Médecin : l'un des métiers les plus demandés et les mieux payés dans le monde

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Publié le 2023-03-20 à 13:00 par Asaël Häzaq
L'un des plus beaux métiers du monde est également l'un des plus demandés et l'un des mieux payés. Le monde médical est sous tension et les besoins augmentent dans nombre de pays. Les opportunités à saisir pour les talents étrangers sont grandes. Mais derrière le plan de carrière se joue parfois une partie du destin de nations entières. Éléments d'analyse.

Un monde de la santé en mal de médecins

Il ne tenait que grâce à des sparadraps. La Covid-19 a mis fin aux artifices et révélé les plaies béantes du monde médical. Aucun pays ne semble épargné par la crise. De la Norvège à la Chine, en passant par le Ghana et le Canada les moyens humains manquent et les caisses des hôpitaux sonnent creux. La faute à des sous-financements des années durant, qui torpillent des systèmes de santé déjà exsangues.

Quand les médecins disent « stop »

Certains patients se souviendront de leur Noël 2022. En France, le collectif « Médecins pour demain » appelle à la grève à partir du 26 décembre. Le mouvement est reconduit le 8 janvier 2023. Les médecins étaient déjà en grève les 1er et 2 décembre. 50 à 70 % des cabinets médicaux avaient alors fermé. Depuis, la tension reste palpable, avec des manifestations en février et des grèves du 3 au 9 mars. Les médecins français protestent contre des conditions de travail dégradées – dégradations aggravées avec la Covid – et des salaires qui ne reflètent plus la charge de travail.

Au Royaume-Uni, les médecins généralistes n'en peuvent plus de devoir s'éloigner des « procédures normales », pour reprendre les termes de l'Ordre britannique des médecins. Depuis 2020, l'Ordre envoie des courriers à ses généralistes pour les rassurer. La Covid justifiait qu'ils s'éloignent « des procédures normales » pour soigner comme ils le pouvaient avec les moyens qu'ils avaient (c'est-à-dire, peu de moyens). En fin 2022, les médecins sont toujours invités à oublier les « procédures normales ». La pandémie est passée, mais il n'y a toujours ni assez de médecins ni assez de moyens. Le National Health Service (NHS) prend l'eau de toute part. Le NHS paie le prix fort pour des années de vaches maigres, les gouvernements successifs ayant taillé dans les financements. Le ministère de la Santé a promis une enveloppe de 204 milliards d'euros cette année, pour tenter de sauver le NHS.

Alerte aux déserts médicaux

Il faut s'armer de courage pour trouver un médecin traitant en Slovénie. Plus de 100 000 habitants ne peuvent pas consulter de généraliste, faute d'en trouver un. Dans ce pays de 2 millions d'habitants, le problème enflamme les débats, et les solutions proposées par le gouvernement (considérer la médecine comme un service commercial) sont loin d'enchanter. Au Canada, on tire la sonnette d'alarme. 44 000 médecins risquent de manquer d'ici 2028, parmi lesquels une grande majorité de généralistes. Au Canada aussi, il est de plus en plus difficile de trouver un médecin généraliste. En 2019, 4,6 millions d'habitants n'en avaient pas. Ils sont aujourd'hui 6 millions. La situation est encore plus grave dans les zones rurales.

Le Canada n'est pas encore la lanterne rouge des pays de l'OCDE, mais s'en approche dangereusement. Le pays compte presque 3 médecins généralistes pour 1000 habitants. Malgré des situations critiques, le Royaume-Uni, la France et la Nouvelle-Zélande font légèrement mieux et flirtent avec la moyenne de l'OCDE : 3,5 médecins pour 1000 habitants. L'Australie, la Suisse, l'Allemagne, l'Espagne, la Norvège et l'Autriche sont au-dessus de la moyenne (d'environ 4 à 5,5 médecins pour 1000 habitants). C'est l'Autriche qui obtient la meilleure moyenne (5,5). Seuls deux pays font un peu moins bien que le Canada : les États-Unis et le Japon, avec environ 2,7 médecins pour 1000 habitants.

Les « bons élèves » de l'OCDE ne sont pourtant pas épargnés par les déserts médicaux. Espagne, France, Allemagne et même l'Autriche sont sous perfusion. Tous semblent miser sur les mêmes solutions : faire appel aux médecins étrangers, et augmenter les salaires.

