Quels pays d'Asie profitent de la perte d'attractivité de la Chine ?

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Publié le 2022-10-04 à 14:00 par Ameerah Arjanee
L'année 2020 a été un moment charnière pour la Chine qui a décidé d'imposer la fermeture la plus stricte de ses frontières. Depuis, le pays voit reculer chaque jour le niveau des investissements étrangers. En 2022, l'empire du Milieu n'attire plus les talents expatriés. Ces deux dernières années, certaines autres destinations asiatiques se sont évertuées à prouver qu'elles pouvaient se refaire une santé en offrant d'excellentes perspectives aux expatriés. Parmi ces pays, on trouve la Malaisie, l'Indonésie, le Vietnam, la Thaïlande, Taïwan, la ville indienne de Bangalore et, dans une moindre mesure, Singapour.

L'âge d'or de l'expatriation en Chine serait-il révolu ?

Ces deux dernières années, les expatriés en Chine ont été contraints de tout quitter en raison des mesures strictes et imprévisibles prises par le gouvernement pour endiguer la COVID-19. Mais il n'y avait pas que cela ! Se sont ajoutées d'autres mesures politiques telles que la répression de l'industrie TESOL (Enseignement de l'anglais aux locuteurs d'autres langues), qui est largement composée d'expatriés.

La Chine est, en 2022, le seul et dernier pays au monde à appliquer une fermeture quasi-totale de ses frontières en raison de la pandémie de Covid. Les résidents permanents et certains étudiants (originaires de quelques pays ou bénéficiant de bourses spécifiques) peuvent entrer en Chine, mais la plupart des autres étrangers en sont toujours interdits. Même ceux qui sont autorisés à y entrer doivent se plier à une quarantaine de dix jours, dont sept dans un établissement désigné par le gouvernement et trois à domicile.

Par ailleurs, le gouvernement n'a toujours pas communiqué de calendrier précis pour l'assouplissement des restrictions. Il a souvent brutalement réimposé des mesures de confinement à l'échelle des villes lorsqu'une nouvelle variante du Covid apparaissait ou qu'un petit groupe de cas était détecté. Si ces mesures ont permis de protéger la santé de la population locale, elles ont entraîné des répercussions sur la réputation du pays en tant qu'économie cosmopolite et grande destination d'expatriés.

Un rapport de la Banque Asiatique de Développement (BAD) indique que, pour la première fois en 30 ans (c'est-à-dire, depuis que la Chine fait partie du marché économique mondial), le pays connaît une croissance économique inférieure à celle des autres pays asiatiques. Cette contre-performance a entraîné l'exode des travailleurs des entreprises étrangères et une perte d'investissements étrangers. En effet, la part de marché régionale de la Chine en matière d'investissements étrangers greenfield a diminué de moitié depuis la pandémie ; celle-ci a chuté de 50 % en 2019 à 26 % en 2022.

S'il n'existe pas de données sur le nombre exact d'expatriés qui ont quitté la Chine depuis 2020, d'autres statistiques et témoignages tendent à démontrer un exode évident. En mars 2022, 48 % des personnes interrogées dans le cadre d'une enquête d'opinion menée par le magazine That's Shanghai ont déclaré qu'elles prévoyaient de quitter le pays dans le courant de l'année prochaine. Une autre étude de la Chambre de Commerce américaine, datant également de mars 2022, a révélé que 80 % des entreprises en Chine avaient du mal à conserver leur personnel étranger ou à attirer de nouveaux talents expatriés. Avec des frontières fermées, aucun nouvel étranger ne peut, en effet, remplacer ceux qui partent.

Nombreux étaient les expatriés qui travaillaient dans le secteur de l'éducation. Ils ont dû, eux aussi, quitter le pays. Lorsque Rachel Weiss, une spécialiste américaine des médias basée en Chine, a mené une enquête pour son blog « Rachel Meets China », elle a constaté que sur 350 expatriés qui quittaient ou avaient récemment quitté la Chine, 61 % avaient travaillé dans le domaine de l'éducation. Le deuxième secteur dans lequel on retrouvait le plus d'expats était celui des affaires et de la technologie, avec un taux d'affectation de 17 %. Fin novembre, le gouvernement chinois décida d'interdire le secteur du soutien scolaire aux étrangers dans un souci de freiner la concurrence capitaliste et de réduire la pression exercée sur les enfants. C'est ainsi que de nombreux profs d'anglais étrangers se sont vus contraints ou de changer de carrière, ou de quitter tout simplement le pays.

