Hervé : « Casablanca est une ville qui fourmille d'activités »

Interviews d'expatriés
Publié le 2016-06-30 à 00:00 par Expat.com team
Hervé vient de France où il était juriste en entreprise et responsable juridique. Il s'est installé à Casablanca il y a une dizaine d'années et y a mis sur pied un cabinet de conseils juridiques.

D'où viens-tu, Hervé, et que fais-tu actuellement ?

Français itinérant (j'en suis à plus de 20 déménagements depuis ma naissance), j'étais juriste en entreprise / responsable juridique avant de venir m'installer au Maroc. Après une courte période comme salarié dans un cabinet d'avocat local, j'ai créé mon propre cabinet de conseil juridique.

Pourquoi as-tu choisi de t'expatrier au Maroc ?

Il m'est difficile de faire plus personnel : je suis venu pour faciliter un mariage (qui a fini en divorce depuis).

Comment s'est passée ton installation ?

Je n'ai pas connu de vrai problème pour l'installation matérielle. En effet, la personne que je venais rejoindre à Casablanca m'avais déjà balisé le terrain en trouvant un appartement proche de mon lieu de travail (mon emploi avait été trouvé depuis la France). Pour la suite, comment dire ? C'est un peu mon travail que de savoir comment créer une entreprise, obtenir une carte de séjour, entre autres. Alors, je n'ai fait que l'effort normal d'adaptation professionnelle.

Qu'est-ce qui t'a attiré vers Casablanca ?

Ce qui m'a attiré vers Casablanca, c'est tout simplement l'amour. Bon, celui-là a passé, mais je ne regrette rien. La vie est ainsi faite et il est stérile de reprocher quoi que ce soit à l'autre sur le sujet (surtout que nous avons 2 enfants).

Depuis combien de temps t'y es-tu installé ?

Cela va bientôt faire 10 ans, en septembre prochain.

Quelles étaient les procédures à suivre pour qu'un citoyen français s'expatrie au Maroc ?

De ce côté-là, cela n'a pas changé sur le fond. Du point de vue administratif, il faut commencer en France avec l'information de l'administration fiscale du déménagement à l'étranger, et donc de la fin de la soumission à l'impôt français. Il faut aussi aller faire une petite démarche auprès de sa mairie pour justifier le déménagement international (cela sert à dédouaner gratuitement le déménagement). Ensuite, si l'on est salarié, il faut avoir un contrat de travail d'étranger pour obtenir une carte de séjour. Si l'on crée une entreprise, il faudra faire un petit tour à la préfecture de police pour collecter la liste des documents à joindre. Une fois que c'est fait, l'affaire est jouée. Sauf si vous avez déjà eu des problèmes au Maroc, il n'y aura pas de problème pour un Français/une Française pour obtenir un titre de séjour d'un an d'abord, puis plus long pour la suite en cas de besoin.

As-tu éprouvé des difficultés à franchir ces étapes ?

Pas vraiment, mais il faut dire, une fois de plus, que c'est un peu mon travail de le savoir et le faire.

As-tu eu des difficultés d'adaptation à ton nouvel environnement ?

Là, par contre, c'est autre chose. L'on se dit parfois que le Maroc est un pays facile parce que l'on y parle couramment français, que c'est proche de la France (ancienne colonie, etc.). Il n'y a rien de plus trompeur. Le Maroc est d'abord un pays étranger pour un Français, avec une culture, des modes de vie, des traditions qui sont très différents de la France. De plus, quand l'on est « visiblement » Français, l'on est rapidement une cible pour les mendiants qui sont nombreux dans la ville de Casablanca. Cela peut être fatiguant, usant, agaçant. En d'autres termes, vivre à Casablanca ou au Maroc en général, cela demande un effort d'adaptation. Tout le monde ne peut pas le faire et c'est pour cela que je ne sais pas répondre quand on me demande si je recommande l'expatriation au Maroc. C'est une affaire éminemment personnelle. Chacun doit se demander ce qu'il attend de l'expatriation, ce qu'il veut absolument, de préférence, ce qu'il refuse absolument, de préférence dans sa vie. Une chose que je recommande, mais que je n'ai pas trop faite personnellement, c'est de venir repérer la ville, les modes de vie pour essayer de savoir si on peut s'y faire, voir le coût de la vie pour savoir si le budget que l'on aura le permettra.

