Pays-Bas : hausse de l'immigration et du nombre d'étudiants internationaux

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Publié le 2022-10-10 à 10:00 par Ameerah Arjanee
La population des Pays-Bas a augmenté de plus de 250 000 personnes en 2021, et cette tendance pourrait s'accentuer en raison du nombre croissant d'immigrants non européens. Cependant, le gouvernement néerlandais cherche à freiner temporairement l'immigration, notamment parmi les demandeurs d'asile, car elle exerce une pression insoutenable sur ce petit pays qui dispose de logements limités.

L'immigration en provenance des pays hors UE est restée élevée malgré la pandémie

Malgré la fermeture des frontières et d'autres perturbations causées par Covid-19, le nombre d'immigrants provenant de l'extérieur de l'Espace économique européen (EEE) est resté élevé depuis 2019. Selon les chiffres publiés par le bureau des statistiques néerlandais, Statistics Netherlands (CBS), environ 270 000 immigrants se sont installés dans le pays en 2019, 220 000 en 2020 et 252 000 en 2021. La pandémie a fait baisser les chiffres de l'immigration de moins de 100 000 et, quoi qu'il en soit, ces chiffres remontent rapidement aux niveaux d'avant la pandémie.

Un grand nombre de ces nouveaux arrivants sont des migrants hautement qualifiés originaires d'Inde, de Chine, de Turquie et des États-Unis. Au sein de l'UE, beaucoup viennent de Pologne. Ils sont appelés « migrants hautement qualifiés », ce qui signifie qu'ils ont obtenu un visa de travail sur la base de leurs connaissances spécialisées qui peuvent contribuer à l'économie néerlandaise. Par exemple, la majorité des nouveaux migrants originaires d'Inde sont des professionnels des technologies de l'information. Compte tenu de leur parcours professionnel, ils ont tendance à gagner beaucoup lorsqu'ils s'installent aux Pays-Bas. Entre 2013 et 2017, le revenu médian néerlandais était de 34 000 euros, tandis que celui des migrants du savoir indiens était de 40 300 euros.

La catégorie de «  migrants hautement qualifiés » est soumise à certaines conditions. Tout d'abord, ces migrants doivent être parrainés par un employeur néerlandais reconnu par le Service d'immigration et de naturalisation (IND). Ils doivent percevoir un salaire conforme au marché dont le montant exact change chaque année. Pour 2022, il est de 4 840 euros par mois pour les plus de 30 ans et de 3 549 euros pour les moins de 30 ans. La majorité des migrants du savoir sont assez jeunes et, selon le quotidien néerlandais Trouw, environ trois quarts sont des hommes. Cela peut s'expliquer par le fait que le secteur des STIM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques), dont relèvent de nombreuses compétences recherchées, est dominé par les hommes.

Un nombre croissant de ces immigrants hautement qualifiés ont également demandé la citoyenneté néerlandaise. En 2020, l'IND a reçu 43 660 demandes de citoyenneté, et ce nombre a fortement augmenté pour atteindre 59 680 en 2021. Beaucoup sont des immigrants issus de l'Inde ainsi que de la Syrie et d'Érythrée (à savoir que de nombreux Syriens aux Pays-Bas sont des réfugiés et non des migrants économiques). Le nombre de demandes de visas de regroupement familial a augmenté en même temps que celles de visas hautement qualifiés et de citoyenneté. Selon les statistiques du CBS, le regroupement familial est la deuxième catégorie de visa la plus demandée par les Indiens aux Pays-Bas.

La difficulté des universités néerlandaises à faire face à l'afflux d'étudiants étrangers

Les demandes de visas de travail ne sont pas les seules à connaître une hausse dans le pays : les demandes de visas d'étudiant ont également augmenté. Nuffic, un organisme néerlandais à but non lucratif pour la coopération internationale dans le domaine de l'éducation, indique que les inscriptions internationales pour l'année universitaire 2021-2022 ont augmenté de 12 %, atteignant le chiffre record de 115 0678 nouveaux étudiants étrangers. La croissance du nombre d'inscriptions internationales de troisième cycle a été plus forte que celle des diplômés de premier cycle.

La grande majorité, soit 72 %, de ces étudiants proviennent de l'Union européenne (UE) et de l'Espace économique européen (EEE), notamment d'Allemagne, d'Italie, de Roumanie, de Belgique, d'Espagne et de France. Le nombre d'inscriptions d'étudiants britanniques a chuté drastiquement après le Brexit, probablement parce que les étudiants britanniques ne peuvent plus bénéficier des rabais sur les frais de scolarité auxquels les citoyens des pays de l'UE sont éligibles. Cependant, les inscriptions d'étudiants chinois, indiens et américains ont également augmenté de manière substantielle. Par exemple, il y avait plus de nouveaux étudiants en provenance de Chine (5 300) que de France (4 294) ou d'Espagne (4 687) en 2021.

Début 2022, l'Association des universités néerlandaises (VSNU) a tiré la sonnette d'alarme sur le nombre excessif de nouveaux étudiants étrangers. Selon la VSNU, un nombre excessif d'étudiants étrangers risque d'exacerber les problèmes de financement, d'entraîner une surcharge sur le personnel académique et administratif et de réduire la qualité de l'enseignement. Le président de l'association a ainsi réclamé au gouvernement néerlandais de plafonner le nombre de places et de visas d'étudiant accordés aux étudiants internationaux, en particulier pour les programmes enseignés en anglais et pour les candidats hors de l'Espace économique européen.

