"Nos ancêtres les gentils colons"

Salut à tous,

Je ne sais si vous aviez remarqué le 23 février dernier un amendement amusant pondu par notre AN. Il y était notamment demandé d'enseigner à nos chers têtes "blondes" «le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord». En gros, il était clairement demandé (sous peine de sanction) aux enseignants du secondaire de rappeler combien avait été positives la colonisation française et la «mission civilisatrice de la France (sic)».

Je sais pas vous mais moi ça me fait froid dans le dos. On comprends bien l'idée géniale qui soustend l'amendement : faire disparaître purement et simplement le devoir de mémoire sous un vernis de bonne conscience. Et de dire à tous ces peuples que nous avons colonisé : prière de dire merci. Et faire taire ces jeunes issus de l'immigration qui réclament réparation pour leurs grands-parents esclaves.

Le débat est certes depuis longtemps biaisé par l'amalgame entre la situation actuelle de ces jeunes et la reconnaissance des crimes coloniaux. On brode sur ce dialogue victimisant qu'on peut retrouver sur divers forums (''l'Afrique/l'Asie serait riche si les européens ne l'avait pas pillée"), on demande des comptes à la république, on assimile rapidement sa situation à celui d'un esclave... et autres raccourcis identitaires commodes.

Seulement, la réaction appropriée à cela est-elle d'interdire purement et simplement l'objection et de couper court à la discussion ? "Non" répondent un certain nombre de chercheurs et d'enseignants du supérieur, dont mon co-directeur de DEA, et du secondaire qui ont signé une pétition contre cet amendement. On risque au contraire de faire enfler le mouvement par une attitude si résolument révisionniste.

En tant que produit dérivé de la colonisation, je ne peux abonder ni dans le sens des 'indigènes' ni dans une réponse aussi infantile de nos représentants. Laissons les historiens fairent leur travail en paix !

Pour plus d'infos, divers articles de Libé (oui, encore une fois je sais, mais j'ai pas trouvé dans le Fig'...) :
http://www.liberation.fr/page.php?Article=331575

Il faudra que l'on m'explique, car je ne vois pas en quoi la colonnisation a été positive pour les colonnisés.

Pouvez-vous m'expliquer quels sont les arguments de ceux qui pensent cela? (sans que pour autant vous soyiez d'accord, on s'est bien compris)

A priori, les colons leur ont apporté les nouvelles technologies de l'époque, la démocratie souvent, la réduction de la mortalité infantile, ... et plein (?) de choses de ce genre. Ce qui a permis aux colonisés de se développer plus vite ...
Et je pense que c'est vrai en fin de compte ... le problème c'est que les colons les ont apportées de force. D'un autre coté, en apportant ces choses pacifiquement et en discutant, les colonisés en auraient retirer deux fois plus de bénéfices.

Mais en fin de compte, savoir si la colonisation a été bénéfique dans certains aspects, c'est savoir si apporter l'électricité aux pigmés d'amazonie, par exemple, serait une bonne chose.
La colonisation a été bénéfique par rapport à notre culture et à l'idée qu'on se fait d'une société... il faut espérer qu'on soit sur le bon chemin ?!

voilà qq reaction rapides, en fonction de ce que j'ai entendu ce matin à la radio et de mon avis

C'est vrai que j'ai répondu un peu vite. On a apporté la médecine, la technologie ... mais à quel prix? Tout c'est passé dans la violence, on a aboutit sur l'esclavage, on a pillé les richesses des colonies ...

Je pense comme loloieg que nous avons rapproché les colonisés de notre culture, de notre mode de vie en les éloignant des leurs. (je pense d'ailleurs que l'on a plutôt imposé que suggéré)

Mais qui a raison? Le plus important n'est-il pas d'être heureux? Qui donc les colonisations ont-elle rendus plus heureux?

Voilà mes réactions rapides, sur un sujet très sérieux. J'espere que l'on va aller un peu plus loin dans le débat.

En réponse à la demande de Julien, petite séance de googlisation...

