Interview : Entrepreneur en projet d’expatriation bloqué en France

Vie pratique
Publié le 2020-09-23 à 14:51 par Anne-Lise Mty
L'entrepreneur français Fabrice Le Dantec-Gaussen et sa famille avaient tout prévu. Leur vol pour l'île Maurice, où ils devaient commencer leur nouvelle vie, était réservé pour le 21 mars, mais les frontières se sont fermées le 19. L'expert en gestion de patrimoine pour expatriés nous donne un aperçu de son quotidien, alors qu'il est encore en attente de pouvoir rejoindre son pays d'accueil.

Parlez-nous un peu de vous.

Fabrice Le Dantec-Gaussen, marié avec Kristina, deux enfants, nous sommes de nationalité française (entre Provence et Bretagne), expatriés depuis plus de quinze ans.

Mon histoire est celle de ma rencontre avec Kristina : après une première tranche de vie en France dans le sud-est, j'épouse la femme de ma vie qui elle, a déjà parcouru le monde. Nous décidons d'aller vivre à l'étranger ensemble.

Avec un DESS CAAE en poche (Certificat à l'Aptitude d'Administration des Entreprises de l'IAE d'Aix en Provence), nous partons en Asie du Sud-Est. Deux années aux Philippines où notre fille Ilawan née. Puis notre fils Sweban l'année suivante né en Bretagne, unique année passée en France. Nos enfants ne connaissent pratiquement que la vie sur le continent africain : sept ans à Madagascar, puis cinq ans au Botswana et enfin deux ans au Kenya. Années durant lesquelles j'acquière une solide expérience à l'international en tant que gestionnaire d'entreprises et de projets financiers dans les secteurs des télécoms, des infrastructures et des énergies renouvelables.

Depuis quand préparez-vous votre projet d'expatriation ?

C'est un projet mûrement réfléchi sur plusieurs années. Mais en fin d'année dernière les choses se précisent, j'amorce un nouveau virage professionnel que nous décidons de mettre en place en ce début d'année 2020.

Pourquoi souhaitez-vous vous rendre à l'étranger ? Et pourquoi à l'île Maurice plus particulièrement ?

L'ouverture d'esprit et la différence de culture nous enrichit avant tout. Nous choisissons l'Ile Maurice pour son cadre éducatif, son potentiel et sa qualité de vie. Nos enfants sont anglophones, et l'île va leur ouvrir la porte de nombreuses universités tant francophones, qu'anglophones et internationales.

Ma grande connaissance des problématiques des expatriés acquise au cours de mes années à l'étranger me permet aujourd'hui de m'installer à mon compte et d'apporter un conseil personnalisé et sur-mesure auprès de la communauté française comme conseiller en Gestion de Patrimoine.

L'île Maurice est une conjoncture personnelle, familiale et professionnelle.

A quel stade de votre préparation êtes-vous ?

Le jeudi 19 mars 2020 quand nous nous réveillons, nous apprenons la fermeture des frontières pour le lendemain. Nos billets d'avion sont pour le samedi 21 mars avec Air Mauritius. J'ai déjà obtenu mon permis de travail en février et commencé mon travail la quinzaine précédente. La maison est louée, le bail signé, les acomptes versés… L'école à Cascavelle commence le 23 mars !

Nous étions donc en phase terminale de cette expatriation. Mais l'année 2020 et la Covid-19 en ont décidé autrement.

Comment vous êtes-vous arrangé maintenant que votre projet est bloqué ?

Nous avons appris la mise sous tutelle d'Air Mauritius, puis la prolongation de la fermeture des frontières. Nous resterons confinés durant quatre mois au Kenya. La plupart de nos affaires, dont la voiture, étant vendus nous nous organisons en mode camping, les enfants suivent les cours sur zoom. Nous apprenons à vivre dans l'incertitude, à découvrir ce nouveau virus à la radio.

Grâce à un vol de rapatriement de l'Union européenne en juillet, nous regagnons la métropole où nous logeons chez mes parents ou des amis.

Côté professionnel, les Webinars et le téléphone permettent de mettre en place quelques dossiers et contacts.

Pensez-vous revoir votre projet d'une façon ou d'une autre ?

Nous espérons voir la fin du tunnel bientôt et pouvoir rejoindre l'ile Maurice où d'autres challenges nous attendent. A la crise sanitaire s'ajoute une crise économique. Être à son compte dans cette période n'est pas simple, mais nous regardons beaucoup plus loin que cette année. La Covid a repoussé notre projet de plus de six mois, mais c'est un projet à long terme. Rejoindre l'Océan indien et l'île Maurice pour s'y installer plusieurs années reste notre desiderata.

Pouvoir conseiller les expatriés français de l'île Maurice sur leur gestion privée reste ma ligne de mire, être à proximité est nécessaire.

Je remercie nos amis, notre famille de leur soutien, également l'école qui a su montrer un grand professionnalisme et de la flexibilité dans nos situations changeantes.

Comment vivez-vous cette situation ? Et votre famille ?

C'est une période délicate et formatrice qui nous apprend à relativiser et vivre ensemble et vivre le présent. Nous avons profité du confinement pour jouer au badminton à quatre, pour regarder des films en famille. Cette période nous unit.

Nous sommes dans l'attente de nouveaux jours et de nouveaux horizons. Pour le moment vivre en métropole en plein été est vraiment satisfaisant après un difficile confinement au Kenya. Tout cela confirme notre intérêt pour ce projet vers l'île Maurice, souhaitant que l'avenir aussi confirme cela.