Qu'est-ce qui t'as le plus surpris à ton arrivée à Casablanca ?

Casablanca est une ville qui fourmille d'activités, qui est un mélange impressionnant de richesse extrême et de misère totale. Les deux se côtoient vraiment de manière très proche parfois. Quand je suis arrivé, j'ai vu des villas dans les quartiers les plus chics avoir collés à leurs murs d'enceinte des bidonvilles. Ce contraste, qui se retrouve aussi entre les charrettes à bras ou âne d'un côté et les voitures du plus grand luxe que vous pouvez imaginer.

Comment se porte le marché de l'emploi marocain ? Est-il facile pour un expatrié d'y être embauché ?

Le marché de l'emploi au Maroc est un peu tendu en ce moment. La crise économique qui a sévi en Europe depuis 2008 produit ses effets les plus violents en ce moment. Le taux de chômage local est officiellement de l'ordre de 10% (9,9% pour être précis...). En ce qui concerne l'embauche des étrangers, il y a plusieurs situations différentes avec des modalités administratives variées. Tout d'abord, le cadre supérieur ou le dirigeant de filiale locale n'aura pas vraiment de problème parce que tout sera géré soit par les services RH de la filiale locale, soit par les services internationaux du groupe, soit par le conseil local. Ensuite, le salarié « moyen » qui est envoyé par son employeur ou qui trouve un emploi au Maroc par ses propres moyens devra suivre la procédure de préférence nationale à l'emploi qui peut être un vrai obstacle dans des métiers où des candidats locaux pourraient se présenter. Enfin, il y a celui qui veut créer son entreprise ou qui est Français et déjà résident depuis un certain temps ou qui a une nationalité privilégiée (Algérien, Mauritanien, entre autres). Dans ce dernier cas, il n'y a qu'un seul formalisme : le contrat de travail d'étranger. Il faut garder en tête qu'un étranger ne peut avoir qu'un CDD au Maroc, même s'il est renouvelable éternellement.

As-tu eu des difficultés à rechercher un logement ? Quels sont les types de logements qui y sont disponibles et accessibles aux expatriés ?

Les logements se trouvent assez facilement ici, surtout si l'on est Européen. La méfiance qui s'applique aux locataires locaux est soudainement effacée lorsque l'on est Européen. L'on peut même négocier des conditions étonnantes (comme l'absence ou la réduction du dépôt de garantie dans un bail). Les loyers peuvent aussi être plus bas pour les Européens. Il faut simplement faire attention et visiter en étant bien attentif. Il est également préférable d'être vigilant sur les quartiers où l'on s'apprête à habiter. Le voisinage est vraiment important.

Que penses-tu du mode de vie des Marocains ?

Il est surtout très différent de celui qu'on connaît en France ! La famille a encore une place très forte et centrale, et puis le fameux « inchallah » qui énerve tant les Européens qui y voient une manière de dire « on verra bien » ou « cause toujours ». Le rythme de vie (surtout pendant le ramadan), la manière de s'exprimer, bien moins directe qu'en France, la perception du second degré, tout cela et encore tellement d'autres choses sont si différentes. Ce n'est certainement pas une critique, juste un constat. Après, l'on s'y habitue, ou pas. Pour être encore là après presque 10 ans, cela doit vouloir dire que j'ai réussi à m'y faire.

Une idée reçue qui s'est avérée fausse ?

