Crise mondiale des enseignants : les opportunités d'expatriation dans l'éducation

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Publié le 2023-11-21 à 10:00 par Asaël Häzaq
C'est une pénurie qui dure et inquiète. Les professions académiques seraient-elles en sursis ? Le métier de prof attire moins, et le phénomène prend de l'ampleur dans de nombreux pays du monde. La situation peut paradoxalement représenter une opportunité pour les candidats à l'expatriation.

Pénurie mondiale de professeurs

Dans un rapport publié à l'occasion de la Journée mondiale des enseignants, le 5 octobre 2023, l'UNESCO prévient : il manque dans le monde 69 millions d'enseignants pour assurer une « éducation de base universelle d'ici 2030 ». Ce n'est pas la première fois que l'UNESCO alerte sur la question. Mais la crise sanitaire a remis le métier aux avant-postes. On s'est rappelé que « professeur » était un métier, qu'enseigner était capital, et qu'il fallait bien des professionnels pour assurer la transmission des savoirs aux élèves. Or, ces professeurs manquent.

De nombreux pays connaissent des pénuries d'enseignants : la France, l'Allemagne, le Cameroun, les États-Unis, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Belgique, le Maroc, l'Italie, le Portugal, le Québec, le Niger, la Suisse, la Corée du Sud, l'Égypte, le Japon, le Tchad, entre autres. Il manquera environ 25 000 enseignants en Allemagne d'ici 2025, et 30 000 enseignants au Portugal d'ici 2030. La situation est particulièrement préoccupante en Afrique subsaharienne avec « en moyenne, un enseignant qualité pour 56 élèves [...] » s'inquiétait le directeur de la division des politiques et des systèmes d'apprentissage à l'Unesco Borhene Chakroun, dans un entretien avec l'Agence France Presse (AFP).

Situation également inquiétante sur les autres continents. Aux États-Unis, on parle d'une situation « catastrophique » dans certains États. En France, on s'alarme du nombre important d'enfants par classe, faute d'enseignants. En Allemagne, on forme des profs sur le tas. Les États multiplient les réformes, et n'hésitent pas à solliciter les enseignants étrangers. En ce sens, la pénurie de profs pourrait représenter une chance pour les candidats à l'expatriation. Zoom sur 4 pays.

Québec

14 230. Voici le nombre d'enseignants manquant estimé par le ministère de l'Éducation en juin dernier. Ce chiffre sera atteint d'ici 4 ans si la situation ne change pas, avec un plus grand nombre de postes vacants dans le secondaire. Des prévisions « encore pires » que prévu, selon les professionnels du secteur. Le président de la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement Nicolas Prévost ne cache pas son pessimisme : « […] mathématiquement, on n'y arrivera pas. » Les autres professions académiques sont aussi touchées. Au Québec, il manque aussi des éducateurs, des psychoéducateurs, ou encore, des techniciens en éducation spécialisée.

Les regards tournés vers le gouvernement québécois se font encore plus pressants. Le gouvernement québécois, lui, se tourne vers les enseignants étrangers. Le phénomène n'est pas nouveau. Déjà en 2019, le Québec lançait de vastes campagnes de recrutement, se rendant directement dans les autres pays pour dérouler le tapis rouge aux professionnels étrangers. En 2020, le ministère de l'Éducation réitère sa campagne pour attirer plus d'enseignants étrangers. Même politique cette année, avec un gouvernement toujours prêt à faciliter la mobilité des enseignants étrangers.

Belgique

Course contre la montre. La Belgique recherchait encore 400 professeurs en août dernier. La situation touche tous les niveaux, et oblige les directeurs d'établissement à sacrifier des options, comme des cours de langue. En Belgique aussi, le problème n'est pas nouveau. Les professionnels dénoncent un manque de personnel depuis plus de 20 ans. Les autres métiers académiques sont également touchés, comme les assistants de vie scolaire ou les éducateurs. On pourrait penser que la situation frappe davantage les établissements en difficulté. Mais elle s'observe aussi dans les écoles des beaux quartiers. Le métier n'attire plus.

