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Jean-Pierre Palier : 20 ans d'entrepreneuriat français en Chine

Jean-Pierre Palier
Écrit parLaura Barangerle 30 Octobre 2025

Depuis plus de vingt ans, Jean-Pierre Palier incarne l'esprit d'initiative à la française à l'autre bout du monde. Entrepreneur autodidacte, il a fondé en Chine plusieurs sociétés prospères, de la production de panneaux solaires à la création d'une académie culinaire française unique dans le Sichuan. Mais son engagement dépasse le seul cadre économique : président de l'Union des Français de l'Étranger (UFE) de Chengdu depuis 2011, il a organisé plus de 120 événements pour fédérer la communauté francophone. Aujourd'hui, il dirige également l'ONTPE France, une organisation dédiée au soutien des entrepreneurs et petites entreprises, tout en continuant de développer des projets entre l'Europe et l'Asie. À 65 ans, cet autodidacte infatigable, entrepreneur dans l'âme, continue de créer, d'investir et d'inspirer. Portrait d'un homme qui n'a jamais cessé de croire que tout était possible.

Comment votre enfance a-t-elle influencé votre goût pour l'aventure et l'entrepreneuriat ?

J'ai grandi à la campagne, dans un haras familial situé aux Hunaudières, tout près du circuit des 24 Heures du Mans. Mon père élevait des chevaux de course et tenait une ferme. C'était un homme extraordinaire. Abandonné enfant, il a appris à lire et à écrire à 28 ans pour réaliser son rêve et vivre de sa passion pour le monde hippique.

Il nous a transmis à mes frères, ma sœur et moi trois valeurs essentielles : le respect, l'humilité et la conviction que tout est possible. Cet état d'esprit m'a profondément marqué.

Selon vous, qu'est-ce qui a forgé votre personnalité d'autodidacte ?

Je crois que ça vient de cette éducation et de ma curiosité naturelle. J'ai toujours eu envie de faire les choses par moi-même, de comprendre et d'apprendre autrement. J'ai créé ma première société à 18 ans, sans diplôme ni expérience. J'avais mes propres idées, une vraie force de caractère, des convictions… et aussi mes défauts. Mais j'ai toujours préféré agir plutôt qu'attendre qu'on m'ouvre une porte.

Vous êtes parti à l'aventure en Chine il y a plus de 20 ans. Qu'est-ce qui a déclenché ce départ et pourquoi la Chine ?

J'avais environ 40 ans, et je traversais une période compliquée, aussi bien sur le plan personnel que professionnel. Un soir, à Paris, j'ai rencontré par hasard un couple chinois lors d'une soirée. Ils m'ont proposé de venir les voir en Chine.

Je me suis posé une question simple : « Si je reste en France, qu'est-ce que je vais faire ? » J'ai pris la décision d'y aller. Ce premier voyage a été une révélation. À mon retour, j'ai tout vendu en France pour tenter ma chance ailleurs. Je voulais me réinventer.

Quels ont été les plus grands défis de vos débuts en Chine, sur le plan professionnel et personnel ?

Évidemment, les différences culturelles et les coutumes étaient déstabilisantes au début. Mais je suis quelqu'un qui s'adapte vite. J'ai beaucoup observé, écouté et appris des autres.
J'ai commencé par rencontrer des chefs d'entreprise, des responsables gouvernementaux, des acteurs du tissu économique local. Ces échanges m'ont permis de comprendre comment le pays fonctionnait, avant que je me lance dans mes propres affaires.

Mon premier projet était dans la fabrication de vêtements de travail à Wenzhou. Mais le plus inattendu est survenu à Shenyang : j'y ai rencontré ma femme, totalement par hasard, lors d'un cours de français que je donnais pour dépanner un ami. Cette rencontre a tout changé.

Comment avez-vous surmonté la barrière de la langue et les différences culturelles dans vos premiers projets ?

Je ne parle toujours pas chinois ! (rires) J'ai toujours préféré travailler avec des traducteurs, c'est plus confortable et cela me laisse le temps de réfléchir avant de répondre.
Dans la vie quotidienne, j'observe beaucoup. Cela m'a appris à comprendre les situations autrement. J'ai lu sur l'histoire et la pensée chinoise, car ici, la façon de penser est la même pour la famille, les amis et le travail : tout repose sur la loyauté et l'équilibre.

Dans mes entreprises, je privilégie une organisation simple et efficace. J'utilise des tableaux de suivi très clairs : chacun y définit ses priorités et ses objectifs, sans réunions interminables. Je suis convaincu qu'on ne réussit vraiment que les objectifs que l'on a soi-même construits.

Parmi tous vos projets en Chine, lequel a été le plus audacieux ou le plus marquant pour vous ?