Le ministre néerlandais de l'Éducation, Robert Dijkgraaf, a quant à lui indiqué qu'il est conscient des préoccupations des universités, mais qu'il n'a pas encore pris de mesures concrètes. Il souligne qu'il est irréaliste de prendre des mesures avant 2023-2024. Entre-temps, l'université d'Amsterdam (UvA) a déjà agi de manière indépendante en plafonnant le nombre d'étudiants étrangers pour deux programmes - psychologie et sciences politiques.

De nombreux étudiants étrangers choisissent de vivre et de travailler aux Pays-Bas après avoir obtenu leur diplôme. Dans une enquête réalisée par Nuffic fin 2021, près de 60 % des personnes interrogées ont déclaré qu'il y a de fortes chances qu'elles restent pour chercher un emploi dans le pays après avoir obtenu leur diplôme. Ce chiffre était plus élevé pour les étudiants hors EEE que pour les étudiants européens. Les statistiques néerlandaises montrent qu'en moyenne, la moitié des étudiants internationaux sont encore dans le pays un an après l'obtention de leur diplôme, et qu'un quart d'entre eux y sont encore cinq ans plus tard. Cette catégorie d'étudiants fait partie des immigrants hautement qualifiés au sein de l'économie néerlandaise.

Pénurie de logements pour les réfugiés et les étudiants aux Pays-Bas

Même s'ils possèdent une économie avancée et de nombreuses universités, les Pays-Bas restent un très petit pays. Il ne fait qu'environ 42 000 km², soit environ treize fois moins que la France. Il est donc très difficile pour le pays de répondre à la demande grandissante de logement face à une population croissante.

Il est surprenant que les Pays-Bas soient confrontés à la menace de la surpopulation alors que sa croissance démographique naturelle est négative. Une croissance démographique négative signifie qu'il y a plus de décès par an que de naissances : au premier trimestre 2022, 43 100 personnes sont décédées, alors qu'il n'y a eu que 40 300 naissances. Cependant, l'afflux constant d'immigrants maintient la population à un niveau élevé. Poussée par l'immigration, la population nette du pays a augmenté d'un million de personnes au cours de la dernière décennie.

Cet afflux migratoire comprend les migrants économiques hautement qualifiés mentionnés précédemment, mais il comprend aussi de nombreux réfugiés. En effet, il y a actuellement près de 80 000 réfugiés ukrainiens aux Pays-Bas, tous étant arrivés en 2022. Ils sont également nombreux à venir d'Afghanistan, surtout depuis que les talibans ont repris le contrôle du pays, et de Syrie. Les données d'Eurostat montrent qu'il y a un arriéré de 30 000 demandes d'asile dans les bureaux d'immigration néerlandais.

Les autorités néerlandaises ont ainsi du mal à fournir des logements adéquats à tous ces réfugiés. Le ministère de la Justice et de la Sécurité révèle que près de 60 000 réfugiés (provenant de différents pays) vivent toujours dans des abris ou des camps, même si beaucoup d'entre eux auraient déjà dû légalement bénéficier d'un logement correct. Certains bateaux de croisière, hôtels et églises ont même été transformés en abris. Qui plus est, des organisations de défense des droits de l'homme dénoncent le fait que de nombreux camps de réfugiés sont devenus surpeuplés et insalubres. De nombreux mineurs non accompagnés y sont restés bloqués et, en septembre, un bébé est décédé dans des circonstances troublantes au centre de réfugiés de Ter Apel.

Le gouvernement néerlandais soutient qu'il « s'efforce actuellement de trouver 20 000 places d'hébergement supplémentaires pour les demandeurs d'asile disposant d'un permis de séjour ». Mais en même temps, il tente de réduire le nombre d'arrivées de réfugiés dans le pays. En effet, les autorités néerlandaises ont annoncé que le regroupement familial serait suspendu pour les réfugiés disposant d'un permis de séjour jusqu'à ce qu'ils aient trouvé un logement approprié. Si au bout de 15 mois, ils n'ont toujours pas d'endroit où loger, leurs familles à l'étranger pourront alors se voir accorder un visa indépendamment du logement. Or, la suspension du regroupement familial risque d'enfreindre les règles de l'Union européenne en matière de droits de l'homme.

Le logement étudiant est également confronté à une pénurie. Le gouvernement a annoncé un plan d'action national pour le logement étudiant (National Student Housing Action Plan 2022-2030) visant à construire 60 000 logements abordables pour les étudiants d'ici la fin de la décennie. Ces logements seront construits en collaboration avec les universités, les associations de logement existantes et des investisseurs privés. Ce plan comprendra 37 500 logements flexibles - des maisons qui peuvent être personnalisées pour différentes fonctions - construits dans la première phase entre 2022 et 2024.

Même si le gouvernement néerlandais n'a pas encore tenté de limiter les inscriptions d'étudiants internationaux et les migrations fondées sur la connaissance et les compétences, il pourrait bientôt relever les critères d'admissibilité pour ces dernières. Le ministre du Logement et de l'Aménagement du territoire, Hugo de Jonge, a déclaré qu'il y a des risques qu'une forte immigration « perturbe la société ». Selon lui, il faudrait « examiner attentivement les secteurs dans lesquels le pays subit une pénurie de main-d'œuvre et ceux dans lesquels il faudra être plus sélectifs ».