Quels pays d'Asie offrent actuellement des conditions favorables aux expatriés ?

Si la situation actuelle de la Chine est terriblement défavorable aux expatriés, certains des pays voisins y voient une opportunité à saisir. A titre d'exemple, la Malaisie, Taiwan, le Vietnam et la Thaïlande proposent un coût de la vie très abordable, chose précieuse surtout en cette ère d'inflation mondiale, en plus d'un environnement convivial et une grande facilité d'installation. Quant à Bangalore, dans le sud de l'Inde, elle est très prisée surtout des professionnels de la technologie. Singapour reste pour sa part, une destination asiatique très prisée des expatriés plus aisés. Le coût de la vie y est exorbitant et la culture du travail stressante.

En 2022, c'est Kuala Lumpur, la capitale malaisienne, qui a été désignée par Bloomberg comme la meilleure ville pour les expatriés. La Malaisie dispose, en effet, d'une population locale accueillante avec une bonne maîtrise de l'anglais et d'un coût de la vie très abordable. Un appartement confortable dans la capitale malaisienne vous coûtera entre 400 et 800 $US par mois, et malgré la crise ukrainienne, le carburant y est peu cher, le pays possédant sa propre industrie d'hydrocarbures !  En outre, pour moins de 5 $US, vous pourrez y trouver des aliments délicieux et variés à chaque coin de rue. Par exemple, le classique Nasi Lemak, du riz parfumé à la noix de coco cuit dans une feuille de pandan, ne coûte que 0,30 $US par portion ! Quant à y faire carrière, même si la Malaisie n'offre pas la connectivité internet la plus fiable ou de grandes possibilités de promotion, elle compense énormément en proposant un excellent équilibre vie privée-vie professionnelle.

Singapour reste un choix attrayant pour les expatriés fortement rémunérés dans des domaines tels que la finance et la médecine spécialisée. En septembre, le pays a introduit un nouveau visa de cinq ans, le visa ONE Pass, pour les expatriés, touchant au moins 21 400 $US par mois. Ce visa présente de multiples avantages, notamment celui qui permet à un expatrié de travailler pour plusieurs entreprises en même temps. Et il est renouvelable à souhait !

En revanche, Singapour est réputé pour son mauvais équilibre vie privée-vie professionnelle. Selon la compagnie d'assurance américaine Cigna, plus de 90 % des expatriés occupant des postes à responsabilité à Singapour ont été victimes de burn-out, en raison d'une charge de travail excessive et du stress lié au coût de la vie. Le prix des appartements d'une chambre à coucher les moins chers commencent, par exemple, à partir de 700 $US par mois.

En matière de sécurité, Taïwan a la cote chez les expatriés. Le pays peut également se targuer de disposer de soins de santé de qualité et abordables, d'un coût de la vie décent qui va de pair avec des salaires satisfaisants, en sus d'excellentes infrastructures et d'une population locale accueillante. Grâce à la sécurité et à la fiabilité des transports, il est facile de profiter des excellentes activités de loisirs à Taïwan. On y retrouve des sentiers de randonnée dans les montagnes tropicales luxuriantes, des boîtes de nuit animées, des librairies et des salles de concert. En ce qui concerne la connectivité internet, le pays est également l'un des meilleurs au monde et dispose de lois progressistes. C'est notamment le seul pays à avoir légalisé le mariage homosexuel en Asie. En revanche, les expatriés affirment que les lieux de travail taïwanais ont tendance à manquer de créativité et de flexibilité : ils sont hiérarchisés, très bureaucratiques et n'acceptent pas toujours les demandes de travail à domicile ou à distance.