Sans hésiter, la création de mon usine de panneaux solaires en 2007, à Wenzhou. Après seulement six mois d'activité, j'ai ouvert ma propre production avec plus de 300 employés. Mon entreprise, CPSolar, a été la première en Chine à obtenir la certification française CSTB pour la conformité des kits solaires.
En trois ans, nous avons réalisé plus de 90 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Mais je suis aussi très fier d'un autre projet : l'Académie culinaire française que j'ai fondée à Mianyang, dans le Sichuan. Nous avons obtenu la reconnaissance officielle de l'État chinois pour les diplômes de cuisinier et de pâtissier. Notre chef a même remporté la médaille d'or au premier concours national des métiers manuels ! Deux aventures très différentes, mais tout aussi passionnantes.

L'entrepreneuriat en Chine a beaucoup évolué ces dernières années. Quels changements majeurs avez-vous constatés ?

En vingt ans, tout a changé. La numérisation et le e-commerce ont complètement transformé la société chinoise. Tout va plus vite, tout est connecté.

Mais les années de Covid ont été extrêmement difficiles : confinements, restrictions, isolement… Cela a laissé des traces, notamment chez les étrangers. L'image de la Chine en a souffert, mais la société reste incroyablement résiliente.

Vous avez fondé une famille en Chine. Comment vos proches vivent-ils cette double culture franco-chinoise ?

Nous avons deux garçons, et nous leur avons toujours appris que leurs deux cultures sont une richesse, pas un poids. Nous avons voulu qu'ils grandissent dans la compréhension et le respect des différences.

Bien sûr, le regard des autres n'est pas toujours simple à vivre pour eux, mais on leur a appris à ne pas s'en préoccuper. L'essentiel, c'est de rester soi-même tout en respectant les autres.

Après 23 ans, vous sentez-vous plus Sarthois, Chinois, ou un mélange des deux ?

Je dirais un mélange des deux. Je reste attaché à la Sarthe, à mes origines, mais la Chine est devenue ma maison.

Je suis d'ailleurs ambassadeur de la Sarthe en Chine, ce qui me permet de garder ce lien fort avec ma région. Ici, j'ai trouvé une forme de liberté : je peux choisir mes priorités, organiser ma vie comme je l'entends, sans pression extérieure.

Y a-t-il des aspects du quotidien français qui vous manquent encore, malgré votre long parcours à l'étranger ?

Pas grand-chose, honnêtement ! Chengdu est une ville douce et agréable à vivre. La seule chose qui me manque, ce sont les rillettes de la Sarthe ! (rires)

Pour le reste, nous avons trouvé ici tout ce qu'il faut pour être heureux.

Vous continuez à entreprendre. Qu'est-ce qui vous pousse encore à lancer de nouveaux projets au lieu de ralentir ?

J'aime créer, c'est dans ma nature. Aujourd'hui, je gère mes entreprises à distance, sans être impliqué au quotidien. Mon épouse dirige notre société de fabrication de chaussures à Wenzhou depuis plus de vingt ans.

De mon côté, je supervise plusieurs activités : l'export de mobil-homes, une société de conseil, et depuis 2024, un resort en Thaïlande, un projet né d'une belle amitié.

Je suis aussi très investi dans la communauté française : je préside l'UFE de Chengdu depuis 2011, avec plus de 120 événements organisés, et je dirige maintenant l'ONTPE France, une association de soutien aux petites entreprises.

À 65 ans, j'ai encore de l'énergie et de l'envie. Tant que j'aurai la santé et le plaisir, je continuerai.

Quels conseils donneriez-vous à un Français qui voudrait, comme vous, se lancer en affaires en Chine aujourd'hui ?

D'abord, être souple et patient. Il faut observer, écouter, s'adapter et ne jamais foncer tête baissée. Avoir une bonne trésorerie d'avance (six mois à un an) est indispensable.
Je recommande aussi de rédiger ses contrats avec un avocat local. J'ai souvent lu des analyses sur les différences culturelles entre la France et la Chine, notamment dans la manière de négocier. Pour moi, l'essentiel est de faire valider son objectif par son interlocuteur chinois, mais avec subtilité. Il faut savoir l'amener à dire ce que vous souhaitez entendre, sans jamais le contrarier. Comprendre cela, c'est déjà maîtriser une grande partie de la relation professionnelle. C'est ça, la clé de la réussite ici : l'équilibre, la patience et la confiance mutuelle.

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Globe-trotteuse dans l’âme, j'aime donner vie aux idées, aux histoires et aux rêves les plus fous. Aujourd’hui installée à l’île Maurice, je prête ma plume à Expat.com et à d’autres projets inspirants.

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