
L'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap est à la fois un enjeu de taille et un défi pour les différents systèmes éducatifs : dans quelles conditions précises accueillir ces élèves ? Comment adapter son enseignement ? Les approches varient d'un pays à l'autre, reflets de philosophies, de moyens et de contextes culturels différents.Tour d'horizon sur la question.
Quels modèles d'inclusion scolaire pour les élèves en situation de handicap ?
Les études sur le sujet nous montrent que certains pays ont adopté une approche d'inclusion totale, où les élèves en situation de handicap sont pleinement intégrés dans les classes ordinaires, tandis que d'autres maintiennent des filières spécialisées pour l'accueil de ce type de public.
L'Italie et sa politique d'inclusion scolaire totale
La botte italienne est une référence en matière d'intégration totale des élèves en situation de handicap. Le pays est en effet l'un des premiers à avoir fermé, en 1977, ses établissements spécialisés (en dehors des instituts pour les aveugles et les sourds) pour scolariser complètement les élèves en situation de handicap dans les écoles ordinaires, indépendamment du type et de la gravité du handicap.
Cette approche est essentiellement possible grâce à la présence dans la classe d'un enseignant spécialisé avec une formation spécifique aux différents types de handicaps.
La Finlande, une autre référence en matière d'inclusion
Le système éducatif finlandais est lui aussi régulièrement cité comme un modèle d'inclusion abouti.
Les élèves en situation de handicap sont intégrés dans les classes ordinaires dès que possible, et des ressources supplémentaires sont mises à disposition pour répondre à leurs besoins spécifiques. Comme en Italie, la formation des enseignants en éducation spécialisée est un des piliers de cette approche.
Le système met également l'accent sur la collaboration entre les différents acteurs de l'éducation et des services de santé : enseignants, parents, professionnels de santé et services sociaux.
L'Allemagne, une politique d'inclusion hétérogène
On observe une plus grande hétérogénéité en Allemagne. Le pays a gardé jusqu'en 2009 une forte tradition d'écoles spécialisées pour accueillir les élèves en situation de handicap.
Depuis la ratification de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CRDPH), la part d'élèves en situation de handicap fréquentant des établissements ordinaires a fortement augmenté. Leur proportion est passée de 18,8 % en 2008 à 43,9 % dans les dernières années.
Les seize Länder (régions) du pays étant compétents en matière éducative, on observe cependant entre eux des différences importantes. Certaines régions font reposer leur stratégie de prise en charge des élèves en situation de handicap davantage sur les écoles spécialisées que sur les écoles inclusives. C'est notamment le cas de la Bavière et du Bade-Wurtemberg.
Les États-Unis, un continuum dans l'accueil des élèves en situation de handicap
Côté outre-Atlantique, l'Individuals with Disabilities Education Act (IDEA) prône une éducation publique appropriée pour les enfants handicapés, dans un cadre « le moins restrictif possible » (least restrictive environment).
Qu'est-ce que cela signifie ? Dans la mesure du possible, les enfants souffrant d'un handicap sont scolarisés dans des classes ordinaires mais il existe un continuum de solutions possibles en fonction de la situation de l'élève, l'option la plus « restrictive » étant l'enseignement à domicile.
Dans les faits, au cours de l'année scolaire 2022-2023, la majorité des élèves en situation de handicap ont passé 80 % ou plus de leur journée en « classe d'enseignement ordinaire ».
Le Japon, un système à deux voies
Le système éducatif japonais pour les élèves handicapés évolue mais fonctionne plus franchement sur un modèle à deux voies.
Les élèves avec des handicaps importants fréquentent des écoles spécialisées (特別支援学校 - Tokubetsu Shien Gakkō), tandis que ceux avec des handicaps plus modérés peuvent être intégrés dans des écoles ordinaires, avec un soutien adapté. Les classes ordinaires avec soutien accueillent notamment des élèves ayant des troubles comme les TDAH (troubles du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité).
Les principaux outils pour l'inclusion des élèves en situation de handicap
Les enseignants spécialisés
La formation des enseignants est cruciale pour une politique d'inclusion réussie. En Finlande notamment, tous les enseignants reçoivent une initiation de base en « éducation différenciée » pour aider les élèves ayant des besoins spéciaux.
Mais une formation spécialisée spécifique est normalement requise pour intervenir auprès de ce type de public. En France, par exemple, vous devez passer le certificat d'aptitude professionnelle aux pratiques de l'école inclusive (CAPPEI).
Les plans individualisés
Des plans individualisés sont en général élaborés pour les élèves en situation de handicap. Ce sont des documents qui détaillent les objectifs d'apprentissage, les stratégies et les aménagements à mettre en place.
Voici un échantillon des mesures que peuvent contenir ces plans : l'aménagement d'horaires ou de l'emploi du temps; la dispense de certaines activités ou la mise en place d'activités de substitution ; du temps supplémentaire ; l'adaptation des supports de cours (textes aérés, agrandis…), etc.
Ces plans sont généralement élaborés en collaboration avec les parents, l'équipe éducative et des professionnels de santé.
L'aménagement de l'espace; l'assistance technique et technologique
L'utilisation de la technologie est un levier important pour l'inclusion scolaire. Des outils numériques, comme les tablettes et les logiciels éducatifs adaptés sont utilisés pour aider les élèves en situation de handicap à participer pleinement à l'apprentissage.
Côté technique, les aménagements spatiaux et matériels comprennent par exemple l'installation de rampes d'accès, d'ascenseurs ou de signalétiques particulières.
