Être retraité en Isan, Thaïlande : entre modernité et vie pastorale

Interviews d'expatriés
Publié le 2016-11-25 à 12:00 par Veedushi
Originaire de Nantes, Jean-François a passé de nombreuses années aux Antilles et en Inde avant de s'installer en Thaïlande avec son épouse il y a une quinzaine d'années. Au milieu des rizières calmes et verdoyantes, il partage son quotidien d'expatrié en Isan.

Bonjour Jean-François, peux-tu te présenter brièvement et nous parler de ton parcours ?

Bonjour à tous. Je m'appelle Jean-François Beurtheret alias Jeff de Pangkhan et je viens de rentrer dans mon deuxième demi-siècle. Je suis originaire de Nantes. Après des études secondaires avortées, j'ai travaillé dans de nombreux domaines : éducatif, bâtiment, restauration, etc., la plupart du temps comme saisonnier un petit peu partout sur le territoire français, puis aux Antilles, à Saint-Martin plus particulièrement. Après un bref passage et retour en France dans les Hautes-Alpes, j'ai ensuite monté une entreprise touristique à Noirmoutier en l'île. J'ai exploité pendant plus de 10 ans un petit train touristique. Durant cette période, j'ai passé mes hivers à voyager en Asie avec un gros coup de cœur pour l'Inde. J'y ai même construit une petite maison sur les bords de la mer d'Oman, au Kérala. J'y ai aussi adopté mon premier enfant avec mon ex-femme française.

Pourquoi as-tu choisi de t'expatrier en Thaïlande ?

La Thaïlande a tout d'abord été un hasard : un billet d'avion offert et la découverte d'un pays qui me semblait être un bon endroit pour y vivre toute l'année, comparé à L'Inde où les conditions de vie dans les années 90 étaient plutôt « rudes ». La découverte de l'Isan (Nord-est de la Thaïlande) me semblait un bon compromis, entre modernité et vie pastorale, pas très loin de Bangkok, pas très loin des plages magnifiques du Royaume, un bon endroit avec des gens d'une grande gentillesse.

Comment s'est passée ton installation ?

Le projet d'expatriation s'est petit à petit immiscé dans mon esprit. J'avais encore à la fin du dernier millénaire mon entreprise. Je pouvais la vendre et m'installer en Isan, voire venir, regarder et attendre avant de monter un business : import-export, artisanat, commerce dans une station balnéaire... je ne savais pas vraiment. J'ai ensuite rencontré ma future femme originaire d'Isan. Elle est venue habiter en France avec moi, mais l'idée de partir pour m'installer au milieu des rizières fut plus forte. En 2000, je suis parti, j'ai tout vendu en France, et depuis, j'habite toujours avec ma femme et mes enfants. Le dernier, un petit garçon, a dix ans maintenant.

Jeff en Isan

Qu'est-ce qui t'as attiré vers Isaan ?

Tout d'abord les gens, sympathiques, accueillants, simples, épris de valeurs que je croyais oubliées par mes concitoyens. La qualité de vie a été aussi ce qui m'a poussé à rester en Isan. La première année, je ne savais pas vraiment si j'allais m'y installer. J'ai visité les sites touristiques, regardé les opportunités de monter son entreprise… J'avoue que la plupart des rencontres et expériences d'autres expatriés m'ont juste conforté que l'Isan, et plus particulièrement au sein d'un petit village, était l'endroit où j'étais prédestiné à vivre.

Quelles étaient les procédures à suivre pour qu'un citoyen français s'expatrie en Thaïlande ?

Les procédures… J'ai tout d'abord tout bouclé en France, tout vendu et j'ai juste gardé une partie du fruit de la vente de mon entreprise, au cas où ! Puis, arrivé en Thaïlande, je n'ai pas vraiment fait de démarches particulières. Je n'avais que 32 ans. Ce n'est que plus tard que j'ai souscrit une assurance maladie auprès de la CFE, pour ma famille et moi. Avec de jeunes enfants et l'âge s'accroissant, on ne pense pas au pire, mais un accident ou une maladie peut toujours survenir. Ensuite, auprès de l'Ambassade France, j'ai juste déclaré que j'étais un Français habitant à l'étranger. Une fois enregistré, cela nous permet de bénéficier des justes tarifs comme, par exemple, lorsque l'on veut renouveler son passeport.

As-tu éprouvé des difficultés à franchir ces étapes ?

Non, tout s'est fait naturellement.

As-tu eu des difficultés d'adaptation à ton nouvel environnement ?

Aucune. Je rappelle que c'est moi qui ai décidé de m'adapter à cet environnement. J'y avait passé quelques hivers, jaugé, pesé le pour et le contre de cette installation... Tout s'est enchaîné au rythme du vent qui ondule au dessus des rizières, comme si j'étais en fait réellement à ma place dans ce monde.

Qu'est-ce qui t'as le plus surpris à ton arrivée en Thaïlande ?

Après de nombreuses années en Inde, ce fût la modernité du pays, la facilité d'y vivre, loin du combat permanent pour s'imposer lorsque l'on est en Inde.

As-tu eu des difficultés à rechercher un logement ? Est-il facile pour un expatrié de se loger en Isan ?

J'ai tout de suite loué un local dans la petite ville la plus proche du village actuel où j'habite, ne sachant pas si je resterai en Isan. Une fois que j'ai pris ma décision définitive de rester, j'ai construit une maison en lieu et place de la maison familiale de ma femme : étant la cadette de la famille, la maison lui revenait de droit du droit matriarcal. Nous nous y sommes installés avec la maman et la grand-mère. La maison est suffisamment spacieuse pour que chacun y trouve sa place.

