Comment la crise a-t-elle affecté les contrats d'expats ?

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Publié le 2022-06-22 à 07:00 par Asaël Häzaq
Crises économiques à répétition – dont la pandémie qui a plongé le monde dans l'une des pires récessions de son histoire – bouleversements de l'organisation du travail, montée en puissance du télétravail et du nomadisme numérique… Les plus provocateurs s'interrogent : a-t-on encore besoin des expats ? 

Si oui, l'on ne parle plus de ceux qui ont fait les belles heures des années 90. Les expats packages avantageux appartiennent au passé. Seule une poignée de personnes arrive encore à tirer son épingle du jeu.

Les expats packages à l'épreuve de la crise

L'on parle ici d'expatriation au sens strict (sens juridique). Les expatriés sont ceux qui partent dans un pays étranger dans le cadre d'un contrat d'expatriation. La durée de ce contrat a tendance à se réduire avec les années. Les contrats de quatre à cinq-six ans ont laissé la place à des contrats d'un, deux ou trois ans. Les expats packages sont des avantages financiers et matériels négociés lors du contrat d'expatriation. Ils sont censés compenser les pertes dues à l'expatriation. Ils peuvent aussi améliorer le quotidien de l'expatrié : bonus financier, aide au logement, au déménagement et à l'installation, voiture, aide financière pour le conjoint, garde d'enfants, allocation santé etc.

Mais ces packages sont en voie de disparition. Ils appartiennent à une certaine image de l'expatrié, elle aussi, obsolète. Les années 90 ont fait la part belle aux « golden expats », ces expatriés envoyés travailler dans de grands groupes, et qui jouissaient de nombreux avantages (les golden packages). Dans les années 90, l'économie américaine connaît une expansion « exceptionnelle », même si inférieure aux précédents cycles de croissance (années 80 et 60). Une bonne santé économique favorable à la mobilité internationale, et aux expatriés. L'Asie, elle, entre dans une période délicate. La bulle financière éclate, emportant avec elle les projets d'expansion des entreprises. Il faut réduire les trains de vie, et les premiers postes de dépense supprimés sont ceux consacrés à l'expatriation. Les expats packages se réduisent. L'on préfère garder ses forces vives plutôt que de les envoyer à l'étranger. Car l'expatriation coûte cher. Elle permet, certes, à l'entreprise de se développer à l'international, mais représente un coût financier difficile à supporter en temps de crise. Les crises des années 2000, 2010, jusqu'à la récente pandémie n'ont fait que précipiter un peu plus les expats packages vers la sortie.

Expats packages : les gagnants et les perdants

Si les expats packages ne sont plus à l'ordre du jour pour la majorité des expatriés, certains arrivent encore à tirer leur épingle du jeu. Pour les directeurs et autres hautes fonctions, les expats packages, voire, les golden packages, restent ce qui fait la différence. Les grandes firmes internationales continuent donc de miser sur ces avantages financiers et matériels pour attirer les meilleurs profils. Et dans cette course aux meilleurs talents, certaines peuvent compter sur le soutien de l'État. Les Émirats arabes unis (EAU) se targuent d'être le pays roi pour les expatriés (et les expatriés fortunés). Nombreuses sont les entreprises qui proposent, en plus d'un salaire attractif, la prise en charge des frais de santé, de transport, le logement, une voiture de fonction, une garde d'enfant, voire, la prise en charge de la scolarité des enfants, les forfaits Internet, téléphonie… Attention, l'on parle bien ici des « hauts postes » : directeur, directeur financier, DRH, médecin (chirurgien, professeur…), investisseur, créateur d'entreprise…

