Pénurie de main-d'œuvre mondiale : nouvelles mesures pour attirer les professionnels étrangers

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Publié le 2023-06-05 à 10:00 par Asaël Häzaq
Face à la pénurie de main-d'œuvre mondiale, chaque État joue sa carte. Réformes de l'immigration, assouplissement des conditions d'entrée sur le territoire, création de nouveaux visas… La bataille pour recruter les talents internationaux continue. Tour d'horizon des dernières mesures prises pour attirer les professionnels étrangers.

Nouvelle-Zélande

Changements pour les conjoints d'expatriés en Nouvelle-Zélande. Plus précisément, la mesure concerne les conjoints d'expatriés possédant un visa de travail Employeur accrédité (Accredited Employer Work visa - AEWV) ou un visa Compétences essentielles (Essential Skills visa – ES). Les autres visas ne sont pas ciblés par la mesure.

Les conjoints concernés pourront obtenir leur visa de personne à charge (dependent visa) s'ils ne peuvent travailler que pour un employeur accrédité. Les conjoints devront au moins toucher le salaire médian en cours en Nouvelle-Zélande. Ils pourront changer d'employeur accrédité sans que cela entraîne une modification de leur statut. Les conjoints pourront également se voir ouvrir des droits du travail, mais seulement si l'expatrié détenteur du visa AEWV gagne le double du salaire médian ou exerce une profession faisant partie de la liste verte émise par le gouvernement. S'ils ne sont pas éligibles, les conjoints demanderont leur propre visa de travail. Les conjoints ne souhaitant pas travailler en Nouvelle-Zélande peuvent toujours demander un visa de visiteur. Les nouvelles mesures sont entrées en vigueur le 31 mai.

Taïwan

Pour contrer les pénuries de main-d'œuvre, Taïwan se tourne vers les travailleurs étrangers et facilite leur embauche. Mardi 23 mai, le ministère du Travail dévoile son nouveau plan pour redynamiser les secteurs sous tension. L'île accueillera 28 000 travailleurs étrangers dès la mi-juin. 4 secteurs sont concernés : la manufacture, la construction, l'agriculture et les soins. Le gouvernement prévoit de faire embaucher 600 travailleurs étrangers dans la manufacture, 8000 dans la construction, 12 000 dans l'agriculture et 14 000 dans les soins. Le secteur de la santé, le plus gravement touché par les pénuries de main-d'œuvre, subit encore le contrecoup de la crise sanitaire. Même constat pour l'agriculture.

Pour recruter des professionnels étrangers, les entreprises taïwanaises devront être éligibles. Le gouvernement a déjà sélectionné 210 manufactures qui bénéficieront des assouplissements en matière de recrutement de main-d'œuvre étrangère. Le gouvernement prévoit d'augmenter leur allocation de 15 à 20 %. Cet assouplissement des règles va de pair avec une promotion de la main-d'œuvre locale. Dans la construction, les entreprises ayant embauché un « nombre minimal » de Taïwanais dans les 3 années précédentes pourront embaucher 30 à 40 % de travailleurs étrangers.

Le secteur agricole, particulièrement frappé par les pénuries, voit son nombre de travailleurs étrangers multiplié par 2 (12 000 au lieu de 6000). Les grandes propriétés agricoles garderont leur ratio (35 % de main-d'œuvre étrangère). Les petits exploitants pourront embaucher entre 35 et 50 % de travailleurs étrangers. Même effort dans la santé, pour atteindre l'objectif d'un soignant pour 3 patients en établissement pour personnes âgées dépendantes, un soignant pour 5 patients en établissement de soins de longue durée, et un soignant par bénéficiaire d'aide familiale.

Japon

Les annonces se succèdent depuis le début de l'année. Proposition de suppression du Programme des stagiaires techniques, création des visas J-Find et J-Skip… Mardi 23 mai, le gouvernement Kishida annonce deux grandes mesures pour attirer les professionnels qualifiés et les créateurs de start-ups.