Le Maroc est une annexe de la France. Je ne sais pas si c'est vraiment une idée reçue, je ne l'avais pas. Mais quand on voit le comportement d'un certain nombre d'expatriés, c'est assez clair. Et pourtant, le Maroc, c'est le Maroc, pas une annexe de la France. On ne nous attend pas comme des sauveurs, même si chacun peut apporter quelque chose.

A quoi ressemble ton quotidien à Casablanca ?

Pas mal de métro-boulot-dodo, sans le métro car il n'y en a pas à Casablanca, mais sinon on y est pas mal. Les semaines de travail sont assez longues et stressantes, pour des motifs très différents de ce que j'ai pu connaître en France. Le week-end, j'essaye vraiment de voir des amis, de passer du temps à me changer les idées, profiter un peu de la vie. Cependant, Casablanca n'est pas si remplie que cela de loisirs variés.

Que fais-tu pendant ton temps libre ? Quels sont les loisirs accessibles aux expatriés ?

Quand j'ai le temps, j'aime faire de la photo. Les loisirs accessibles aux expatriés sont assez divers. Il faut dire que par rapport aux critères locaux, les expatriés ont souvent des moyens au dessus de la moyenne. Le cinéma, pas toujours simple pour des raisons de faible nombre de salles, sport (particulièrement dans des salles, mais pas seulement), ballades, découvertes diverses et variées d'un pays très riche culturellement et géographiquement. Il y a de quoi faire.

Qu'est-ce qui te plait le plus à Casablanca ?

Le fait que beaucoup de choses sont plus facilement accessibles qu'en France. En gros, tout est possible et à moindre coût qu'en France, même si le coût de la vie monte.

Qu'est-ce qui te manque le plus par rapport à la France ?

Les fromages, sans la moindre discussion. On en trouve, mais c'est rare d'en trouver une vraie diversité et le prix est élevé.

Tes spécialités culinaires locales préférées ?

Le problème avec cette question, c'est que cela dépend des moments. Pour sortir des clichés, le couscous est une tuerie, mais des tajines, fritures de poissons, pastillas. C'est cruel de parler de plats délicieux en période de ramadan.

Un évènement particulier que tu as vécu au Maroc et que tu voudrais partager ?

Je le vis depuis presque 10 ans et ça revient tous les ans : le ramadan. L'ambiance est vraiment particulière, le rythme du pays change totalement, au point qu'on va même jusqu'à changer d'heure pour le mois sacré des musulmans. Le pays de tous les paradoxes est vraiment illustré par ce qui se passe à cette période. Entre l'hospitalité et l'énervement voire la tension qui peut régner (à cause de la fatigue), entre l'opulence de la table à l'heure de la rupture du jeûne et l'abstinence (au moins officielle) de la journée, entre le calme de la ville à l'heure de la rupture du jeûne et l'excitation qui précède et l'animation qui suit.

Quel est ton avis sur le coût de la vie à Casablanca et au Maroc en général ?

En ce qui concerne la ville, c'est assez simple. Le coût de la vie y est le plus élevé du pays. On se rapproche de villes européennes sur un certain nombre de choses. Au Maroc, c'est plus nuancé. Si l'on reste dans les villes, ce sera plus cher que dans les campagnes. De même, si l'on est Européen, on a « une tête de portefeuille ». Alors les prix montent tous seuls dans les marchés et souks.

Des conseils aux personnes qui souhaiteraient s'expatrier au Maroc ?

Laissez de côté vos à priori. Venez, ouvrez les yeux, soyez lucides et froids dans votre approche du pays avant de vous y installer, généreux et chaleureux dans votre manière d'y vivre une fois sur place.

Tes projets d'avenir ?

Je crains d'en avoir trop pour parler de tout là. Voyons où la vie nous mène. Ma quête de sens dans ce que je fais, y compris dans mon travail me fera peut être changer de pays, ou pas, de vie, ou pas, de situation personnelle ou pas. Bref, les idées ne manquent pas mais les opportunités me feront peut-être changer d'idée.

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