Médecin : les pays qui paient le mieux, les opportunités pour les expatriés

Il fait bon être médecin en Allemagne. Selon une récente étude de Stepstone, plateforme de recrutement, les médecins sont la catégorie professionnelle la mieux payée en 2022. Ils obtiennent un salaire annuel médian de 93 800 euros, loin devant les consultants (54 000 euros), les ingénieurs (52 600 euros) et les professionnels des IT (52 000 euros). Les médecins aux États-Unis gagnent bien plus qu'en Allemagne (environ 135 000 euros annuels). Ils gagnent en moyenne légèrement moins en Suisse (130 000 euros annuels), au Japon (100 000 euros annuels) ou en Afrique du Sud (40 000 euros annuels). En France, les salaires peuvent évoluer d'environ 70 000 euros annuels pour un généraliste, et plus de 130 000 euros pour un spécialiste (chirurgien, pédiatre, ou ophtalmologue).

Car il ne faut pas oublier les fortes disparités entre les professions médicales et entre les secteurs d'activité (secteur public ou privé). Le salaire des médecins dépend du statut (médecins salariés, notamment dans les hôpitaux, ou libéraux, avec des honoraires fixes ou libres). Le salaire dépend aussi de la profession médicale exercée, de la région d'implantation, et des années d'expérience. Les médecins généralistes gagnent en général moins que les spécialistes. Les chirurgiens, cardiologues, ophtalmologues et pédiatres sont les mieux rémunérés. Ils gagnent encore plus en se spécialisant (on peut être chirurgien généraliste, ou chirurgien cardiovasculaire, neurochirurgien, etc.). Les autres professionnels de santé et du paramédical sont moins bien rémunérés (infirmiers, aide-soignant, brancardier, ambulancier, assistant médical…).

On serait presque tenté de publier un « avis mondial » pour les candidats à l'expatriation. Nombre de pays font face à une pénurie de médecins. Au Canada, on se déplace directement dans les pays dans lesquels on souhaite recruter. Fin novembre 2022, le Canada a lancé la première édition de son Forum Mobilité au Maroc. Quelques jours plus tôt, il avait organisé le même Forum en France… La France qui souffre elle aussi d'une pénurie de médecins.

Vers « exode » des professions médicales ?

Les États se livrent une bataille sans merci pour attirer les médecins étrangers. Pour ces derniers, c'est l'occasion idéale d'évoluer professionnellement, de gagner plus, de faire carrière à l'étranger. Mais à quel prix ? En octobre 2022, le journal espagnol El País révèle qu'un médecin espagnol sur trois se dit insatisfait de ses conditions de travail. Salaires peu élevés et charges toujours plus lourdes poussent de plus en plus de médecins à quitter l'Espagne. Une crise qui dure depuis des années, et qui s'est aggravée avec la Covid. En 2021, il manquait environ 6000 médecins généralistes et pédiatres. Dans le même temps, des médecins espagnols étaient partis pour le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, l'Argentine ou les Émirats arabes unis.

De leur côté, la France, le Canada, l'Allemagne et le Royaume-Uni braquent leurs projecteurs sur le continent africain. Comme le Canada, parti recruter directement au Maroc, la France et l'Allemagne s'en vont recruter au Ghana et en Côte d'Ivoire. Le Royaume-Uni mise sur le Zimbabwe. En septembre 2021, il en recrute 463, soit 807 % de plus que l'année précédente. En 2022, il en recrute 389. C'est moins que 2021, mais toujours plus que les années précédentes.

Le Conseil international des infirmières (CII), l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et la presse africaine s'alarment. Si l'on peut, individuellement, se féliciter de profiter de la pénurie de médecins pour s'expatrier, le déséquilibre mondial penche nettement en défaveur des pays les moins riches. La pénurie de médecins qui sévit en Europe ou en Asie n'a pas épargné l'Afrique. Or, environ 80 % des infirmières qualifiées, expérimentées et spécialisées des pays d'Afrique immigrent au Royaume-Uni, au Canada, aux États-Unis, et dans quelques autres pays riches.

Impossible cependant de faire porter le poids de décisions politiques sur les épaules d'individus confrontés à la dégradation de leurs conditions de travail. Certains médecins partent moins par choix que par nécessité. Ils savent qu'ils aggraveront la situation de leur hôpital ou centre de soin, mais ils n'ont pas vraiment le choix. Les États, en revanche, ont le choix. C'est ce que rappelle l'OMS. Au lieu de jouer au serpent qui se mord la queue, il enjoint les États à ne pas aggraver les déserts médicaux des autres pays, mais plutôt à réfléchir à de vraies solutions pour enfin soigner le monde médical.