Résidence permanente pour les professionnels qualifiés

Le Japon fait un nouveau pas pour attirer les talents étrangers. Les conservateurs du parti libéral démocrate (PLD) ont validé un nouveau plan qui réforme les deux visas pour travailleurs qualifiés créés en 2019. Le premier, peu protecteur, était limité à 5 ans et ne permettait pas la réunification familiale. Le second permettait, et de venir avec sa famille, et d'accéder à la résidence permanente. Le second visa était cependant limité à deux secteurs d'activité : la construction et la construction navale. La réforme ajoute 9 autres secteurs, dont l'hôtellerie, l'agriculture et la pêche. C'était un souhait des entreprises, soucieuses de garder leurs talents dans un contexte de pénurie mondiale de main-d'œuvre. Avec cette nouvelle mesure, les détenteurs de visas qualifiés pourront rester sans limites sur le territoire. Il s'agit aussi de corriger un déséquilibre. Environ 146 000 travailleurs qualifiés étrangers ont été recrutés sous le visa 1 (limité à 5 ans), contre à peine 10 sous le meilleur visa (visa 2).

Assouplissement du visa start-up

La révolution des start-ups passera par le Japon. C'est en tout cas le vœu de l'exécutif, qui annonce une série de mesures de soutien aux start-ups : augmentation du nombre de visas, assouplissement des règles de candidature, proposition de révision du système fiscal, et accélération de la délivrance des visas.

Mis en place en 2018, le visa start-up, plus souple que le classique visa de création d'entreprise, est destiné aux professionnels étrangers prévoyant de créer leur entreprise au Japon l'année suivant leur arrivée. Pour booster l'innovation, le gouvernement compte assouplir les règles d'obtention du visa start-up. Il met à contribution les entreprises privées, qui prendraient en charge une partie de la procédure de sélection. Car jusqu'à présent, seules les autorités locales étaient compétentes en la matière. 16 municipalités avaient été choisies par le gouvernement, dont Tokyo et Fukuoka. La participation du privé accélérera la délivrance des visas start-up.

Le Japon compte aussi s'attaquer à la durée du séjour. Car pour l'instant, les titulaires du visa start-up ne peuvent rester qu'un an et demi sur le territoire. Trop peu pour monter leur projet. Les critiques fusent depuis le lancement du visa, d'autant plus que les procédures sont jugées compliquées et longues. Le gouvernement réfléchit à réviser la durée du séjour. Le ministère de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie promet une révision des règles dès cet été.

Attirer les professionnels étrangers dans le secteur de la santé

Du nouveau pour les soignants étrangers. Ils bénéficient déjà d'un système spécifique leur permettant d'accéder à divers postes dans le secteur médical japonais. Le ministère de la Santé, du Travail et des Affaires sociales entend élargir leurs champs de compétences pour soulager le secteur infirmier, sous tension chronique. En 2017, les soins infirmiers sont entrés dans le programme des « stagiaires techniques ». En 2019, ils entrent dans le champ du visa 1 (limité à 5 ans). Le nombre de professionnels étrangers augmente fortement. D'après le ministère de la Santé, 54 161 étrangers travaillaient dans le secteur des soins en octobre 2022.

Leurs visas suscitent cependant la polémique (mauvaises conditions de travail, emplois mal rémunérés, harcèlement, etc.). Le programme des stagiaires techniques est sur la sellette. Le visa 1 est en pleine refonte. Face à une crise du secteur infirmier qui ne cesse de s'aggraver (en février, on comptait plus de 3 offres d'emploi pour un candidat), le gouvernement veut attirer davantage de professionnels étrangers.

