Les expatriés au cœur des exodes et de la croissance des marchés du travail

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Publié le 2022-04-11 à 10:00 par Ester Rodrigues
Si Hong Kong fait toujours face à un exode d'expatriés, la tendance semble s'être inversée en Arabie saoudite. Après plus d'un an et demi, l'économie se remet aujourd'hui des conséquences de la pandémie et ce malgré la hausse des prix du carburant au niveau mondial. Les chiffres récemment publiés par l'Autorité générale des statistiques du royaume font état de la création de plus de 250 000 emplois pour les expatriés dans le pays.

Le taux de chômage parmi les Saoudiens a chuté à 11 %, soit au niveau le plus bas depuis 2009. Il faut comprendre un taux de chômage de 22,5 % pour les femmes et de 5,2 % pour les hommes. Comme de nombreux pays du Moyen-Orient, l'Arabie saoudite a fait l'expérience d'un exode de professionnels étrangers du secteur prive au deuxième trimestre de 2020, en plein cœur de la pandémie de Covid-19, et s'est poursuivi chaque trimestre depuis lors. En revanche, l'année dernière, le pays a mis en place une série de mesures pour relancer l'expatriation, comprenant des investissements.

L'Arabie saoudite : un pays accueillant pour les expatriés

L'an dernier, l'Arabie saoudite a choisi d'accorder la citoyenneté à un groupe d'expatriés dotés de compétences spécifiques. Il devient ainsi le deuxième État arabe du Golfe, après les Émirats arabes unis, à introduire un programme formel de naturalisation pour les étrangers. Ce programme concerne les professionnels étrangers ayant des compétences spécifiques, notamment des médecins, des employés de bureau, des universitaires spécialisés dans l'ingénierie, la chimie et les télécommunications, entre autres. Cette mesure fait suite à l'assouplissement des politiques de visas ces dernières années, les rendant plus flexibles. Désormais, des durées de résidence plus longues sont accordées à certains types d'investisseurs, aux étudiants, ainsi qu'aux professionnels étrangers hautement qualifiés et à leurs familles.

Selon l'agence de presse saoudienne, le programme de naturalisation s'adresse aux personnes ayant bénéficié de bourses d'études et qui travaillent ou étudient dans les domaines de la médecine, de la science, de la culture, du sport et de la technologie. Le gouvernement saoudien souhaite ainsi créer un « environnement attractif » non seulement pour attirer des talents exceptionnels mais aussi pour les retenir, ce qui devrait l'aider à atteindre les objectifs de la stratégie Vision 2030. Il s'agit en effet d'une série de réformes visant à créer des emplois et réduire la dépendance de l'économie saoudienne au pétrole.

Contraste : emplois secondaires et risques

Même si le pays semble ouvert aux expatriés, en particulier aux meilleurs talents, il faut reconnaître qu'une grande partie des travailleurs étrangers en Arabie saoudite occupent des postes de col-bleu, comme des ouvriers du bâtiment, des nettoyeurs, des serveurs et des chauffeurs. En effet, un peu plus de la moitié des 6,3 millions de travailleurs étrangers du secteur privé sont classifiés dans la catégorie des « professions élémentaires ». Selon les données les plus récentes, plus de 900 000 d'entre eux exercent dans le domaine de l'artisanat et des métiers connexes.

Les expatriés qui souhaitent s'installer en Arabie saoudite doivent cependant garder en tête qu'un tel choix comporte de certains risques. Il est donc important de se renseigner sur les règles du royaume en matière de travail quand on est étranger. En effet, les conséquences financières en cas d'illégalité peuvent être sévères. Le gouvernement saoudien impose depuis peu une amende de 50 000 SR (13 329,23 $) aux indépendants qui travaillent dans le royaume de manière irrégulière, c'est-à-dire sans effectuer le transfert d'Iqama (permis de travail). Les employeurs qui autorisent leurs travailleurs à exercer des professions en tant qu'indépendants ou qui permettent à leurs travailleurs d'effectuer des tâches pour d'autres employés risquent également des sanctions, allant des amendes de 100 000 SR (26 654,18 $) à une peine d'emprisonnement maximale de six mois.

