Expatriés au Japon au cœur des séismes : ils se confient

Vie pratique
  • seisme au Japon en 2019
    Moses.Cao / Shutterstock.com
Publié le 2022-04-20 à 07:00 par Sophie Hoy
Le 16 mars dernier, à 23h36, heure locale, des secousses d'une magnitude de 7,4 sur l'échelle de Richter ont été enregistrées au Japon. L'épicentre se trouvait à 60km de profondeur, sous l'océan Pacifique, au large de la province de Fukushima. Une alerte au tsunami a immédiatement été déclenchée, rappelant le souvenir douloureux des événements de 2011 qui avaient fait 18 500 morts. 

Le Japon est un archipel qui se situe sur la « ceinture de feu ». Il s'agissait donc d'un séisme parmi beaucoup d'autres. Nous allons voir comment ces catastrophes naturelles récurrentes sont vécues sur place.

Retour sur une nuit agitée

Cédric habite au Japon depuis de nombreuses années. Il connaît bien les secousses. « Elles y sont fréquentes : on en compte des milliers d'intensité variable (de 4 à 7,3 sur l'échelle de Richter) chaque année dans tout l'archipel. » Cela ne l'inquiète pas parce que les bâtiments sont conçus pour résister à de forts séismes et la population y est habituée. Le Japon subit en moyenne 20% des séismes annuels les plus forts, enregistrés dans le monde. Les habitants savent donc comment se comporter sans paniquer.

Récit d'un expat qui vit à Chiba, tout près de Tokyo :

« Je suis rentré tard ce soir-là et venais de préparer à manger pour les enfants. Peu après 23h30, je ressens une première petite secousse, puis une plus longue. En principe, les secousses les plus longues peuvent durer jusqu'à 30-40 secondes, mais rarement au-delà. C'est classique au Japon, et on a fait comme d'habitude : on s'est réfugiés sous la table, sans aucune autre mesure. Mais la secousse ne s'est pas arrêtée comme d'habitude. On a commencé à trouver cela anormal. Au bout d'une minute, il y a eu une coupure de l'électricité et cela n'a pas été rétabli n'est pas revenue tout de suite, ce qui est également inhabituel ». Au final, la secousse aura duré environ 2 minutes. Une fois que les tremblements ont cessé, ils ont pu manger, mais il n'y avait toujours pas d'électricité. 

Si cet expatrié s'est réfugié sous la table, c'est que tout est fait au Japon pour avoir les bons réflexes. Les enfants sont entraînés une fois par mois à l'école aux gestes en cas de séisme.

Côté infrastructure, tout est fait là encore, pour qu'il y ait le moins de dégâts matériels. Aussi, les objets sont accrochés au mur autant que possible. On notera même la fixation au sol des appareils électroménagers dans les magasins.

Une alerte tsunami qui fait remonter des souvenirs dans un pays qui y est préparé

Le séisme de mars dernier a provoqué une alerte au tsunami. Les expatriés sur place avouent que l'inquiétude a quand même gagné les populations, qui ne pouvaient s'empêcher de se rappeler les événements tragiques de 2011 à Fukushima. Néanmoins, tous étaient préparés, encore une fois, de par les règles mises en place et entraînements fréquents de tout un chacun.

L'épicentre étant au large et en profondeur, les dégâts n'étaient pas aussi importants qu'on aurait pu le déplorer, avec une magnitude de 7.4 qui a pourtant été enregistrée. On a dénombré 4 morts et des centaines de blessés, sans compter les milliers de foyers qui ont été privés d'électricité.

Dany vit dans la région de Tokyo depuis 8 ans. Selon lui, c'est l'un des deux plus forts séismes qu'il ait ressentis. « Les murs étaient secoués mais aucun objet ne s'est renversé ». Il rappelle que l'épicentre était très loin : à près de 200 km de Tokyo. Il n'a pas été inquiété plus que cela.

Finalement, ce séisme n'aura pas eu de répercussions en termes de tsunami et les dégâts matériels ont été limités. L'alerte tsunami émise a été levée dès le lendemain matin.

Néanmoins, il est bon de rappeler l'historique de la transformation des mentalités grâce au retour d'expérience. Après le séisme de Kobe, en 1995 qui avait fait 6400 morts et 100 milliards de dollars de dégâts, le Japon a totalement repensé sa stratégie en matière de sismicité. Pour ne plus revivre de telles situations lors de prochains séismes, le pays a investi et revu ses normes de construction, se concentrant sur de nouvelles techniques d'ingénierie et optant pour la pointe en termes d'absorption des secousses.

Pour limiter les mouvements, les fondations ont été prémunies d'amortisseurs, de ressorts, de vérins et autres boudins de caoutchouc et joints sismiques. Aujourd'hui, les bâtiments sont efficacement mouvants, selon la force provoquée par des magnitudes parfois très fortes, et on observe beaucoup moins de fissures ou effondrements lors des plus violents séismes. Le choix des matériaux et la forme du bâtiment font également partie de l'étude globale réalisée pour chaque nouveau projet.

Cédric étant agent de voyages, il a évoqué les monuments de plus de 1500 ans qui sont toujours debout malgré des séismes et secousses à répétition dans tout le pays. Tous ces bâtiments ont été conçus il y a plus d'un millier d'années en tenant compte des séismes récurrents, puisque ceux qui les ont bâtis ont su les construire de manière à ce qu'ils résistent non seulement au temps, mais aussi aux magnitudes impressionnantes que subit le pays continuellement.

Des précurseurs en normes antisismiques, en plus d'avoir construit des joyaux architecturaux, en somme…

Des médias locaux qui parlent peu des séismes

Les médias locaux ne parlent que très peu des événements mineurs comme celui du mois de mars. Cédric rappelle que la localisation de l'épicentre fait une énorme différence. Ce qui s'est passé le 16 mars 2022 n'a pas eu le même impact qu'à Kobe, à force équivalente, parce que l'épicentre avait été sous la ville. C'est pourquoi le mois dernier, l'événement n'a fait la une des médias que durant 2-3 jours, puis plus rien. « 4 morts sur 42 millions d'habitants, cela n'est pas considéré comme une catastrophe majeure, même si nous sommes désolés de ces pertes et des dégâts qu'il y a eus. »

Les seules informations qui ont perduré plus longtemps étaient les recommandations qui passaient dans les médias car après tout séisme, il est souvent recommandé de faire des économies d'énergie. Dans le cas présent, il y a eu une vague de froid sur Tokyo quelques jours après et la demande a donc été formulée en ce sens par les autorités. La première télévision japonaise NHK a d'ailleurs montré l'exemple en abaissant sa luminosité et en coupant ses illuminations extérieures.

Ce type de comportement responsable et exemplaire, que ce soit de la population ou d'institutions gouvernementales et autres, montre encore une fois que le retour d'expérience est un facteur clé dans le développement du pays. C'est d'ailleurs de ce fait, que la vie au Japon, pays aux mille et un séismes annuels, est aussi un pays où il fait bon vivre, sans avoir à penser aux prochaines secousses qui attendent de se faire ressentir.