Qu'est-ce que le salaire minimum indique au sujet d'un pays ?
À première vue, on serait tenté d'associer salaire minimum élevé et richesse du pays. Effectivement, les salaires minimums sont généralement plus élevés dans les pays riches. Mais un pays riche peut très bien avoir un salaire minimum faible. L'instauration ou non d'un salaire minimum a une forte valeur politique. Les États-Unis, pays libéral par excellence, maintiennent un salaire minimum fédéral plutôt faible (7,25 dollars américains de l'heure) par rapport aux niveaux d'autres États, comme New York (15 dollars de l'heure) ou Washington (16,28 dollars de l'heure). Point commun entre ces États : un coût de la vie plus élevé que dans le Kansas, l'Utah ou le Texas, qui ont maintenu le salaire minimum au niveau fédéral.
Le salaire minimum suit généralement la courbe de l'inflation. Mais les récentes poussées inflationnistes ne se sont pas traduites par des hausses spectaculaires de salaires. Toujours aux États-Unis, la ville de New York a battu des records : déjà connue comme une ville chère, elle a fait fondre les économies des expats. Même les étrangers aux revenus confortables ont subi la flambée des prix. Certains ont plié bagage pour des villes moins chères.
Salaire minimum et État providence
Le salaire minimum est un indicateur de l'intervention de l'État. Bien que l'on parle de « crise de l'État providence » depuis les crises économiques post choc pétrolier, l'État continue d'intervenir dans la société. Dans les pays libéraux, son intervention est faible, limitée au « strict essentiel ».
L'État providence cible les principaux domaines d'intervention de l'État : l'emploi, le logement, la famille, la santé, la vieillesse, la lutte contre la pauvreté. Le salaire minimum s'inscrit dans ce cadre. Il est pensé pour lutter contre l'exclusion et la pauvreté, pour maintenir les travailleurs en activité et activer leur consommation. Dans un monde où le travail est vecteur de statut social, ne pas avoir d'activité professionnelle rémunérée est synonyme de disparition sociale. Avoir un « salaire minimum » permet de faire partie de la société et de participer à la vie économique de son pays.
Mais beaucoup critiquent le système. Pensé pour lutter contre la pauvreté, le salaire minimum maintiendrait les travailleurs dans la précarité. Ses détracteurs pointent du doigt les crises économiques à répétition et l'inflation. La dernière crise a poussé nombre de locaux et d'étrangers dans la précarité. Dans les premiers temps de la crise sanitaire, les États ont soutenu leurs ressortissants à l'étranger en débloquant des aides ponctuelles. Les aides ont pris fin. Mais la situation des expatriés ne s'est pas toujours améliorée. Face aux manquements du système, deux écoles s'opposent : la première presse les gouvernements d'augmenter le salaire minimum. Dans l'Union européenne (UE), par exemple, le Luxembourg, l'Irlande, les Pays-Bas, l'Allemagne, la Belgique et la France font partie des États les plus généreux (entre 1 766 (France) et 2 570 (Luxembourg) euros bruts par mois). À l'opposé, en Tchéquie, en Slovaquie, en Croatie ou en Bulgarie, le minimum brut mensuel est sous la barre des 800 euros.
Doit-on prendre en compte le salaire minimum du pays d'accueil ?
On pense rarement à vérifier si le pays d'accueil prévoit un salaire minimum. Le sujet mérite pourtant qu'on s'y attarde. Les travailleurs étrangers ayant déjà négocié un salaire élevé sont moins touchés par la question. Quoique les récents déboires d'expatriés de la Tech brusquement licenciés aux États-Unis ont fait ressurgir de nombreuses craintes concernant l'expatriation professionnelle. La grande vague de licenciements continue cette année et oblige les expats à revoir plus en détail leur contrat et leur permis de travail.