Pour en revenir à l'Asie du Sud-Est, sachez que la Thaïlande, le Vietnam et l'Indonésie sont tous des pays où la vie est très abordable, surtout si vous percevez un salaire en devises étrangères. Un dollar américain vaut environ 38 bahts thaïlandais, 23 865 dongs vietnamiens et 15 303 rupiahs indonésiens. International Living Magazine estime que les choses coûtent généralement 5 à 25 % moins cher au Vietnam que dans les pays voisins. Dans les grandes villes comme Hanoi et Ho Chi Minh, 500 $US par mois suffisent pour répondre à tous les besoins de base tels que le logement, la nourriture, les services publics et le transport. Il en va de même en Indonésie. Si vous gagnez suffisamment d'argent, vous pourrez même mener une vie luxueuse, acheter une maison avec piscine, et manger régulièrement dans des restaurants 5 étoiles. Sinon en Thaïlande, il est préférable d'avoir un budget mensuel de 1 500 $US pour vivre confortablement, comme le conseille la société financière Smart Asset.

Ces trois pays proposent un vaste choix culinaire et, compte tenu de l'importance du tourisme, il y existe énormément de possibilités de loisirs, comme le shopping, les visites guidées, les sports nautiques, les croisières, les sites historiques et patrimoniaux, etc. Toutefois, il ne faut pas oublier le revers de la médaille :  la faible qualité de la vie ! Selon certains expatriés, au Vietnam, les barrières linguistiques, le faible niveau du système de santé et du transport allié à l'inefficacité de la bureaucratie, peuvent être sources de frustration, en sus des pollutions atmosphériques et sonores qui y sont également préoccupantes. La Thaïlande connaît les mêmes problèmes de lourdeur administrative et de pollution, en plus d'avoir une culture du travail qui étouffe la créativité. Mais à cet égard, il serait peut-être mieux d'envisager la Thaïlande comme une destination pour prendre sa retraite plutôt que de vouloir y faire carrière. 

L'Indonésie est également confrontée à une bureaucratie lourde et complexe. De plus, le pays possède un système de santé très limité et connaît de graves problèmes d'infrastructures de transport avec, par exemple, de très mauvaises routes ou encore l'absence de sécurité pour les cyclistes.

Si la Thaïlande présente des carences pour que vous puissiez mener à bien une carrière florissante, tel n'est pas le cas dans une autre partie de l'Asie, où technologies, perspectives de carrière et une certaine fraîcheur de vie se mêlent. Il s'agit de la ville indienne de Bangalore où les expatriés qui souhaitent faire carrière, dans le secteur technologique en particulier, trouveront leur bonheur. Bien que la ville souffre encore de l'absence d'infrastructures modernes, elle possède un secteur des start-ups en plein essor et un nombre croissant de cafés branchés et de galeries d'art. De nombreux expatriés estiment que Bangalore offre un bien meilleur équilibre vie privée-vie professionnelle, voire même un meilleur coût de la vie que d'autres pôles technologiques comme la Silicon Valley. Ils trouvent également que la relative « jeunesse » de Bangalore dans le monde de la technologie lui confère un environnement plus frais et plus dynamique. 

Sur le plan financier, tout comme en Asie du Sud-Est, la faible valeur de la monnaie locale à Bangalore confère à la plupart des expatriés un certain avantage, surtout quand ils sont rémunérés en devises étrangères. Par exemple, la location d'un appartement de trois chambres à coucher en plein centre-ville coûte environ 35 000 roupies indiennes. Bien qu'il s'agisse d'un salaire de classe moyenne en Inde, converti en dollars américains, cela ne représente que 450 dollars.

Toutes les destinations asiatiques décrites ci-dessus ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients pour une vie d'expatrié, mais elles ont toutes une chose en commun : leur ouverture ! Elles ont des frontières ouvertes, des vols quotidiens vers et à partir de leurs aéroports internationaux, et il n'y a plus de quarantaines Covid. Alors que la Chine maintient sa politique stricte en matière de Covid pour une durée indéterminée, ces autres pays du continent profitent de leur ouverture aux étrangers.