Sur le sous-amendement 59, qui fut le déclencheur :

"M. Christian Vanneste. Ces sous-amendements visent à
distinguer les programmes de recherche universitaire des
programmes scolaires. Les programmes de recherche universitaire
devront accorder à l'histoire de la présence française
outre-mer « la place qu'elle mérite » − formule très
large qui sied parfaitement à la liberté du domaine universitaire.
En revanche, s'agissant des programmes scolaires, le
sous-amendement no 59 précise qu'ils devront intervenir
dans deux directions.
D'abord, ils devront faire connaître à tous les jeunes
Français le rôle positif que la France a joué outre-mer.
C'est d'ailleurs dans la ligne du fondateur de l'école
publique, Jules Ferry, qui avait souhaité que la France
fasse oeuvre scolaire, éducative et sanitaire dans les pays
d'Afrique ou d'Asie ; on l'avait d'ailleurs surnommé le
Tonkinois.
Ensuite, et c'est très important, les programmes scolaires
devront souligner le rôle des personnes issues des
territoires d'outre-mer dans l'armée française. Cela vise
aussi bien les combattants musulmans, qui se sont battus
sur notre sol durant la Grande Guerre, que ceux qui ont
participé à la Seconde Guerre mondiale et ont libéré
notre territoire − on a parlé tout à l'heure de Monte Cassino
et du débarquement en Provence − et, bien sûr, les
harkis qui ont tant souffert. Je tiens d'ailleurs à souligner
que M. Diefenbacher a déploré, dans son rapport, que
ces événements soient malheureusement souvent absents
des livres d'histoire."

(si ça vous intéresse et que vous avez vraiment du temps à perdre, vous pouvez lire la passionnante session parlementaire où ce texte fut voté par une quarantaine de députés le 11 juin 2004 p.4859...
http://www.assemblee-nationale.fr/12/pd … 040254.pdf)

Et puis un extrait d'un argumentaire de la 'positive attitude' :

"Si aucun élu ne déposa d'amendement au Sénat ou en seconde lecture de l'Assemblée contre cet alinéa, c'est évidemment parce que nul n'y vit de quoi s'affoler. Relisons l'énoncé : « Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer  ». Il n'y a pas écrit «  les programmes scolaires présentent la colonisation française comme une expérience historique positive  ». Il y a écrit «  reconnaissent le rôle positif  ». «  Reconnaître  », signifie «  Admettre pour vrai après avoir nié, ou après avoir douté, accepter malgré des réticences  » (voir Robert en 7 vol., art. « Reconnaître », II, 4°).

Cet énoncé législatif a donc pour objet de demander une présentation équilibrée de la colonisation française ; il ne fixe pas l'intégralité du contenu du programme d'histoire concernant la colonisation, il demande qu'à l'intérieur de ce programme, on «  admette pour vraie après l'avoir niée, ou après en avoir douté, on accepte malgré les réticences  » l'idée que cette colonisation a eu, aussi, un « rôle positif ».

Nous ne sommes plus en 1881 pour savoir si la France doit ou non se lancer dans l'aventure coloniale comme l'y appelait Jules Ferry. Cent vingt-quatre ans ont passé. Et n'en déplaise aux plus âgés d'entre nous, nous ne sommes plus en 1962 pour nous déchirer à propos de la guerre d'Algérie et des accords d'Évian. Quarante-trois ans ont passé. La colonisation, puis la décolonisation, ont eu lieu. La question est à présent de savoir si, quand on présente cet épisode historique aux élèves de France, citoyens de demain, on n'en mentionne que les aspects négatifs, ou si on leur en présente aussi les aspects positifs : en matière d'hygiène et de santé, par exemple, ou d'accès à l'instruction, de construction des infrastructures collectives, de développement économique, de condition féminine… bref, de « libertés réelles » (pour reprendre l'opposition, chère à la gauche, entre « libertés formelles » et « libertés réelles ») d'un certain nombre de populations. Si l'on ne présente pas aux élèves ces aspects positifs, alors l'action de milliers de fonctionnaires français et l'adhésion au modèle français de millions de colonisés demeurent incompréhensibles, et les populations indigènes qui ont choisi le côté du colonisateur (et singulièrement les « harkis ») ne sont que des traîtres dont l'engagement doit être stigmatisé."

A voir sur :

http://www.fondapol.org/presse-tribunes … rammes.jsp

Après à chacun de se faire son idée comme on dit.