Si les salaires de base peuvent être encore inférieurs à ceux des autres puissances mondiales, l'expat package vient gommer ces différences. Par exemple, un directeur IT gagne en moyenne 360 000 dirhams des Émirats par an (98 000 dollars). C'est bien moins qu'aux États-Unis (environ 166 000 dollars annuels). Mais le salaire des directeurs IT a augmenté de près de 18 % en 5 ans aux Émirats. Les expats packages font gonfler un peu plus ces salaires. Pour les grands groupes, la bataille reste celle de l'argent. Voilà pourquoi les directeurs et autres hautes fonctions sont en position de force pour négocier leur expat package. A contrario, tous les autres profils (la majorité des expatriés) n'ont qu'une marge de manœuvre à minima. Pour eux, les éventuels avantages ne sont là que pour compenser des pertes (de salaire par exemple, pour celui qui part et/ou pour le conjoint qui suit). Souvent, il n'y a pas d'avantage du tout. Celui qui part aura le même salaire que ce qu'il gagnait dans son pays de départ. S'il part avec sa famille, elle ne bénéficie d'aucune aide, ou très limitée (aide pour faire les papiers administratifs). C'est ce modèle qui constitue la plus grande part des expatriations.

Conseils pour négocier son contrat d'expatriation

Calculez tous vos revenus, toutes vos charges (dont les impôts), et votre reste à vivre. Vérifiez avec votre banque que vous pourrez toujours conserver vos revenus non salariés dans le pays étranger (les comptes sur livret). Prévoyez une enveloppe « imprévus ». L'idéal serait de pouvoir dégager un certain montant régulièrement. Au fond, vous raisonnez ici comme un créateur d'entreprise qui évaluerait son chiffre d'affaires et ses charges, pour établir son plan d'action et sa trésorerie.

Comparez votre salaire avec la moyenne pratiquée dans votre pays d'accueil. Dubaï, par exemple, est une ville moins chère que Londres, Tokyo ou Paris. Si les logements sont aussi onéreux que les autres grandes villes, la fiscalité y est très avantageuse. C'est un atout pour les hauts revenus. A contrario, New York est une ville chère pour les hauts revenus. Le coût de la vie y est élevé. La fiscalité est lourde.

Renseignez-vous sur les types de contrats. Les entreprises privilégient les contrats locaux. C'est encore plus vrai depuis la Covid. Le contrat local est plus avantageux pour l'entreprise, qui n'a pas à financer un expat package. Selon la législation, le coût et les conditions de vie du pays d'accueil, le contrat local peut être une ou mauvaise option pour l'expatrié. Il existe d'autres contrats : le détachement, et le contrat d'expatriation, qui n'est pas toujours négociable. Les grands groupes, rompus à l'exercice, proposent des contrats types. Vous aurez plus de marge de manœuvre dans une start-up ou une PME (petites et moyennes entreprises).

Prenez le temps de lire votre contrat. Posez toutes vos questions, discutez avec l'employeur. Le poste est-il le même que celui que vous exercez ? Quelles seront vos missions précises ? Aurez-vous une formation interculturelle ?

Négociez. Montrez à votre employeur que vous avez étudié la question. Parlez de tous les avantages que vous lui apporterez. Ne vous laissez pas intimider et mettez-vous en valeur. Si vous avez été retenu, c'est que votre profil intéresse. Parlez de votre famille : ils seront impactés par l'expatriation, et auront besoin d'aides (à la reconversion pour le conjoint suiveur, par exemple). Là encore, présentez cela comme un avantage pour l'entreprise. Votre famille doit être à l'abri pour que vous puissiez être productif. Parlez salaire, fiscalité, conditions de travail, organisation du travail... En fonction de votre situation, c'est ici que vous pourrez négocier l'expat package.

N'oubliez pas le retour ! Prévoyez une clause dans le contrat d'expatriation qui vous assure de conserver votre poste à votre retour. Anticipez aussi une éventuelle rupture de contrat dans le pays d'accueil, et demandez à ce qu'elle n'ait aucune incidence sur votre poste dans votre pays d'origine.

Ne faites rien dans l'urgence. Mieux vaut parfois être trop prudent que trop pressé.