Exode des expatriés asiatiques vers l'Arabie saoudite

Pendant que l'Arabie saoudite profite d'un boom commercial avec l'augmentation de sa population expatriée, l'Asie fait quant à elle face à un exode d'expatriés las des confinements et des restrictions sanitaires qui perdurent. Il est d'ailleurs intéressant de noter que certains de ces expatriés ont choisi de quitter l'Asie pour des pays du Moyen-Orient comme l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis où non seulement les offres mais aussi les conditions de vie paraissent plus attractives.

L'an dernier, les recruteurs à Dubaï témoignaient d'une hausse de 20% des demandes d'expatriés cherchant à quitter Singapour, tandis que la Thaïlande envoie massivement des travailleurs en Arabie saoudite après trois décennies d'interruption. L'Arabie saoudite était autrefois une destination populaire pour les expatriés thaïlandais, avec plus de 300 000 d'entre eux vivant et travaillant dans le Royaume jusqu'à ce que ces deux pays mettent un terme à leurs relations diplomatiques et commerciales dans les années 1980. Aujourd'hui, la crise de Covid-19 et les nouvelles opportunités d'emploi leur permettent de renouer leurs relations. En mars dernier, plus de 1 000 demandeurs d'emploi avaient déjà postulé pour des emplois en Arabie saoudite. Les secteurs privilégiés par ces derniers sont l'ingénierie et la construction - en particulier la soudure - ainsi que la santé. Selon les données du ministère saoudien du travail, il n'y a actuellement qu'environ 1 350 travailleurs thaïlandais en Arabie saoudite. Ces derniers sont principalement des techniciens et employés domestiques.

Il faut reconnaître que l'économie asiatique a subi de plein fouet l'impact de la pandémie de Covid-19. Une situation qui a poussé non seulement des travailleurs étrangers et locaux mais aussi des entreprises à aller chercher ailleurs. En effet, au cours de l'année écoulée, de nombreuses entreprises multinationales ont choisi de déménager de Hong Kong vers Singapour et la Malaisie. Les restaurants de Hong Kong, par exemple, essayent de survivre tant bien que mal avec de nouvelles limitations sur la vente à emporter, depuis que les livraisons à domicile après 18h ont de nouveau été suspendues. Les salons de coiffure ont récemment été autorisés à rouvrir, mais les salles de sport et les bars, qui ont été sommés de fermer leurs portes en janvier, ne pourront opérer qu'à partir de la mi-avril.

Aujourd'hui, de plus en plus d'expatriés choisissent de quitter Hong Kong en raison de la frustration suscitée par les restrictions sanitaires ainsi que l'absence d'une stratégie de réouverture claire. La distanciation sociale, les limitations sur les voyages qui excluent la plupart des non-résidents, sauf lorsqu'ils viennent de Chine et de Macao, sont plutôt décourageantes. Les expatriés et même les locaux qui arrivent dans la ville doivent faire face à l'une des plus longues périodes de quarantaine payante au monde. En effet, tout voyageur est tenu de s'isoler dans une chambre d'hôtel jusqu'à trois semaines.

Face à cet exode, cependant, Singapour et la Malaisie ont récemment décidé de revoir les exigences de leur Employment Pass (EP). La croissance du nombre d'expatriés dans ces deux pays est actuellement en train d'augmenter la concurrence sur le marché du travail.

Situation des expatriés à Hong Kong

Sonia Samtani, PDG du centre de bien-être All About You à Hong Kong, explique la situation actuelle pour les expatriés et évoque les raisons qui les poussent à partir. « De nombreuses personnes à Hong Kong ont choisi de quitter le pays en raison des changements induits dans notre mode de vie depuis le début de la pandémie. Parmi les restrictions, on compte la fermeture des restaurants après 18 heures, la limitation de 2 personnes par table, la fermeture des écoles pendant des mois et le décalage des vacances d'été, entre autres. Qui plus est, certains parents se sont retrouvés séparés de leurs enfants placés en quarantaine après avoir contracté le virus ».

En revanche, selon Sonia, le marché du travail hongkongais a déjà commencé à se stabiliser malgré les restrictions sanitaires qui sont toujours en place. « Un bon nombre d'expatriés se sont vus contraints d'envisager la possibilité d'un retour dans leur pays d'origine alors que certains d'entre eux ont préféré déménager à l'étranger. Mais, je dois dire que ces dernières semaines, les choses semblent plus prometteuses qu'avant », soutient-elle.