Connaître le salaire minimum du pays d'accueil sert à mieux situer le pays et à se situer sur le marché du travail/dans son secteur professionnel. Le salaire minimum de l'État d'accueil est-il supérieur ou inférieur à celui du pays d'origine ? Connaître le salaire minimum du pays d'accueil permet également d'évaluer son budget. Le salaire minimum permet-il de supporter le coût de la vie dans le pays étranger ? On gardera en tête que ce salaire peut évoluer selon la ville d'expatriation. Il est souvent plus élevé dans la capitale, coût de la vie oblige. Est-ce une raison suffisante pour s'expatrier dans une capitale ? Le salaire minimum (légèrement) plus élevé permet-il de faire face au coût de la vie dans une capitale ou une grande ville ?
Expatriation professionnelle et salaire minimum : à quoi faut-il faire attention ?
Pour les expatriés, on peut dire qu'il y a « salaire minimum » et « salaire minimum ». D'une part, l'État peut instaurer un salaire minimal valable pour tous les travailleurs. Mais d'autre part, il peut aussi créer un salaire minimum pour prétendre à un permis de travail. Confère la réforme menée à Singapour.
Hausse des seuils de salaire pour prétendre au permis de travail
En mars, le ministère du Travail singapourien a annoncé qu'il relèvera le seuil du salaire minimum des travailleurs étrangers à partir du 1er janvier 2025. Les travailleurs étrangers devront gagner au moins 5 600 dollars singapouriens mensuels (environ 3 860 euros) pour prétendre au visa de travail (Employment Pass). C'est 600 dollars singapouriens de plus qu'aujourd'hui. Le seuil augmente en fonction du secteur d'activité et de l'âge. Les travailleurs de la finance devront gagner 6 200 dollars singapouriens par mois (environ 4280 euros), soit 700 dollars de plus d'aujourd'hui. Le salaire minimum grimpe à 10 700 dollars singapouriens par mois (7380 euros) pour les plus de 40 ans (11 800 (8150 euros) s'ils travaillent dans la finance).
Singapour n'est pas le seul pays à relever ses seuils de salaire minimum pour les expatriés. Le Royaume-Uni, l'Australie, la Suède, l'Autriche, la Belgique, le Danemark et la Nouvelle-Zélande ont aussi augmenté le minimum salarial à obtenir pour décrocher un permis de travail.
Salaires minimum : un frein pour les recrutements internationaux ?
Les entreprises britanniques ont réagi dès les dernières annonces de l'ancien gouvernement Sunak. Anticipant la hausse des seuils salariaux à venir (en avril 2024), les entreprises ont tout fait pour accélérer le processus de recrutement de leurs travailleurs étrangers. Face à la « priorité locale » voulue par le gouvernement, elles affirment que la hausse du seuil salarial minimum est un frein à la croissance. D'après elles, le manque de main-d'œuvre ne sera pas comblé avec les seuls travailleurs locaux. Elles soulignent que les pénuries de main-d'œuvre actuelles ne peuvent attendre une main-d'œuvre britannique qui ne sera opérationnelle que dans le futur.
Le cas des entreprises britanniques s'observe ailleurs. Les employeurs se lèvent contre les réformes restrictives de l'immigration, et appellent plutôt à plus de souplesse. D'autres entreprises proposent de dépasser la notion de salaire minimum (celui fixé par l'État, qui concerne tous les travailleurs) pour établir un « salaire juste » ou « salaire décent ». Ce salaire prendrait en compte tous les aspects de la vie (alimentation, loyer, transports, consommation d'énergie, santé, habillement…) pour permettre aux travailleurs de vivre « décemment ».
Le noble projet refait surface à chaque crise économique, mais se heurte aux difficultés pratiques. Comment s'entendre sur ce qui est « juste » ? Comment définir ce qui est essentiel et ce qui ne l'est pas ? Les salaires américains, par exemple, sont plus élevés que les salaires français. Mais les salaires français incluent la protection sociale. Aux États-Unis, l'État-providence est réduit à son strict minimum. Chaque mesure sociale est accueillie avec méfiance par une partie de la population. À l'inverse, l'État est davantage présent dans la vie française. Le salaire minimum n'influe pas à lui seul sur les projets d'expatriation, mais peut avoir une incidence notable, notamment lorsque l'État restreint les règles d'obtention du permis de travail ou d'études.