Les défis qu'il reste reste à surmonter pour une éducation inclusive
Un écart qui demeure important avec les élèves sans handicap
Dans beaucoup de pays, le chemin parcouru a été considérable mais il reste bien des défis à relever. Un rapport récent du département de l'Éducation aux États-Unis (et dont les conclusions sont valables pour beaucoup de pays) constate en effet que l'écart de réussite entre les élèves handicapés et non handicapés reste important et persistant. Les élèves du premier groupe obtiennent par ailleurs leur diplôme d'études secondaires à des taux inférieurs et sont davantage soumis au décrochage scolaire.
Des carences en personnel éducatif
À vrai dire, beaucoup d'enseignants ne se sentent pas suffisamment préparés pour répondre aux besoins diversifiés de leurs élèves. En Allemagne notamment, 89 % des enseignants interrogés (intervenant en classes ordinaires) affirment ne pas avoir été suffisamment préparés à l'enseignement inclusif au cours de leur formation.
Par ailleurs, des carences en personnel spécialisé se font souvent ressentir. En Italie, par exemple, moins d'un enseignant de soutien sur trois est véritablement spécialisé dans l'accompagnement des enfants à besoins particuliers alors qu'il s'agit d'un des piliers de la politique éducative inclusive.
Des ressources et des aménagements insuffisants
Le manque de ressources en matériel pédagogique adapté ou en financement, est un autre défi important.
Au Royaume-Uni, par exemple, les coupes budgétaires dans le secteur de l'éducation ont réduit les ressources disponibles pour l'inclusion scolaire, rendant difficile la mise en œuvre de mesures adaptées.
Les enseignants se sentent, par ailleurs, souvent démunis pour adapter leur action pédagogique en raison de nombreux facteurs : des effectifs d'élèves par classe jugés trop élevés, l'absence de supports pédagogiques adaptés et des délais généralement trop longs pour disposer des équipements nécessaires.
Enfin, l'accessibilité des écoles reste souvent limitée (absence de rampe, d'ascenseur ou de toilettes pour personnes handicapées). Au cours de l'année scolaire 2020-2021, seule une école sur trois était accessible aux élèves à mobilité réduite, selon le rapport de la cour des comptes sur la situation en Italie.
Les problèmes de coordination entre les différents acteurs
La coordination entre les différents acteurs de l'éducation et de la santé (enseignants, parents, professionnels de santé, services sociaux) est, comme on l'a vu, capitale pour une inclusion réussie. Mais cette coordination reste souvent difficile à mettre en place étant donné la pluralité des acteurs qui devraient intervenir.
Les inégalités entre les régions
Les disparités entre les régions ou les districts scolaires peuvent entraîner des inégalités dans la qualité des services offerts aux élèves en situation de handicap. On l'a mentionné, c'est notamment le cas en Allemagne où les différents Länder sont chargés des politiques éducatives. De même, les élèves dans des zones rurales ou défavorisées ont souvent moins accès aux ressources d'accompagnement spécialisées.
Conseils pour les parents qui s'expatrient avec un enfant en situation de handicap
Il y a parfois un décalage entre les ambitions d'accueil des élèves à besoins particuliers et les contraintes auxquelles il faut faire face sur le terrain. Dans tous les cas, il est recommandé de :
Se renseigner sur les textes officiels qui régissent la scolarisation des élèves présentant un handicap
Avant de voir concrètement ce qui se passe dans l'école envisagée, il est bon d'avoir une idée précise de la manière dont votre enfant devrait théoriquement être pris en charge. Les textes officiels sont généralement accessibles à partir du site du ministère de l'Éducation du pays cible.
Effectuer une visite de l'école pour constater par soi-même la nature des aménagements
Qu'en est-il des rampes d'accès, de l'aménagement des toilettes, du matériel d'accompagnement dont dispose l'école ? Rien de tel qu'un tour de l'établissement pour s'en rendre compte. Ces visites sont en général possibles lors des journées portes ouvertes ou sur prise de rendez-vous.
Demander si l'éducation inclusive fait partie d'un des axes du projet d'établissement
Le projet d'établissement est un texte qui oriente les principaux axes et objectifs de l'école. Il fait l'objet d'une définition interne et témoigne des ambitions communes de l'équipe éducative d'une école donnée, au-delà des directives générales du ministère de l'Éducation. C'est donc bon signe si l'inclusivité est mentionnée explicitement dans ce projet d'établissement, avec le détail des mesures prises à cet effet.
Se renseigner sur la présence d'un référent handicap à l'école
Il peut s'agir d'un professeur ou d'un autre membre de l'équipe éducative. La mise en place d'une telle ressource est le signe que l'établissement mène une politique active dans le domaine de l'accueil des élèves handicapés.
Chercher les ressources d'accompagnement disponibles dans la langue de scolarisation de l'élève
Y a-t-il, par exemple, des orthophonistes exerçant dans la langue maternelle de votre enfant ? Le Consulat du pays d'accueil met en général à disposition une liste de personnel de santé exerçant dans votre langue maternelle. Il est important d'avoir une idée préalable de ces ressources si cela est déterminant pour la prise en charge de votre enfant.
Se rapprocher des associations de parents d'élèves
Par ce moyen, on peut obtenir des témoignages très concrets de la manière dont le handicap est pris en charge par l'établissement visé. Ces témoignages, combinés aux autres démarches évoquées, permettent de vous formuler une idée précise de la manière dont votre enfant peut être accueilli.



















