture, savoir à quoi ressemblait leur expérience et à quels défis ils ont été confrontés.

Avez-vous des conseils à donner aux expatriées du monde entier qui ont du mal à s'adapter à leur pays d'accueil ?

Ne vous perdez pas dans le processus d'adaptation à votre nouveau pays. Soyez attentives à vous-mêmes, vos sentiments, vos envies, vos besoins et vos valeurs.

Trouvez des amis expatriés. Même si vous ne voulez pas vivre exclusivement au sein d'une communauté d'expatriés, il est important d'avoir quelques amis expatriés parce qu'ils peuvent comprendre ce que vous vivez et peuvent vous donner d'excellents conseils.

Gardez en tête que vous n'avez pas besoin de relever tous les défis seule. Il existe des experts qui peuvent vous aider : coachs, thérapeutes, spécialistes en déménagement international, ainsi que différentes applications, plateformes et groupes sur les réseaux sociaux. Il suffit de faire quelques recherches et d'aller vers eux.

Déménager dans un nouveau pays et se créer une toute nouvelle vie est déjà assez difficile ; alors il n'est pas nécessaire de le faire seul.