Au lieu de recevoir des CV, les établissements scolaires reçoivent plutôt des lettres de démission. Face à ces pénuries, des établissements reconnaissent embaucher des enseignants pas toujours bien formés. D'autres se tournent vers les contractuels. Si la Belgique n'a pas fait de campagne de recrutement comparable à celle du Québec, des passerelles existent pour les enseignants étrangers souhaitant exercer en Belgique. Les facilités peuvent être plus grandes pour les ressortissants européens, notamment les transfrontaliers.

Cameroun

Cette année, la Journée mondiale des enseignants a été jour de manifestation pour les professionnels camerounais. Une manifestation suivie d'une grève, le 9 octobre. Le mouvement, déclenché l'an dernier, ne faiblit pas. La grogne, elle, couve depuis plus longtemps encore. Les enseignants réclament de meilleurs salaires et une meilleure considération de leur profession. Certains évoquent les conséquences du PAS, Plan d'ajustement structurel mis en place en 1993. Auparavant, les enseignants relevaient de la Fonction publique d'État, avec les rémunérations prenant en compte la réalité de leur métier. Avec le PAS, les fonctionnaires ont vu leur rémunération baisser de 20 % en 93 et 50 % l'année suivante. Les contractuels se multiplient.

Le gouvernement dit faire des efforts. Pressé par les syndicats, il intègre de nombreux contractuels dans la Fonction publique. Mais le défi est encore grand. Les moyens humains et matériels manquent. Au Cameroun, les professionnels sont bien là, mais se désengagent, faute de salaires et de moyens conséquents.

Japon

Au Japon, la définition du métier d'enseignant est bien plus large que dans d'autres pays. Une surcharge de travail qui pèse sur la santé et le mental, et mène de plus en plus de professionnels à délaisser les salles de classe. La situation est si grave que les experts parlent d'un « exode » des enseignants. D'après une enquête du journal Nihon Keizai parue le 16 janvier 2023, il manquait en 2022, 2 778 enseignants dans 2 092 écoles primaires, collèges et lycées publics japonais. Première raison : une baisse conséquente du nombre de jeunes se présentant aux examens pour devenir prof. Une raison qui en entraîne d'autres. Moins de jeunes, c'est plus d'enseignants exténués au travail, plus de surmenage, et plus de démissions. Car les enseignants japonais effectuent en moyenne 123 heures supplémentaires dans le mois, bien loin de la limite des 80 heures fixée par le ministère de l'Éducation, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie (MEXT) ; seuil au-delà duquel le ministère considère que l'on « dépasse la ligne rouge du surmenage ». Là encore, la situation n'est pas nouvelle.

Quelle mobilité pour les professionnels de l'enseignement ?

Dans tous les États frappés par la pénurie, on retrouve un désintérêt pour les métiers de l'enseignement. Désintérêt qui s'explique par un manque d'investissement dans l'Éducation nationale, un manque de considération des métiers académiques (c'est encore plus vrai pour les métiers spécialisés), des rémunérations trop faibles, une trop grande charge de travail… De quoi rebuter les futurs expatriés ? Le Japon, en réflexion sur sa politique migratoire, se tourne davantage vers la main-d'œuvre expatriée. Tout en reconnaissant le défi immense de recruter un enseignant étranger. S'ils sont nombreux à être professeurs de langue, ils sont bien moins nombreux à exercer dans une autre matière.

Le Cameroun est confronté à un autre défi : les investissements en termes d'infrastructures et la hausse des salaires. La question financière est aussi soulevée en France. Pour les futurs expatriés, ce sont autant de possibilités de mobilité, pour exercer à l'étranger. Reste bien sûr à confirmer que le diplôme obtenu à l'étranger soit reconnu (ou puisse l'être) dans le pays visé.

Liens utiles :

Gouvernement québécois : immigrer et enseigner au Québec

Enseigner en Belgique : Fédération Wallonie-Bruxelles