Philippe Aldon : étudier à distance

Interviews d'expatriés
Publié le 2015-02-05 à 00:00 par Expat.com team
L'éducation des enfants dans le cadre d'une expatriation est l'une des principales sources de préoccupation des parents. Plusieurs choix sont disponibles : comment s'y retrouver ? Philippe Aldon, Directeur délégué aux Affaires Internationales et Européennes du CNED, nous livre son regard sur l'enseignement à distance...

Qu'est-ce que le CNED et à qui s'adresse-t-il ?

Le CNED est un établissement public administratif sous la tutelle du ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. C'est le 1er opérateur de la formation tout au long de la vie en Europe et dans le monde francophone, le 3ème opérateur de l'enseignement scolaire français à l'étranger. Il s'adresse à tous les publics, qu'ils résident en France ou à l'étranger, quelle que soit leur nationalité. Il leur offre la possibilité de suivre à distance et en ligne un enseignement scolaire ou supérieur français ainsi que des formations initiales ou professionnelles.

Combien d'expatriés français (ou francophones) ont actuellement recours à des formations à distance ? Quelle est la tendance actuelle (hausse de ce type de formation, stable ?)

La population d'expatriés dans le monde est estimée à 200 millions. 2 millions sont français soit 1% de ceux qui sont en mobilité internationale et 3% de la population française. Parmi eux beaucoup ont recours à des formations à distance. On constate en effet que la formation est une des caractéristiques marquantes de la grande majorité des expatriés. Le CNED accompagne plus de 25 000 inscrits par an dans leur projet de formation, de progression et de réussite.
La tendance pour ce type de formation accompagne celle de l'expatriation dans le monde. Elle est en hausse constante. L'apprenant est aujourd'hui mobile et connecté. L'enseignement se dématérialise et l'accompagne ; il devient partie intégrante de sa scolarisation ou de son projet formation.

Qu'est-ce qui pousse les expatriés à avoir recours à des formations à distance ?

L'expatriation, en mettant à distance l'école d'à côté, le collège du quartier, le lycée du centre-ville, voire l'université, pose la question de la continuité d'un processus de formation qu'il soit scolaire ou universitaire. Si aucun établissement scolaire à programme français n'existe à proximité de la nouvelle implantation familiale, alors l'enseignement à distance devient un recours.
Il arrive également qu'en ouvrant de nouvelles perspectives, en dégageant de nouvelles disponibilités d'esprit et de temps, l'expatriation rende possible de nouveaux projets, personnels ou professionnels invitant à la reprise ou au complément d'études diplômantes ou professionnalisantes. Là encore, la formation à distance devient un recours.

L'éducation est l'une des préoccupations majeures dans le cadre d'une expatriation en famille : quels sont les éléments à prendre en compte pour assurer une continuité dans l'éducation de ses enfants à l'étranger ?

Le premier élément est probablement de vérifier l'existence ou non d'un établissement scolaire à programme français homologué à proximité du lieu d'expatriation. La France dispose d'un réseau scolaire à l'étranger de près de 500 établissements répartis dans 135 pays du monde ce qui constitue un atout permettant de garantir une continuité de scolarisation pour les enfants.
Certains parents, par choix ou par nécessité, se saisissent de l'opportunité qu'offre une expatriation pour leur enfant : l'immersion dans la langue et la culture du pays d'accueil. Attachés à l'intérêt de préserver un lien avec une scolarisation française, ils inscrivent également leur(s) enfant(s) dans une scolarisation complète à distance avec le CNED. Se pose alors parfois la question de la gestion d'une double scolarisation.
Pour répondre à cette préoccupation, le CNED a mis en place en 2013 une offre de scolarité complémentaire à l'international permettant à des élèves scolarisés dans un établissement local (hors programme français homologués) de suivre, de la grande section de maternelle à la terminale, une scolarité hybride (en présence et à distance) dans trois disciplines fondamentales conservant ainsi un lien avec la langue, la culture et les contenus scolaires français.

En allant à l'étranger, plusieurs choix sont possibles en matière d'enseignement : écoles du pays d'accueil, écoles internationales, formation à distance : comment choisir ?

Effectivement, un départ à l'étranger ouvre un choix de scolarisation ou d'enseignement qui n'est pas toujours simple à faire. Il est lié aux intentions et aux circonstances du projet familial.
Au-delà du choix d'un établissement scolaire à programme français, il existe également dans le système public de certains pays une offre d'enseignement bilingue ; certains autres disposent d'une offre internationale généralement privée. L'école - en France ou à l'étranger - reste pour un enfant, une plateforme d'intégration, de socialisation, de construction qu'il convient de favoriser.
Si l'option est de ne pas suivre un programme français homologué, le CNED peut accompagner le projet familial. Il devient alors un projet d'enseignement hybride (mêlant le présentiel à la distance). Ce n'est en aucun cas une solution éducative palliative. Bien au contraire, c'est une option qui offre des dispositifs d'interactions et d'apprentissages innovants, des combinaisons de savoir-faire et de connaissances qui deviennent de plus en plus nécessaires et in-dispensables dans une société numérique.