Corée du Sud

52 millions de Sud-Coréens aujourd'hui. 47 millions en 2050. Si la Corée du Sud continue à ce rythme, les seniors constitueront la moitié de la population en 2070. Les prévisions font réagir le gouvernement, qui se lance dans une énième lutte pour atténuer la grave crise démographique dans laquelle il est plongé. À l'instar du Canada ou de l'Allemagne, la Corée du Sud se tourne, elle aussi, vers l'immigration. Mais en matière de proportion de travailleurs étrangers, son cas se rapproche davantage du Japon. Au Canada, terre historique d'immigration, les immigrés représentent 20 % de la population. Le pays est lui aussi frappé par une crise démographique, et doit ses bons chiffres à l'arrivée de nouveaux immigrants. La Corée du Sud ne compte que 4,5 % d'immigrants.

Les entreprises pressent le gouvernement sud-coréen d'agir. Certains secteurs (construction, industrie) sont particulièrement touchés par des pénuries qui les empêchent de se développer. Pour eux, c'est une société multiculturelle qu'il faut créer, avec des lois plus souples pour attirer davantage de professionnels étrangers. Ils rappellent qu'avec la loi actuelle, le nombre de travailleurs étrangers ne peut dépasser celui des travailleurs coréens. Un casse-tête pour les métiers délaissés par les Coréens, métiers justement frappés par les pénuries de main-d'œuvre.

Slovénie

En Slovénie aussi, on veut encourager la venue des travailleurs étrangers venant de pays tiers. Le gouvernement propose un permis de travail et de séjour uniforme, pour faciliter l'immigration. Cette nouvelle proposition s'inscrit dans le cadre de la refonte de la Loi sur les étrangers. Présentée le 27 avril, elle assouplissait déjà les conditions d'obtention du permis de séjour pour les étrangers non européens. Parmi les mesures adoptées, l'accélération de la procédure. Le gouvernement a reconnu que les délais trop longs ont découragé nombre de candidats non européens. Depuis quelques années, l'exécutif slovène presse les administrations de statuer plus rapidement.

D'autres facilités sont déjà effectives, comme l'envoi par courrier des nouveaux titres de séjour et de prolongations. Le ministre de l'Intérieur Boštjan Poklukar annonce déjà de nouvelles mesures pour faciliter davantage le recrutement des professionnels non européens. La Slovénie est aussi touchée par la pénurie de main-d'œuvre, notamment dans la santé et les services sociaux. La Loi sur les étrangers facilite les conditions d'embauche dans ces secteurs sous tension.

Suède

En Suède, on planche plutôt vers davantage de restrictions pour les immigrants non européens. Le gouvernement soutenu par l'extrême droite propose une nouvelle mesure qui obligerait les étrangers à détenir un salaire plus élevé pour demander un permis de travail. Actuellement, il faut au moins gagner 13 000 couronnes par mois (1269 dollars) pour faire une demande de permis de travail. Si la proposition du gouvernement passe, le salaire minimum passera à 26 560 couronnes (2456 dollars). Soit, un peu plus du double.

La ministre des Migrations Maria Malmer Stenergard défend le projet lors d'une conférence de presse (jeudi 25 mai). Il s'agit pour le gouvernement de lutter contre les fraudes et l'exploitation des travailleurs étrangers. La ministre assure en outre que la mesure permettra aux étrangers déjà présents sur le territoire d'accéder plus facilement aux emplois disponibles. Plusieurs secteurs devraient être directement impactés par ces mesures : la restauration, les services de nettoyage ou encore les prestations de services à la personne. Des secteurs loin d'offrir des salaires comparables aux nouveaux seuils proposés par le gouvernement.

La Confédération des entreprises suédoises critique la proposition et ne cache pas son inquiétude. Si elle est adoptée, les secteurs ne répondant plus aux exigences salariales rencontreraient des difficultés à embaucher. La Confédération rappelle que les entreprises sont les plus à même d'apprécier les besoins en main-d'œuvre étrangère. Le gouvernement ne cache pas que la mesure vise également à écarter les travailleurs étrangers peu qualifiés, pour encourager le recrutement de professionnels étrangers qualifiés.

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