Quelle enchaînement Tôm Càng! Merci pour ta réactivité

Avec tout ça, je ne sais plus que penser... Je vais relire tout ça demain à tête reposée

Je ne sais pas si les manuels ont changé depuis mais je n'ai pas retiré des cours d'histoire du secondaire une vision 'négative' de la colonisation (mais peut être que comme à mon habitude, je dormais près du radiateur pendant le cours de colo). La seule chose dont je me souvienne, c'est l'exploitaton rationnelle des matières premières des pays colonisés. La construction d'infrastructures, c'était pas pour les aider à se développer mais pour acheminer les ressources nécessaire à notre industrie. Ressources grâce auquelles nous avons pu creuser l'écart de façon drastique et nous enrichir.

Moi je suis tout à fait d'accord qu'on enseigne aussi le positif, sauf si ce bilan cherche à justifier l'injustifiable. On rentre dans une comptabilité pénible : on vous a amené ça et ça, c'était pour votre bien, ça valait bien qu'on vous prennne ça en échange, etc.

La réponse des pays colonisés est toute trouvée :
1 on vous avait rien demandé, vous vous êtes imposé quand même
2 les contingents de soldats qui se sont fait zigouiller pour vous pendant les guerres, on peut les comptabiliser aussi ?
3 quand on vous a demandé de partir, c'était pas possible
4 la démocratie, c'était quand ça vous arrangeait
5 la répression par contre, c'était nécessaire
6 la meilleure culture, c'était toujours la vôtre
7 les inférieurs c'était toujours nous
8 la technologie, vous avez eu du mal à la lâcher mais pas à exiger du travail de force des 'indigènes'
9 merci pour la leçon de christianisme, vous avez fait à autrui ce que vous n'aviez jamais supporté qu'on vous fasse

etc etc etc

Il y aura toujours des arguments pour et contre. La mauvaise conscience de l'occident ne date pas d'hier non pl

[Julien, le forum vient de me censurer au beau milieu d'une tirade enflammée, ça va pas du tout... Je reprends.]

Il y aura toujours des arguments pour et contre. La mauvaise conscience (et la bonne d'ailleurs) de l'occident ne date pas d'hier non plus.
Pour se faire une idée plus juste, peut-être faut-il voir comment ces 'cadeaux' de l'occident ont pris sur un terreau culturellement très différent ? Sinon on fera notre p'tit bilan positif de notre côté sans demander aux intéréssés et on en aura jamais fini avec l'ethnocentrisme et l'évolutionnisme à la papa...

Voilà aussi à quoi peuvent servir les expats, soit dit en passant.

L'important sur ce genre de sujet, c'est de ne pas rester fermer et de ne pas garder un avis obtu sur la question. Et je crois que ce n'est pas le cas ici ... heureusement. Peut etre grace à l'esprit d'ouverture dont font preuve en général les expats.
Bref, je pense que pour ce genre de sujet ce n'est ni tout blanc ni tout noir ! En particulier pour la colonisation, il est indéniable que cela a apporté beaucoup beaucoup de choses négatives. Encore qu'il doit bien rester 2 ou 3 énergumènes à penser que tout était bon et bien fait ... ça fait froid dans le dos. Mais d'autre part, il ne faut pas nier non plus que certains choses ont été bonnes ... Par contre il ne faut pas commencer à compter, alors ça c'était bien ... oui mais ça c'était deux fois pires, sinon on ne s'en sort pas.
D'autre part, il est toujours difficile et dangereux d'essayer de juger l'histoire ... car ce qui est vrai à une époque ne l'est pas forcément à une autre... Il faut plutot en tirer des leçons ... meme si selon la théorie du chaos (cf Jurassic Park) les memes causes ne produisent pas toujours les memes effets.
Tout ça pour dire, ya eu du bon et du mauvais dans la colonisation et qu'on ne peut pas remplir un tableau à deux colonnes : bon et mauvais. C'est beaucoup plus complexe !

[qu'est ce qui s'est passé avec le forum?]

La voie la meilleure dans l'enseignement est certainement celle du juste milieu, celle qui reconnait les apports positifs et les apports négatifs de la colonisation, sans estomper ou privilégier une vision par rapport à l'autre.

Ensuite, c'est à chacun de se faire une opinion. Et d'en changer au fil de ses apprentissages personnels.