Si l'on opte pour l'enseignement à distance, comment procéder pour bien choisir sa formation ?

Il faut choisir en fonction des contenus et des programmes mais aussi des services qui accompagnent maintenant n'importe quelle formation à distance. Il faut donc vérifier l'offre d'accès à des ressources en ligne, à des documents authentiques contextualisés multimédias ; à des activités collaboratives, évaluation entre pairs, mutualisation et conception de ressources et travaux, à un suivi personnalisé et des évaluations et certifications.
Il faut bien évidemment prendre en compte les possibilités d'utilisation et de connexion.

Quels sont les avantages d'un enseignement à distance ?

L'enseignement à distance, tel qu'il existait - cours papier ; exercices et devoirs écrits - est désormais obsolète. Internet et le numérique ont changé cela. Au concept d'enseignement à distance se substitue désormais celui d'apprendre en ligne. Les technologies abolissant distance et frontières, l'apprenant est mobile et connecté. Il apprend chez lui, dans les trans-ports, là où il se connecte à partir d'un support interactif qui le relie à une communauté virtuelle de ressources et d'apprenants avec laquelle il interagit. Le tutorat est synchrone ou asynchrone. L'apprentissage et le suivi sont personnalisés. Cette modalité d'apprentissage en ligne à distance n'est plus un palliatif à la classe en présentiel; elle devient un complément, une hybridation nécessaire. Tout enseignement en présence devra très vite intégrer une dimension numérique en ligne.

Quels sont au contraire les points négatifs de ce type de formation ? Quels sont les problèmes qui peuvent être rencontrés et comment y faire face ?

Les problèmes techniques sont à intégrer comme des contraintes inhérentes à la technologie ; la compatibilité transmédia par exemple lorsque l'on passe d'un ordinateur à une tablette ou un téléphone.

Vous avez-vous-même vécu à l'étranger : combien de temps avez-vous passé hors de vos frontières et dans combien de pays avez-vous vécu ?

La moitié de ma vie : 28 années passées hors de France à vivre et travailler dans six pays sur 3 continents différents, carrière entrecoupée de séjours en France, toujours à l'international.

Qu'est-ce qui vous a poussé à tenter l'aventure à l'étranger ?

C'est la curiosité de l'autre, l'intérêt pour la différence et la diversité. Le plaisir de l'aventure a fait le reste !

Au cours de vos différentes expériences à l'étranger, avez-vous eu recours à l'enseignement à distance ?

Oui, dans l'exercice de mes fonctions - j'ai travaillé en Alliance française et auprès de Services culturels d'ambassade et de consulat de France où j'ai eu à prescrire et instruire des dossiers d'inscription au CNED pour des enfants d'expatriés mais aussi à organiser des sessions d'examen - notamment des masters en Français Langue Etrangère - effectués à distance par des expatriés dans le cadre de projets de formation professionnelle. De mémoire, ce ne furent que des histoires d'efforts et de succès partagés.

Quel souvenir gardez-vous de vos années d'expatriation ?

Le souvenir d'un espoir, partout plus grand que l'expérience ; partout l'envie de nourrir cet espoir dans le partage d'expérience innovante : s'accomplir avec l'autre, le plus divers, le plus éloigné ; le plus profondément ancré. L'univers est une infinité de localités et d'êtres uniques.

Quelle est l'image de l'enseignement français à l'étranger ?

Dans les six pays où j'ai travaillé, l'enseignement scolaire français bénéficie d'une bonne image. Sont particulièrement appréciés, la réalité d'un réseau d'établissements présent à l'échelle locale et mondiale, la continuité - de la maternelle à la terminale - d'une éducation généraliste, cohérente dans ses progressions, consistante et variée dans ses contenus. Sont généralement loués, la formation française des enseignants, leur professionnalisme, l'engagement de l'État au service d'une éducation de qualité. Sont incompris les débats franco-français sur l'incapacité de l'école à se réformer et les mesures en découlant qui aboutissent à dissoudre le plaisir et le désir d'apprendre ensemble dans un processus délétère de désagrégation de cette image de qualité.

Éducation et expatriation : quelle est, selon vous, la clé pour un cocktail réussi ?

Il serait à mon sens plus juste de considérer éducation et expatriation comme des processus de formation tout au long de la vie et de mobilité internationale. En effet, où que l'on soit et qui que l'on soit, l'intégration d'internet et l'usage des technologies numériques dans la vie privée, sociale et professionnelle, transforment chaque jour tranquillement et inexorablement les modalités, les temporalités, les localités d'apprentissage, d'échange, de production, d'existence. Plus que le mythique lycée de centre-ville ou l'expatriation dans un pays de cocagne, c'est la réalité de la connectivité et de l'hybridation qui deviennent les clés d'un cocktail de vie réussi.

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