Conjoints accompagnateurs: Katharina s'en va en guerre contre les stéréotypes !

Vie pratique
Publié le 2019-06-04 à 10:50 par Anne-Lise Mty
Elle a dû se réinventer professionnellement après avoir décidé de suivre son mari aux Etats-Unis. Katharina von Knobloch, autrefois consultante en marketing en ligne, a maintenant une nouvelle mission: aider d'autres partenaires d'expatriés à se trouver et à lancer leur carrière à l'étranger.

Vous avez, vous-même, suivi votre époux à l'étranger. Que faisiez-vous avant ça ?

J'étais consultante en marketing et affaires en ligne, j'aidais les entreprises dans le e-commerce à s'adapter au rythme rapide de la numérisation. Déménager à l'étranger pour le travail de mon mari m'a obligé à sortir de ma zone de confort et à me propulser dans la création de ma propre entreprise. J'ai fondé mon entreprise sur ma propre expérience de réinvention à l'étranger, notamment sur la réalisation assez tôt pendant mon parcours à l'étranger que les femmes calées ont du mal à trouver un emploi à l'étranger.

Pourquoi est-il si important pour vous que le discours autour des "partenaires d'expatriés" ne change ?

Les conjoints d'expatriés parfaitement formés ont du mal à trouver un emploi à l'étranger, confrontés aux stéréotypes de nombreuses entreprises. On suppose souvent que les partenaires expatriés sont des femmes gâtées et sans ambition qui ont choisi leur famille plutôt que l'épanouissement professionnel et n'ont plus envie d'une carrière. Il y a un travail à faire pour accommoder les conjoints accompagnateurs dans la population active.

On se fait beaucoup de fausses idées sur la vie des conjoints accompagnateurs. Nous avons tendance à faire un jugement rapide sur le mode de vie d'autrui, mais ce n'est que lorsque nous nous mettons à la place d'un partenaire d'expatrié que nous commençons à nous rendre compte du fardeau, des privilèges et de la complexité réels de ce mode de vie.

Pourquoi pensez-vous qu'il est difficile pour les personnes qui ont suivi leurs partenaires à l'étranger de reconstruire leur carrière ?

Les obstacles du marché du travail international sont multiples. Que ce soit les permis de travail inadéquats aux des barrières de langue, en passant par l'absence de reconnaissance de la certification ou simplement par l'absence de réseau professionnel solide. Les entreprises se basent souvent sur les références internes pour trouver leurs employés de nos jours. Perdus dans une pile d'applications, le partenaire d'expatrié peine à se démarquer mais surtout, peut être évalué négativement de par sa situation de conjoint accompagnateur.

Si vous êtes en concurrence avec des locaux, il est difficile de convaincre sans vendre votre expérience international comme un atout supplémentaire pour l'entreprise, cela veut dire dévoiler votre décision d'abandonner votre carrière et suivre votre partenaire à l'étranger. N'oubliez pas que les nouveaux partenaires d'expatriés sont souvent en pleine transition, se créer leur chez-eux, se faire de nouveaux amis, se familiariser avec le nouvel environnement et ne savent souvent pas comment relancer leur carrière. En cette période de tourmente, il peut être difficile de savoir où on en est. Par conséquent, la première étape consiste toujours à déterminer ce que vous voulez vraiment avant d'entrer en contact avec votre futur employeur.

Quels sont les défis auxquels font face les individus qui suivent leurs partenaires à l'étranger ?

La plupart des partenaires d'expatriés sous-estiment l'impact profond d'un déménagement à tous les niveaux de leur vie. S'il est évident qu'il faut trouver de nouveaux amis et parler couramment une langue étrangère, il existe d'autres domaines de la vie qui changeront sans que l'on s'y attende. Certains se rendent compte que les relations changent lorsqu'un des partenaires est le seul à ramener de l'argent. D'autres se rendent compte qu'ils n'arriveront pas à demeurer dans un métier qu'ils ont toujours exercé et doivent se réinventer en changeant de carrière et en acquérant de nouvelles compétences. Certains partenaires expatriés utilisent le temps passé à l'étranger comme un congé sabbatique et réalisent au bout de seulement quelques mois que leur boulot leur manque tellement. L'isolement social et les rejets potentiels d'employeurs locaux peuvent mener une certaine perte de confiance en ses compétence. D'après mon expérience de coach, je peux dire que c'est une phase par laquelle passent la majorité des conjoints accompagnateurs. Cependant, avec le soutien adéquat, les partenaires expatriés sont en mesure de se créer une vie épanouie!

Comment pensez-vous que la narrative du “conjoint suiveur" impacte ces derniers? Pensez-vous qu'il existe une sorte de “prophétie auto-réalisatrice” ?

Les conjoints accompagnateurs ne sont pas entraînés dans cette aventure ! C'est une décision qui se prend à deux. Afin de se créer une vie épanouie à l'étranger, il est essentiel de ne pas se voir comme une victime! Si l'on se voit acteur au même titre que son conjoint dans ce scénario, il sera beaucoup plus facile de prendre sa vie en mail. Du moment où l'on prend au sérieux le mot "suiveur", l'on commence à ressentir une aversion pour son partenaire et à le blâmer.

Dans le monde du coaching, nous parlons d'avoir un état d'esprit de croissance plutôt qu'un état d'esprit déterminé pour relever le défi. Le mot "conjoint suiveur" donne un état d'esprit déterminé. Je préfère le terme ‘partenaire d'expatrié' pour souligner la décision et le potentiel mutuels quand l'on aborde une décision dans un état d'esprit de croissance.

Pourquoi concentrez-vous votre travail en particulier sur les femmes?

Premièrement, je suis moi-même une femme, donc j'arrive à me retrouver dans leur histoire. Mais la principale raison est que 80% des partenaires d'expatriés sont des femmes. C'est une vaste majorité et les chiffres ne semblent pas changer du tout.

Pourquoi pensez-vous qu'il est particulièrement difficile pour les femmes de pouvoir reconstruire leur carrière à l'étranger?

S'installer à l'étranger en tant que partenaire d'expatrié est similaire à celui d'une mère qui réintègre le marché du travail après avoir passé du temps à la maison à élever ses enfants. Dans les deux cas, les femmes se retrouve absente du marché du travail pendant un long moment et sont obligées d'innover pour pouvoir le réintégrer. La disparité des revenus au sein d'une relation constitue souvent un défi particulier. Alors que le mari a pu promouvoir sa carrière et gravir les échelons, les femmes reintègrent souvent le marché du travail à temps partiel et avec un revenu nettement inférieur. Il est donc encore plus important d'autonomiser les femmes et de leur donner la confiance nécessaire pour plaider en faveur de leur développement professionnel.

De quoi les conjoints accompagnateurs ont-ils besoin pour être en mesure de garder le moral et booster leur carrière?

Trois mots: patience, résilience et créativité. Je dis toujours à mes clients de reconnaître que le parcours du déménagement à l'étranger est complexe et de reconnaître son courage d'avoir accepté de vivre l'expérience. Se réinventer à l'étranger ne se fait pas du jour au lendemain, mais il faut de la patience pour traverser les différentes phases du choc culturel et trouver sa place. Cela forcera la résilience, et si l'on parvient à rester ouvert aux nouvelles expériences et à aborder chaque défi avec un esprit créatif, l'on finit par se surprendre soi-même.