La France continue d'attirer les étrangers malgré les départs des Français

Vie pratique
  • le gens qui marchent dans la rue a Paris
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Publié le 2022-10-19 à 09:00 par Asaël Häzaq
La France, terre d'immigration et d'émigration. Alors que le pays joue des coudes pour booster l'immigration économique, première vectrice de croissance, il fait face au départ de ses ressortissants qualifiés. Comment expliquer que les talents internationaux se tournent vers la France, alors que les locaux s'orientent vers l'étranger ?

La France attire les talents internationaux

La France ne veut plus rester à la traîne. Elle aussi veut se hisser au rang du Canada, de la Suisse ou des États-Unis, plébiscités par les étrangers. En France, la délivrance de titres de séjours est en hausse constante depuis les années 2000, avec un premier pic entre 2007 et 2008 pour l'immigration économique : le nombre de titres délivrés est passé de 11 751 à 21 352. C'est justement le motif d'immigration mis en avant par les États pour favoriser leur croissance.

Qu'est-ce qui attire les talents étrangers en France ? Avec son plan France relance et ChooseFrance, l'exécutif a misé sur l'investissement à tous les niveaux : attirer les entreprises étrangères, rénover les infrastructures, créer des écosystèmes compétitifs, comme la Pleine image dans les Hauts de France, « hub européen des industries créatives » ou l'Aerospace Valley, « premier pôle de compétitivité européenne de la filière aérospatiale », en Occitanie. Contrairement aux idées reçues, la France est l'une des championnes européennes des investissements étrangers depuis plus de 10 ans (avec l'Allemagne et le Royaume-Uni). Et depuis 3 ans, la France occupe même la première place, selon le baromètre annuel du cabinet d'audit et de conseil EY, paru le 31 mai dernier. S'il n'y a pas forcément de relation entre investissement et emploi, le développement de ces pôles compétitifs permet à la France de tutoyer ses rivaux sur le terrain de l'attractivité.

Et ça paie : position géographique, pôles de compétitivité, et programmes pour faciliter la venue des talents étrangers (Campus France, passeport talent),etc. La France se démarque. Le président Macron semble déterminé à rattraper son retard sur les autres puissances et accroître l'immigration économique.

Une immigration en hausse

Depuis la présidence Macron, ce chiffre connaît des hausses supérieures à celles des présidences Hollande et Sarkozy. 26 872 titres de séjour pour motif économique ont été délivrés en 2017, contre 22 982 l'année précédente. C'est 33 041 en 2018, 38 545 en 2019. Après la rupture Covid (26 466 titres délivrés), le chiffre repart à la hausse, avec 36 095 titres de séjour attribués (chiffre provisoire). L'immigration économique n'est pas la seule à connaître une augmentation régulière. Les titres de séjour pour motif d'études, de regroupement familial ou pour raison humanitaire sont aussi en hausse. Selon les experts, il faudrait intensifier l'immigration économique et étudiante pour retenir les talents internationaux. C'est le choix fait par le Canada, modèle de nombre d'États en matière d'immigration.

Si 2020 marque une chute, pandémie oblige, les chiffres de la Direction générale des étrangers en France montrent une reprise rapide. En 2020-2021, on observe une hausse des attributions de visas long séjour (+54,2%). Parmi eux, les visas pour motifs économiques ont augmenté de près de 70 %. Ils concernent essentiellement les actifs salariés (+56,9%), non salariés (+76,7%), les scientifiques (+32,2%), les artistes (+24,3%) et les travailleurs temporaires (+96%).

Ces Français qui partent à l'étranger

Faut-il y voir un paradoxe ? La France, terre d'immigration, est aussi une terre d'émigration. Le nombre d'émigrés augmente depuis plus de 10 ans. Déjà en 2016, le Conseil d'analyse économique (CAE) observe cette tendance à la hausse. L'INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) fait le même constat. Le nombre d'expatriés français a augmenté de 52 % en 20 ans (2006-2018). Un chiffre qui, selon la Direction générale du Trésor, devrait encore augmenter.

Loin des conclusions alarmistes, le CAE voit ces départs d'un œil positif. En effet, la circulation des actifs permet le développement d'un pays et la multiplication des échanges internationaux. De plus, un Français embauché à l'étranger montre que l'enseignement qu'il a reçu en France était de qualité. C'est donc un cercle vertueux qu'il faudrait encourager, et non dénoncer.

En revanche, l'émigration peut devenir problématique lorsque des filières entières délaissent la France pour l'étranger. Le risque est alors grand de glisser vers une « fuite des cerveaux ». C'est l'exemple des chercheurs français, qui préfèrent s'installer à l'étranger, faute de débouchés dans leur pays. Salaires insuffisants, manque de reconnaissance, précarité… Beaucoup d'autres Français diplômés qui ne trouvent pas d'emploi en France s'expatrient. Ils trouvent souvent dans leur pays d'accueil ce que la France leur a refusé : un emploi à la hauteur de leurs compétences. Pour le CAE, c'est la France qui perd.

Conclusion

Attractive, la France ? Oui, avec des géométries variables. Contrairement au Canada et d'autres pays, la France ne communique pas massivement sur son besoin de talents internationaux. De même, beaucoup de locaux voient encore la France comme un pays fermé, peu attractif, peu mobile. La Suisse, les États-Unis, l'Allemagne, l'Australie ou le Canada ont une meilleure image. Le gouvernement français veut agir sur les deux sphères d'un même globe : faire rayonner l'image de la France, et à l'étranger, et sur ses terres.