En ce qui concerne les logements pour les expatriés, je dirai que dans les villes d'Isan, rien de plus facile, les « Mooban », des sortes de lotissements plus ou moins de luxe ont poussé comme des champignons. L'accès au locatif est très facile. L'afflux d'étrangers ces dernières années ont fait qu'il est désormais facile de se loger via une agence immobilières ou la communauté.

Jeff en Isan

Que penses-tu du mode de vie des Thaïlandais ?

C'est mon mode de vie et il me plait, sinon je serai parti depuis longtemps ! Il est vrai que cela m'a nécessité quelques petites adaptations qui me sont propres, comme pour la cuisine : je fais mon pain, je fais pousser mes légumes – ceux que l'on ne trouve pas au marché local). Je me suis aussi arrangé pour recevoir TV5 Monde, chose qui en 2000 n'était pas évident dans un village isolé. Au fil du temps, j'ai aussi internet mais nombreux sont de mes voisins qui désormais sont reliés au réseau, rien de bien extraordinaire...

Une idée reçue qui s'est avérée fausse ?

Je n'avais aucune idée fausse sur le pays ou sur ses habitants. J'ai pris ce qu'ils voulaient bien me donner sans jamais forcer la porte.

A quoi ressemble ton quotidien à Isan ?

Une journée typique est un lever très tôt comme mes voisins riziculteurs, voire plus tôt. Je profite de la fraîcheur et du crissement des grillons pour écrire. Ensuite, au lever du jour, je pars quotidiennement faire une balade à vélo dans les rizières, puis je reviens pour m'occuper de mon dernier fiston avant qu'il ne parte à l'école. Ensuite, le jardin, puis une première cuisine. Suivant le travail d'écriture, soit je continue ce que j'ai commencé très tôt le matin, soit je pars faire « mon tour » en ville. Le marché, puis on partage le café avec un ou deux potes suivant la saison. Des fois, je vais nager... Enfin, rien n'est vraiment établi. En soirée, par contre, je m'applique à donner à mon fils des cours de français. Nous entamons cette année le programme de CE2, le niveau équivalent qu'il suit à l'école thaïlandaise.

Quels sont les loisirs disponibles sur place ?

Ce qui est accessible à l'habitant lambda, sport, piscine, concert et musique l'est aussi à l'expatrié. Bien sûr, en ce qui concerne la culture spécifique au Français, il faut dans mon cas s'adapter. Films, revues, livres... Nous ne sommes pas à Bangkok, mais désormais on peut avoir tout ce que l'on désire par internet…

Tes spécialités culinaires locales préférées ?

J'aime beaucoup la cuisine thaïlandaise et on la retrouve aussi en Isan. La cuisine locale et quotidienne est assez spartiate. Le peuple d'Isan était encore il y a peu un peuple de chasseurs-cueilleurs. La base de la nourriture est le riz gluant, puis du poisson (on en trouve beaucoup), des légumes, des feuilles, des fruits... ce qu'offre chaque saison. Mon plat préféré reste le Lap, une sorte de hachis grossier découpé au couteau, cru ou cuit, de viande ou de poisson, assaisonné de menthe, poivre, basilic, échalote, piment (bien sûr), citron et quelques épices et graines spécifiques, tout cela martelé au pilon puis dégusté avec du riz gluant. Un vrai délice !

Jeff en Isan

Qu'est-ce qui te plait le plus en Thaïlande ?

La douceur de vivre au rythme des saisons. La possibilité de se rendre à la mer, celle où je souhaite me rendre suivant mes humeurs, la nature en général.

Qu'est-ce qui te manque le plus par rapport à la France ?

J'aimerai voir plus souvent ma famille et des amis d'enfance. Ils viennent me voir régulièrement, mais de toute manière chaque année, je viens en France avec ma femme et mon fils, pour des vacances, ce qui avec le temps est tout à fait correct. Pour le reste, tout est à potée de main, même en Isan !

Quel est ton avis sur le coût de la vie à Isaan et en Thaïlande en général ?

Même si le coût de la vie a vraiment augmenté ces dernières années pour tout le monde, que l'euro à bien flanché, l'Isan reste un endroit où la vie est très peu chère, dependant de notre mode de vie. Ailleurs en Thaïlande, si l'on évite les lieux très touristiques, cela reste toujours très abordable.

Un évènement particulier que tu as vécu en Thaïlande et que tu voudrais partager ?

Bonne question ! Je pense que parcourir mon blog répondrait à cette question. Trop d'exemples me viennent en tête !

Qu'est-ce qui t'as motivé à écrire ton blog « Jeff de Pangkhan, l'homme des rizières » ?

L'envie de partager avec le monde la vie du peuple d'Isan, de montrer une alternative de mode de vie, même en tant que Français, qui est possible, mais surtout le plaisir d'écrire…

Des conseils aux personnes qui souhaiteraient s'expatrier en Thaïlande ?

Il faut tout d'abord un projet, puis venir souvent et bien regarder et jauger l'environnement dans lequel on va passer sa future vie. Changer ce regard, celui d'un touriste en celui de quelqu'un qui désire s'installer au pays. Faire une liste, tout simplement, cependant honnête et subjective, de ce que l'on veut, ce que l'on espère en s'expatriant en Thaïlande et tout ce que l'on est prêt à laisser derrière soi... Une fois qu'on a bien pesé le pour et le contre, on se lance ou on reste en France, non ?

Tes projets d'avenir ?

Je suis en train d'écrire le deuxième opus de la saga de « L'inspecteur Prik, l'inspecteur des rizières » après l'encouragement de mes nombreux lecteurs lors de la publication aux Éditions Gope de mon premier polar, « Un os dans le riz ». Il y en aura beaucoup d'autres... Je l'espère.

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