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Élever des enfants à l'étranger à l'ère de l'intelligence artificielle

famille utilisant un ordinateur portable
leszekglasner / Envato Elements
Écrit parHelena Delbecqle 19 Novembre 2025

Dans un monde où l'intelligence artificielle s'impose largement, y compris dans le domaine de l'éducation, les parents expatriés se retrouvent face à un nouveau défi : comment accompagner leurs enfants dans une scolarité internationale en pleine mutation ? Entre outils d'apprentissage personnalisés et création inédite de contenus, l'IA redéfinit une nouvelle manière d'apprendre. Dans ce contexte, comment guider ses enfants pour tirer le meilleur parti de cette révolution éducative?

Quelles sont les craintes des parents face à l'IA ?

Expatriés ou pas, de nombreux parents réfléchissent - avec une once d'inquiétude - à la manière dont l'IA façonne l'apprentissage et la formation de leurs enfants.

« D'un côté, je vois un potentiel énorme. De l'autre, je crains que les enfants ne deviennent trop dépendants de l'IA pour développer leur esprit critique, résoudre des problèmes et laisser cours à leur créativité. Vont-ils passer à côté de l'apprentissage de leur autonomie si une machine leur fournit toujours des réponses rapides ? (propos d'un internaute, parent de trois jeunes enfants).

Très nombreux sont en effet les témoignages qui expriment ce mélange d'enthousiasme et de réserve face à l'utilisation de l'IA (surtout générative) dans une scolarité.

Les recherches scientifiques sur le sujet n'en sont qu'à leurs balbutiements, mais tirent déjà quelques signaux d'alarme.

Une étude du MIT a exploré les conséquences neuronales et comportementales de la rédaction de dissertations assistée par l'intelligence artificielle. Deux groupes témoins ont été constitués (l'un d'eux utilisant uniquement les ressources de leur « cerveau naturel » pour les tâches requises par l'expérience).

L'électroencéphalogramme a révélé des différences significatives dans la connectivité cérébrale des différents groupes : les participants qui n'utilisaient que leur cerveau présentaient l'activité neuronale et les réseaux de connexion les plus puissants.

Conclusion de l'étude : « Si les LLM offrent une commodité immédiate, nos résultats mettent en évidence des coûts cognitifs potentiels. Sur une période de quatre mois, les utilisateurs de LLM ont systématiquement sous-performé sur les plans neuronal, linguistique et comportemental. »

Pourquoi les parents expatriés sont-ils particulièrement concernés par la scolarité à l'ère de l'IA ?

Cette question de la place de l'IA dans les apprentissages concerne tout particulièrement les parents d'enfants expatriés, dont la scolarité s'inscrit dans un contexte mouvant, à la croisée de plusieurs cultures et systèmes éducatifs. Étudier à l'étranger implique en effet des programmes internationaux, des pédagogies hybrides, des langues multiples et des changements éventuels d'un système à un autre. Autant de cas de figure où l'IA peut être utilisée à plus ou moins bon escient.

Les écoles privées et internationales, souvent plus ouvertes aux technologies et disposant de plus de moyens, intègrent d'ailleurs plus tôt et plus largement les outils d'intelligence artificielle dans leurs pratiques pédagogiques. C'est ce que relate, par exemple, un article du New York Times au sujet d'une école privée sélective du Texas, à Austin. Dans cet établissement, c'est en effet l'IA qui a pris les commandes et qui assure les cours. « Les élèves consacrent deux heures par jour aux matières classiques (lecture, mathématiques, etc.), qu'ils étudient avec des logiciels pilotés par l'IA. Le reste du temps, ils peuvent également compter sur son aide et celle d'un ‘accompagnateur' adulte (qui n'est pas un professeur), pour acquérir des compétences pratiques comme l'esprit d'entreprise, la capacité à prendre la parole en public et à gérer des finances. »

L'aide possible de l'IA dans une scolarité internationale

Le cas évoqué précédemment peut paraître extrême. Mais il est vrai que lorsqu'un enfant expatrié arrive dans un nouvel environnement scolaire (changement de langue, nouveau programme, méthodes pédagogiques différentes), l'intelligence artificielle, quand elle est bien utilisée, peut jouer un rôle décisif dans le processus d'adaptation scolaire de l'enfant.

Imaginez une élève de 9 ans qui vient d'un système éducatif francophone et se retrouve dans une école internationale anglophone. Un traducteur utilisé en classe l'aidera à décrypter instantanément les consignes en anglais, un tutorat piloté par l'IA lui proposera un entraînement ciblé sur les concepts ou les éléments de cours qu'elle n'a pas encore vus dans ce système, et une plateforme d'apprentissage peut encore ajuster le rythme des exercices pour que cette élève ait les plus grandes chances de s'adapter à son nouvel environnement scolaire.

« Après notre installation à l'étranger, notre fils avait du mal à suivre en anglais et se sentait enlisé. Nous l'avons aidé avec une appli d'IA éducative qui traduisait les consignes et proposait des modules adaptés à son niveau ; en quelques semaines, je le voyais lever la main et interagir de nouveau avec les autres. » (témoignage d'un parent expatrié)

Dans ce contexte, l'IA ne remplace pas l'enseignant mais devient un levier, un assistant pour l'adaptation scolaire et culturelle des enfants expatriés. Elle leur offre un accompagnement personnalisé pour combler les écarts linguistiques, s'adapter au nouveau système et développer leur autonomie dans l'apprentissage, autant d'atouts clés pour réussir une intégration.