Oui les expatriés sur le terrain doivent forcemment avoir des opinions interessantes sur la question. Ca me fait penser à ma mère qui vit à Mayotte, un des territoires d'outre mer français de l'océan indien. Elle travaille dans le social là-bas. Je pense qu'elle doit avoir un avis interessant sur la question.

Ah je voulais aussi rajouter une chose ...
A la base, il s'agit de dire dans les manuels scolaire qu'il y a du mauvais et du bon dans la colonisation ... et notamment la présence française en Afrique du Nord... Par là, nos chers députés souhaitaient peut etre que les jeunes issus de l'immigration (expression consacrée) arretent de ressacer cette histoire de colonisation et soient moins amer envers la France. Tout ceci dans le but de rapprocher les gens soit disant de différents origines.

Mais la meilleure solution à cela ne serait elle pas de banir les expressions "jeunes français issus de l'immigration" (d'un coté) et "vous, les français" (de l'autre coté). Car aux uns je dirais que tout le monde est issu de l'immigration .. mais plus ou moins lointaine (faut il remonter jusqu'à la préhistoire?). Et aux autres je dirais également que s'ils ont une carte d'identité française, à ce moment là il faut dire "nous, les français".

Malheuresement c'est encore un sujet brulant et à manier avec des pincettes. A quand les hommes arreteront de se renvoyer le passé de leurs parents à la figure ??? :/

Pas aujourd'hui apparemment. Je viens de voir une émission sur TV5 avec Monsieur R (le rappeur belge, ok moi non plus je ne suis pas fan) sur le thème "racisme anti-blanc". Avec en pature, les manifs' de mars, le clip provoc de Mr R, un élu de Moselle qui attaque ce dernier en justice et d'autres...

Le sujet est on ne peut plus brûlant, comme le dit Laurent. Nous sommes issus de l'immigration pour 1/3 de la population (en remontant aux aïeux). Quand des neuneus se permettent de cracher sur le système sur le seul pretexte qu'ils se sentent exclus, discriminés, ostracisés alors que d'autres se sont battus (et se battent encore) pour qu'il soit plus juste, on a envie de leur dire : prend ton sac à dos et va voir si la vie est fantastique ailleurs (pardon Julien d'avoir détourné ton slogan). Si tu trouves le pays de Cocagne, surtout ne bouge plus.

Perso, ça me fait gerber (sic) quand on pense au racisme auquel se sont confronté à l'époque les italiens, les espagnols, les polonais, les portuguais et les autres. C'est vouloir passer à la trappe les efforts consentis par ces populations. C'est réduire à zéro leurs sacrifices.

Je suis retourné sur la terre de mes ancêtres et je comprends aussi pourquoi ils ont voulu en partir. En même temps, jamais je ne pourrais dire (ahh l'histoire, arme idéologique) que les colons français ont été des anges.

Pas plus que les expats à l'heure actuelle. Ce que je voulais dire est que les expats ont pour responsabilité de ne pas reproduire les erreurs du passé.

Ce qui n'est pas toujours le cas dans les PVD, j'en ai peur.

Tôm Càng a écrit:

[Julien, le forum vient de me censurer au beau milieu d'une tirade enflammée, ça va pas du tout... Je reprends.]


On ne censure pas, Tôm Càng. Rassure toi. :)
Mais comme ton post était super long, peut-être qu'un time-out a trouvé que c'était un peu long. Pour parler en jargon.

Au passage, super intéressant tout ça. Je vais essayer de trouver un peu de temps ce week end pour apporter mon point de vue.
Et puis j'ai bien suivi des cours là dessus pendant un semestre en licence d'histoire...

Olivier,

Je plaisantais, je me doute que vous ne me censurez pas... encore ;).

T'as fait la colonisation en licence ? Moi, je me suis frappé les Mérovingiens à York avec Erasmus. Autres temps, autres moeurs...

On attends ton point de vue avec impatience.

L'affaire n'est pas finie, et fait encore les gros titre. Un exemple: http://fr.news.yahoo.com/04012006/290/c … ation.html

Ce qui me dérange le plus, c'est que tout ça semble être un débat de politiciens et non pas d'historiens ... mais pourquoi ne laisse-t-on pas les spécialistes faire leur travail?

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