Vous êtes entrepreneur. Comment cette crise de la COVID-19 vous affecte particulièrement ?

Les conséquences de la COVID sont directes et m'affectent particulièrement à plusieurs titres. Tout d'abord la restriction des déplacements et la difficulté de rencontrer des clients de visu, de faire de la prospection « face to face ». Ainsi, en parallèle, l'utilisation des outils du web et des réseaux sociaux deviennent nécessaires, mais dans ce métier de Gestionnaire Patrimonial le contact direct est impératif afin de se connaître et se comprendre pour donner les conseils appropriés à la situation présente ; la distanciation sociale ne facilite pas cela.

Ensuite la baisse d'activité a été immédiate, la confiance dans le système financier ébranlé, la volatilité des marchés n'aide pas à la reprise des investissements, et l'onde de choc de la COVID reste à mesurer. Il y a eu aussi un impact immédiat sur les investissements immobiliers et financiers. La volatilité des bourses complexifie les analyses et les préconisations. Maintenant que la crise sanitaire est décorrélée des crises politiques et économiques, c'est plus simple mais durant les mois de mars et avril cela nous a directement affecté et il fallait répondre aux inquiétudes des clients.

Néanmoins, l'effet COVID a aussi créé une bulle d'épargnants et de précautions. Dans mon secteur, nous traversons la crise sereinement car nos produits sont gage de qualité et prévoyance. Les SCPI, notamment, gardent de bons rendements et elles ont traversé cette crise en sachant communiquer de façon claire sur l'impact dans le recouvrement et rassurer les associés en versant leurs loyers. Les ruptures de baux sont faibles et les objectifs seront généralement tenus pour 2020.

Finalement, l'aspect fiscal sur mon activité est directe ; personnellement, pour la déclaration d'activité alors qu'il n'y en a pas forcément, et pour nos clients dans des situations délicates dues au confinement, cela est à regarder de près pour en tirer le meilleur profit à leur avantage, utiliser les nouvelles règles fiscales formulées pendant la crise, comme les avantages accordés actuellement en termes de succession et de transmission du Patrimoine à vos enfants.

La crise impacte absolument tout le monde, nul n'est épargné et cela a renforcé notre stratégie de conseil qui reste la prévoyance et la diversification.

Avez-vous dû repenser votre projet de vous mettre à votre compte d'une façon ou d'une autre ?

Le projet était lancé et en place. Ce qui a changé ce sont les méthodes d'approche et de conseil, le périmètre géographique de mes démarches. Bien sûr, le business plan a été revu et l'impact COVID décale l'ensemble de cette mise en route de plus de 6 mois. De plus, les démarches administratives et financières se complexifient, par exemple, pour un financement l'approche des banques est plus prudente et rigoureuse vis-à-vis des expatriés. Mais rassurez-vous, nous y arrivons toujours et les transactions immobilières, quoique ralenties ou décalées, perdurent. Pour le moment nous observons une baisse des taux, même si nous pensons qu'ils remonteront à plus long terme. Durant toute cette période, j'ai dû m'adapter, persévérer et garder le cap sur mes objectifs premiers, cette crise demande donc plus d'effort et de travail, de la souplesse et l'apprentissage des outils du monde actuel. Mais elle n'a pas ébranlé ni mon projet ni mes envies d'expatriation et de découverte !

Comment s'adapter à l'ère post-COVID-19 lorsque l'on est entrepreneur ?

Au-delà des gestes barrières que nous respectons toujours, en tant qu'entrepreneur nous sommes toujours dans l'incertitude et nous apprenons à avancer dans le flou. La Covid accentue cette tendance ! Cela nous permet de développer notre esprit d'initiative et d'innovation de mettre en place des plans B. Il faut démontrer sa capacité à s'informer, suivre les nouvelles lois, être flexible, moderne… L'aspect Webinar et les liens avec les différents réseaux sociaux du web ou associatifs (type chambre de commerce, associations des Français expatriés, etc.)  nous permettent de continuer de travailler.

D'ailleurs, pour l'île Maurice j'envisage de partager nos services et expertises auprès de la communauté d'Expat.com et nous vous présenterons très prochainement nos solutions d'investissement et de protections via un webinaire exclusif où toute la communauté d'expatriés pourra poser les questions qui les concernent et trouver des réponses appropriées à leurs souhaits adaptés pour traverser cette crise. Que se soit pour une rapatriation vers la métropole ou une expatriation dans l'Océan indien.

Quels conseils donneriez-vous aux expats et futurs expats par les temps qui courent ?

La première est d'avoir une bonne assurance et couverture santé. La prévoyance se prépare au moment du départ et le plus tôt possible dans sa vie d'expatrié. Au-delà de la santé, il faut avoir des revenus complémentaires et stables, comme je l'ai dit, il existe des solutions qui ont fait leurs preuves et traversé la crise. Je pense que c'est difficile pour certain expats qui perdent leurs emplois ou décident de rentrer en métropole, mais je pense surtout que la crise apporte son lot d'opportunités et de nouvelles destinations attrayantes. L'île Maurice est COVID-FREE, elle apporte un cadre de vie confortable si vous pouvez vous assurer des revenus complémentaires indépendamment des difficultés dans le tourisme ou l'immobilier. Pour terminer, je dirai qu'il ne faut pas hésiter à prendre conseil autour de vous.