Parents expatriés : vous êtes toujours indispensables

Les inquiétudes persistent malgré tout côté parents car ils n'ont pas toujours le recul nécessaire pour savoir comment intégrer au mieux cet outil aux pratiques éducatives.

Pour le directeur de l'International School of Paris intervenant dans une émission consacrée au sujet, le constat est clair : « L'école ne peut plus être aujourd'hui le seul temple des savoirs. Mais ce que l'IA ne peut pas faire, c'est notamment apprendre aux enfants à socialiser, à collaborer et à développer tout ce qui est de l'ordre des “soft skills”. » Son propos n'est pas d'exclure les apprentissages fondamentaux de l'école mais de ne pas diaboliser l'utilisation de l'IA dans le milieu scolaire.

Alors, que faire également en tant que parents?

Ne pas rejeter l'IA en bloc mais faire comprendre sa nature

Comme pour Internet ou les réseaux sociaux, l'éducation à l'intelligence artificielle commence par la parole ouverte sur le sujet. Vous pouvez expliquer simplement à vos enfants ce qu'est une IA : un outil créé par des humains, qui apprend à partir de récurrences et qui peut se tromper. Il ne s'agit pas de tout comprendre techniquement, mais de démystifier la machine pour éviter à l'enfant de la voir comme une autorité infaillible. Réaliser que cet outil ne pense pas mais compile des données !

Accompagner les usages au quotidien

Plutôt que d'interdire ce qui a déjà envahi notre quotidien, il est plus efficace d'accompagner. Vous pouvez encourager les enfants à utiliser l'IA pour écrire une histoire, préparer un exposé, apprendre une langue tout en fixant des limites claires : ne pas demander l'ensemble de la tâche à effectuer, ne pas tout recopier sans comprendre, trier l'utile du superflu, etc. Bref, faire comprendre à l'enfant que la technologie n'est pas là pour penser à sa place, mais pour enrichir sa réflexion.

Apprendre à créer de prompts efficaces

Après tout, c'est bien l'une des clés d'une bonne utilisation de l'IA.

Dans le cadre scolaire, cela peut faire toute la différence : pour un exposé, par exemple, apprendre à demander « Peux-tu m'expliquer les causes principales de la révolution industrielle en trois points clairs? » plutôt que « Raconte-moi la révolution industrielle » aide l'enfant à cibler l'information pertinente et importante. À lui ensuite d'aller compléter ailleurs. Vous pouvez également encourager les jeunes à reformuler leurs prompts lorsque la réponse n'est pas claire ou satisfaisante, ce qui reste un bon exercice d'esprit critique.

Encourager l'esprit critique

Les parents le répètent : l'une des plus grandes craintes face à l'utilisation de l'IA est le risque de passivité intellectuelle et la perte d'esprit critique. Alors, vous pouvez au minimum encourager vos enfants à toujours se demander : « D'où vient cette information ? Qui l'a écrite ? Où se trouve exactement la source?» Toujours apprendre à vérifier, à confronter les données et à reformuler avec ses propres mots reste le fondement d'une démarche saine.

Éduquer aux risques de plagiat

À vrai dire, la question n'est pas si simple puisque l'IA n'impose pas de droits d'auteur.

Il paraît cependant crucial que les enfants comprennent que demander à une IA générative de rédiger entièrement un exposé, par exemple, et le remettre sans modification ni mention de la source est considéré comme du plagiat dans un cadre scolaire ou universitaire. Plusieurs écoles élaborent d'ailleurs des chartes d'utilisation pour fixer les bonnes pratiques. Tout copier en faisant passer le contenu comme étant le sien n'est certainement pas la même chose que d'utiliser l'IA pour trouver des idées, structurer un plan, vérifier ses formulations tout en produisant ensuite son propre texte.

Encourager une approche responsable et écologique

Avoir une certaine conscience écologique numérique est aussi important. Se rend-on vraiment compte que derrière chaque requête se cachent des serveurs énergivores et une consommation considérable d'électricité et d'eau pour le refroidissement des centres de données? A-t-on vraiment besoin de se créer une énième photo de profil ? Est-ce que je peux d'abord chercher des informations par moi-même ?

Apprendre à utiliser l'IA comme un outil d'appui, et non comme un réflexe systématique déconnecté de toute empreinte carbone, est capital. Et cela passe par le propre exemple que nous montrons à nos enfants.

Cultiver la créativité, l'empathie et les interactions

Éduquer à l'IA, c'est aussi promouvoir ce que les machines n'ont pas : l'émotion, l'intuition, la sensibilité. Les parents peuvent encourager leurs enfants à lire, à débattre, à créer sans écran, à observer le monde… Faire tout simplement un jeu de société avec ses enfants est un loisir que beaucoup de parents ne s'offrent plus aujourd'hui.

Ces interactions et ces compétences « soft » sont peut-être aussi ce qui permettra à la génération de demain de cohabiter intelligemment avec les algorithmes.

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A propos de

Helena a vécu au Japon, en Chine et en Allemagne où elle est actuellement basée. Ces différentes expériences lui ont permis d’enrichir sa compréhension des problématiques variées de l’expatriation. Titulaire de l'Education nationale et d'un Master II en Politiques linguistiques, elle concilie enseignement et rédaction professionnelle, autour de thématiques telles que l’éducation et le travail à l’international. Elle gère également les partenariats et les programmes d'un organisme de formation professionnelle.

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