
À l'heure de la crise économique, le « travailler plus pour gagner plus » gouverne-t-il le marché international du travail (et surtout, s'observe-t-il dans la réalité) ? Le temps de travail a-t-il tendance à augmenter, à diminuer, à se fractionner ? À quels changements les expatriés doivent-ils s'attendre ?
Travailler 13 heures par jour
Les traditionnelles 8 heures de travail par jour vivent-elles leurs derniers instants ? En Grèce, l'exécutif tente un nouvel allongement de la journée de travail. Un « Travailler plus pour gagner plus » qu'il inscrit dans son dernier projet de loi, mais qui ne fait pas l'unanimité. Dans les faits, le « travailler plus » est déjà possible en Grèce, mais seulement si l'on travaille pour au moins deux employeurs différents. Le projet de loi prévoit de légaliser la journée de 13 heures pour le même employeur, avec une hausse de salaire.
La ministre du Travail Niki Kerameus précise le caractère exceptionnel de cette mesure, qui ne serait applicable que 37 jours par an, sur la base du volontariat. Selon elle, la crise actuelle ne permet pas aux Grecs de s'opposer au projet. La ministre estime même que de nombreux jeunes veulent travailler plus. L'accueil est néanmoins mitigé. Le 1ᵉʳ octobre, les Grecs se retrouvent en nombre pour manifester contre une mesure qui annoncerait, selon eux, un dangereux retour en arrière. Les syndicats redoutent que le « volontariat » du projet de loi se transforme en « obligation ». Quel salarié irait s'opposer à son employeur, s'il décide d'instaurer la journée de 13 heures ?
Le gouvernement conservateur n'en est pas à son premier coup d'essai. Depuis le 1ᵉʳ juillet 2024, des entreprises peuvent garder leurs salariés plus longtemps : 6 jours dans la semaine ou 5 jours, mais avec des heures supplémentaires. La mesure était aussi pensée pour soutenir l'économie grecque.
Travailler toujours plus le dimanche
Le dimanche deviendra-t-il bientôt un jour comme un autre ? C'est déjà le cas dans plusieurs États, où le dimanche n'est pas un jour de repos. Même dans les pays où le week-end tombe les deux derniers jours de la semaine, la tendance va progressivement vers le travail le dimanche. Mais souvent, seule la matinée est travaillée. Et le travail se fait sur la base du volontariat. Le gouvernement luxembourgeois s'apprête à faire un pas supplémentaire en étendant le travail dominical de 4 à 8 heures, soit une journée de travail ordinaire. Les horaires d'ouverture des commerces seraient repoussés de 5 heures à 21 heures (contre 6-20 heures actuellement). Les horaires d'ouverture seraient de 5 heures à 19 heures le dimanche (contre 6-13 heures aujourd'hui). Les « commerces de première nécessité » seraient ouverts toute la journée.
Les organisations syndicales s'insurgent et dénoncent une augmentation de la « pression sur les salariés ». Ils redoutent une perte de droits et une précarisation de l'emploi. En effet, selon le plan du gouvernement, les employeurs embauchant 30 salariés ou moins pourront décider seuls du passage aux 8 heures le dimanche. La règle ne change pas pour les entreprises de 31 salariés et plus, qui devront signer une convention collective. En cas d'accord, la réforme devrait s'appliquer à partir de janvier 2026.
L'inquiétante percée du travail en « 996 »
« Je travaille 996. » Derrière ce nombre énigmatique se cache une cadence qui ne laisse aucun répit au travailleur. Ses journées s'étalent de 9 heures du matin à 9 heures du soir, 6 jours par semaine. 996. C'est en Chine que le concept s'est développé. Bien qu'interdit par la Cour suprême chinoise en 2021, le 996 serait toujours pratiqué. Le secteur de la Tech est friand de ce rythme de travail infernal, qu'il juge indispensable pour se développer. Les expats qui ont testé la formule « 996 » témoignent. Ils ne restaient pas toujours jusqu'à 21 heures… mais pouvaient régulièrement jusqu'à 23 heures, minuit ou faire des nuits blanches. Les critiques ne viennent pas seulement des expatriés, mais aussi des locaux. Difficile pour autant de faire entendre sa voix. Le système perdure… et s'exporte.
Quelques patrons de la Silicon Valley ont trouvé judicieux de s'adapter au plus près des habitudes des consommateurs. Ils utilisent leur carte bancaire le samedi soir ? Il faut donc des salariés au bureau le samedi soir. Les vœux pieux formulés aux premières heures de la Covid semblent oubliés. Les employeurs adeptes du 996 se justifient : le boom de l'IA et la concurrence accrue sur le marché économique les obligeraient à repousser toujours plus loin leurs limites. Ils n'hésitent pas à reformuler leurs offres d'emploi : « Êtes-vous prêts à travailler en 996 ? » On précise néanmoins que ces horaires de travail extrêmes sont loin d'avoir conquis toute la Silicon Valley.
