Taïwan déroule le tapis rouge aux talents étrangers

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Publié le 2022-11-16 à 06:00 par Asaël Häzaq
Vous êtes en projet d'expatriation ? Et si vous misiez sur Taïwan ? L'île joue des coudes pour se démarquer de ses puissants concurrents, la Chine continentale et Hong Kong en tête. Quels atouts l'État met-il en place pour attirer les expatriés ? Comment réagissent ses concurrents ?

La stratégie de Taïwan pour attirer les expatriés

Taïwan déroule le tapis rouge aux étrangers qualifiés. Le gouvernement a annoncé un vaste plan de recrutement de 400 000 talents internationaux d'ici 2030. Pour les attirer, les autorités vont assouplir les règles d'obtention de la Taiwan Employment Gold Card, visa de 3 ans avec permis de travail, accessible aux travailleurs et aux indépendants étrangers. Cette année, Taïwan n'a délivré que 2200 visas de ce type. L'an dernier, il en avait délivré 3200. Le gouvernement prévoit d'étendre la durée des visas, d'accélérer le passage à la résidence permanente et d'encourager le nomadisme numérique.

Kung Ming-hsin, chef du Conseil national de développement de Taïwan, a détaillé le plan du gouvernement pour attirer les expatriés lors du forum sur la durabilité des talents, qui s'est tenu à Taipei. La stratégie de Taïwan repose sur 3 piliers :

  • Renforcer le recrutement des cadres internationaux.
  • Attirer et retenir davantage d'étudiants originaires de Chine, ou ayant des origines chinoises.
  • Retenir davantage de travailleurs migrants. Le gouvernement compte sur leur jeunesse et leurs qualifications (beaucoup sont de jeunes actifs ayant reçu une formation universitaire) pour booster son économie. Comme beaucoup d'autres États, Taïwan fait une distinction entre les « cols blancs » (les cadres internationaux) et « les travailleurs migrants ». Dans son plan, le gouvernement insiste clairement sur le besoin d'un nombre plus grand de « cols blancs ».

Mais comment attirer ces nouveaux travailleurs ? L'actualité internationale joue-t-elle pour ou contre Taïwan ? Comment attirer les étrangers ayant des origines chinoises ou ceux venant de Hong Kong ? Taïwan compte sur ses investissements pour favoriser l'innovation et les technologies de pointe. Lancé en 2016, son plan « 5 plus 2 » est un vaste programme d'innovation industrielle. Kung Ming-hsin revient sur ce plan, révélateur, selon lui, de la force de Taïwan pour moderniser son industrie et stimuler sa croissance. Le gouvernement mise sur le boom des nouvelles technologies pour créer de nouveaux métiers prompts à attirer les étrangers qualifiés.

Taïwan face à l'urgence démographique

Taïwan compte 23,8 millions d'habitants (fin 2020), avec 22,9 millions de citoyens taïwanais et 921 000 étrangers. Mais la population taïwanaise vieillit. En 2020, le nombre de Taïwanais en âge de travailler (15-64 ans) baisse pour la première fois (16,6 millions de personnes – sans compter les étrangers, soit 169 000 de moins qu'en 2010). Taïwan enregistre l'un des taux de fécondité les plus bas du monde. Le problème n'est pas nouveau. Déjà, en 2014, on alertait sur le vieillissement rapide de la population. En 10 ans, la population taïwanaise n'a augmenté que de 1,6 %. Celle des étrangers a grimpé de 63,8 % (chiffres du ministère des Affaires étrangères de Taïwan). Une crise démographique que le gouvernement entend contrer grâce aux travailleurs étrangers.

Talents internationaux : la riposte de Hong Kong

Taïwan n'est pas la seule à se tourner vers les étrangers qualifiés. Dans cette course à la recherche des talents internationaux, Hong Kong marque aussi des points. Dans un discours prononcé le 19 octobre, John Lee, chef du gouvernement de Hong Kong choisi par la Chine, donne le ton : « Nous devons être plus proactifs et agressifs dans la concurrence pour les entreprises et la concurrence pour les talents. En plus d'encourager et de retenir activement les talents locaux, le gouvernement va parcourir le monde de manière proactive pour trouver des talents. » À Hong Kong aussi, il y a urgence. L'État a perdu 140 000 travailleurs depuis la Covid. Outre le contexte sociopolitique, la gestion de crise sanitaire a fait fuir un bon nombre d'étrangers. La tâche est lourde pour le dirigeant Lee : refaire de Hong Kong une place forte des finances et de l'investissement. Concurrencé par Taïwan, Hong Kong est aussi malmené par Singapour et Dubaï. En septembre, Singapour a devancé Hong Kong dans le classement des places fortes financières.

John Lee annonce une série de mesures pour attirer et retenir les talents étrangers. Il promet un « nouveau programme » réservé aux « meilleurs talents » qui gagnent 2,5 millions de dollars hongkongais ou qui sont diplômés d'une grande université. Ce nouveau programme leur permettra de venir travailler et développer leurs activités à Hong Kong pendant 2 ans. Le chef de l'exécutif annonce également la création d'un « groupe de travail » visant à faciliter le recrutement des talents étrangers, et avance « des aides » pour ces nouveaux immigrants. Le nouveau visa présenté en août va aussi dans ce sens : les étrangers bénéficient d'abattements fiscaux, notamment d'un abattement fiscal en cas de premier achat immobilier (pour les résidents permanents). Cela suffira-t-il à attirer les talents internationaux ? Selon la chaîne américaine CNBC, l'exode des expatriés s'est accéléré en 2022. 93 000 habitants ont quitté Hong Kong en 2020. Ils sont 23 000 l'année suivante (malgré le confinement). Le média américain estime qu'ils seront plus nombreux cette année.

Bataille pour les talents étrangers : la réponse de la Chine

La rencontre du chancelier allemand Olaf Scholz avec le président chinois Xi Jinping (le 4 novembre dernier) donne le ton. Bien que critiqué dans l'Union européenne et dans son propre camp, qui craint une augmentation de sa dépendance à la Chine, Scholz affirme sa volonté de « développer davantage » son partenariat économique avec Pékin. Une aubaine pour la deuxième puissance mondiale, qui cherche à attirer plus d'étrangers qualifiés. Scholz n'est pas venu seul. Une délégation de chefs d'entreprises l'accompagnait. La Chine qui utilise d'ailleurs ces partenariats pour asseoir sa position à l'international. Pour attirer les étrangers, les autorités listent le nombre d'entreprises étrangères installées sur le territoire. L'un de ses meilleurs exemples est Décathlon, géant français de l'équipement sportif implanté en Chine continentale depuis 2003.

Si la politique zéro Covid est officiellement toujours de mise, les portes chinoises se rouvrent. Les étudiants sont de nouveau autorisés à intégrer les établissements chinois. Une ouverture au compte-goutte, pays par pays. La Chine veut redorer son image et compte sur sa puissance économique pour attirer les talents étrangers. L'entreprise sera peut-être plus difficile que prévu, tant la gestion de la crise sanitaire a marqué et marque encore les esprits. De nombreux expatriés ont quitté la Chine, lassés par une politique zéro Covid sans fin. Dans la course pour recruter les talents étrangers, Hong Kong et Taïwan constituent-ils une menace ? Les autorités chinoises semblent avoir une autre vision de la situation. Certain que le nombre de talents étrangers retrouvera et dépassera son niveau d'avant Covid, Pékin garde une stratégie unique : sa puissance économique.