La semaine de 4 jours deviendra-t-elle la future norme ?
Il semble que oui, surtout en Islande et aux Pays-Bas. L'Islande a expérimenté la semaine de 4 jours dès 2015. En 2019, ce mode de fonctionnement devient officiel. Aujourd'hui, 90 % des travailleurs se disent satisfaits. Dans le cas islandais, il ne s'agit pas d'une semaine en 4 jours (travailler plus longtemps chaque jour pour effectuer le même nombre d'heures), mais bien d'une véritable semaine de 4 jours : le temps de travail est réduit (de 40 à 36 heures par semaine), mais le salaire reste le même qu'auparavant. Les salariés sont conquis, les patrons aussi. Car les études ne révèlent pas de baisse de productivité, au contraire. Les salariés sont plus motivés et se sentent mieux dans l'entreprise. Ils se disent moins stressés et plus épanouis, tant au travail que dans leur vie privée.
Les Pays-Bas, autres champions de la semaine de 4 jours
Même succès aux Pays-Bas, où la semaine de 4 jours s'accompagne d'une réduction du temps de travail : de 40 à 32 heures par semaine. Là encore, le modèle de travail s'est vite généralisé, avec des effets positifs sur l'économie. Les économistes y voient une confirmation que la baisse du temps de travail n'est pas synonyme de marasme économique. Aux Pays-Bas, la forte productivité va avec un taux élevé d'activité. En 2024, 82 % des personnes en âge de travailler occupent un emploi. D'après les économistes, le succès néerlandais s'explique aussi par la durée de la vie professionnelle. Aux Pays-Bas, on part plus tard à la retraite ; l'âge de départ est ajusté en fonction de l'espérance de vie.
Ces pays qui testent la semaine de 4 jours
D'autres pays ont testé la semaine de 4 jours, avec succès. L'Allemagne lance son projet pilote en 2024 : -4 heures de travail par semaine, avec un salaire maintenu. Les résultats sont si positifs que 73 % des entreprises décident de maintenir la semaine de 4 jours. Le Royaume-Uni, la France et l'Espagne ont aussi testé leur version de la semaine de 4 jours. Au Japon, aux États-Unis, au Canada et en Nouvelle-Zélande, l'idée fait aussi son chemin dans certaines grandes entreprises. En 2021, le Japon a expérimenté la semaine de 4 jours dans les grandes entreprises, principalement pour lutter contre le surmenage et le fléau des heures supplémentaires.
Le contre-exemple de la Belgique
A contrario, la Belgique a opté pour une semaine en 4 jours. Les salariés peuvent réorganiser leur semaine pour condenser leurs heures sur 4 jours. Il n'y a donc pas de réduction du temps de travail. Les résultats de l'approche belge sont plus que modestes. À peine 1 % des travailleurs ont opté pour cette organisation.
Au-delà de l'exemple belge, des analystes rappellent que la semaine réduite n'est pas une solution miracle. Sans une bonne organisation, elle peut épuiser les travailleurs. Il faut, par exemple, bien établir si l'on opte pour une réduction du temps de travail avec maintien du salaire (comme en Islande) ou une réduction du nombre de jours de travail, mais sans baisse du nombre d'heures. Ils insistent néanmoins sur les effets positifs constatés, tant en matière de productivité qu'au niveau du bien-être et de la santé mentale des travailleurs. Travailleurs de plus en plus soucieux de la préservation de leur équilibre vie privée/vie professionnelle. Le simple fait de mieux organiser le travail a des effets positifs, tant dans l'entreprise (performances du travailleur, meilleure ambiance dans l'entreprise) que dans la vie personnelle des salariés.
Sources :
- L'express.fr - Après la semaine de six jours, la journée de travail de 13 heures ? Grève générale en Grèce
- La Presse - La Grèce s’oppose à la journée de travail de 13 heures
- TF1 Info - "996" : c'est quoi ce rythme de travail extrême, pratiqué dans la Silicon Valley ?
- Yahoo Actualités - Après la Chine, le rythme de travail épuisant « 996 » gagne et inquiète la Silicon Valley
- Le Quotidien - Temps de travail : «L’objectif ultime est un accord»
- JV Tech - 4 jours de travail suffisent : la preuve scientifique !
- Science et Vie - Semaine de 4 jours en Islande, 90% des travailleurs conquis après 6 ans
- RTL Infos - Ce que le gouvernement va changer très bientôt au Luxembourg



















