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Votre expérience du choc culturel en Belgique

Dernière activité 27 Août 2015 par Philia1980

Nouvelle discussion

Christine

Bonjour à tous,

Vivre dans un autre pays implique de découvrir les différents éléments de sa culture. La maîtrise de tous les codes culturels est parfois le fruit d'un long apprentissage.

Comment cela s'est passé pour vous? Racontez-nous vos expériences du choc culturel en Belgique, vos anecdotes, que vous ayez vécu un moment drôle ou embarrassant.

Quels sont vos conseils pour vivre en douceur cette transition?

Merci d'avance pour vos témoignages,

Christine

Allan.alanine

Les représentations sociales, culturelles.....sont une invitations à être open mind ´ n le propre de l'intelligence utile ici bas est de s'adapter à son environnement immédiat.
Je vous invite à ne pas vous laisser ´ imbiber' de sécurité apparentes....Laissez vous porter par vos inspiration de globe trotteur. En 2015.... L'essentiel est d être UNIVERSEL....
Allan

Philia1980

Je vis à Bruxelles depuis un an, jour pour jour. J’ai choisi de vivre dans cette ville, qui, bilingue, est plus adapté à mes compétences. Mais, finalement, j'y ai ressenti un autre nationalisme, non moins pénible. Le nationalisme de tous ceux, flamands ou wallons, qui se revendiquent comme tels, bien que très sympathique par son souci identitaire, décline en une impasse provinciale. Néanmoins, j'ai décidé de poursuivre mon expérience bruxelloise, pour un an supplémentaire, mais en ancrant ma réflexion davantage dans le réel. Il me fallait aborder plus frontalement mes angoisses et celles des autres.

Je loge mon corps dans le paysage logique de l’université des sciences où j'exerce mes activités, m’abrite dans les rues lisses, souriantes et aisées d’un des quartiers résidentiels, frôle ces gens quelconques qui se refusent, mais désabusés, d’une intimité impénétrable et, tout compte fait, polie. Un exemple : je pratique le footing. Et dans toutes les capitales européennes, où il m’est arrivé de courir, quand je croisais un autre coureur, il était naturel de se dire bonjour. Mais, à Bruxelles, j’ai essayé de réitérer cette politesse, mais à chaque fois, la réaction d'en face était décevante. Mais alors, pourquoi faire les cours de morale à l’école, si l’on est incapable d’appliquer la politesse dans la vie quotidienne ?

Mes déceptions concernent surtout le rapport à l’écrit. Je pensais naïvement que dans le milieu universitaire, les barrières disciplinaires n’existaient pratiquement plus. La liberté de penser est toujours à réinventer ; on ne la retrouve, hélas, le plus souvent, que contraint et forcé, dans un contexte dur d’impossibilités. L’université qui m’accueille, n’est pas un lieu où fleurit vraiment la liberté de penser. Je n’ai par exemple, pas réussi à expliquer à mes collègues doctorants, que la séparation des sciences et des lettres est un artefact universitaire, créé de toute pièce par l’enseignement.

En effet, il a été convenu que l’on sait soit du latin, du grec ou de la littérature moderne, soit de la biologie ou de la physique. Mais cette séparation artificielle n’existait ni chez les Grecs, ni chez les Romains, ni même à l’âge classique. Diderot par exemple, tente, au XVIIIe siècle, de comprendre ce que dit le Mathématicien d’Alembert, et Voltaire traduit Newton. De ce point de vue, l’université a créé l’étrange catégorie d’ ’’ignorant cultivé’’.

Pour corriger cette lacune, je m’efforce d’effacer la barrière des disciplines, alors que la plupart de mes collègues sont dispersés en discipline. J’ai engagé ce débat, avec quelques uns, car j’avais le sentiment que l’Université n’était pas pour eux, un lieu de résistance. Or, pour moi, l’Université est un lieu de résistance, au sens où elle doit distribuer de façon équitable la capacité pour chacun de mettre sa pensée en mots pour les autres. Mais aujourd’hui, certains de mes collègues procèdent à un formatage de l’intelligence qui n’accepte plus ce qui n’est pas déjà su : tout ce qui est nouveau, original, non prévisible est suspect. Je sentais chez-eux, une frilosité par rapport au style. Or, le style, c'est l'homme; quand le style est obscur, c’est là que le bât blesse. Pour certains collègues, il est inutile, pour un scientifique, de travailler son style d’écriture. Pourtant, je n’ai de cesse de ciseler mes phrases, à cause de la clarté, à cause de la beauté, oui. Je n’ai jamais cessé de chercher la beauté. Souvent le beau est l’éclat du vrai, presque son test. Le style est le signe de l’invention, du passage par un paysage neuf. Certains de mes collègues assistants, n’arrivaient pas à comprendre qu’il peut y avoir autant de science dans un poème que de poésie, parfois, dans certains théorèmes.

Dans le milieu universitaire, les Belges n’accordent pas la même importance que nous autres universitaires Français, à La clarté logique du français, l’impeccable précision du vocabulaire, la netteté de la grammaire. Ces trois entités séduisent mon esprit de rigueur et impriment - non sans mal -, une droiture à ma complicité avec la mer noire des passions.

Ici au contraire, il est conseillé d’abandonner les ambiguïtés lexicales et les sens pluriels. Mais j’aime la frappe latine du concept, l’obligation de choisir pour tracer la chute classique de l’argument, et cette impossibilité de tergiverser dans le jugement qui s’avère, en français, plus politique en définitive que moral. Les ellipses de Mallarmé me séduisent : tant de contractions dans l’apparente blancheur d’un contenu insignifiant confèrent à chaque mot la densité d’un diamant, les surprises d’un coup de dès. Je regrette de ne pas rencontrer des Belges, passionnés par ces nuances.

Philia

phipiemar

Bien le bonjour Philia1980,

Tout en n'étant pas entièrement d'accord avec vous, je dois reconnaître que vous nous avez gratifié d'une belle prose. Un peu emphatique à certains moments mais intéressante. Car vous commencez d'une manière subtile dès le départ avec le sous-entendu découlant de la traduction grecque de votre avatar.

Cela faisait longtemps que je n'avais plus eu l'occasion de voir un universitaire partager son savoir avec la plèbe. J'apprécie votre analyse sur la séparation artificielle des savoirs tout en étant déçu par votre chauvinisme cocardier sur la connaissance actuelle du français. Car quand je vois le faible niveau grammatical et orthographique de la population française de moins de trente ans que j'ai été amené à rencontrer durant mes déplacements, je me demande vraiment où sont passés les professeurs de français... La calligraphie, n'en parlons même pas, elle a disparu depuis longtemps.

Provenant de l'industrie, je n'ai pas la même maîtrise de la rhétorique. Mais je pense que vous devriez descendre de votre piédestal philosophique car il y a un point important de la mentalité belge que vous n'avez hélas pas assimilé. C'est que nous apprécions beaucoup plus la personne qui va droit au but plutôt que celle qui vient via des chemins alambiqués. Même si vos intentions sont louables, vous allez vous attirer des inimitiés inutiles.

Cordialement vôtre

Philia1980

Bonjour Phipiemar,

Pourquoi prenez-vous mon témoignage et mes paroles pour des généralités ? Et une impression pour une théorie ? Un sentiment est-il coupable ?

Connaissez-vous cette phrase de René Char (dans le nu perdu) : “Les routes qui ne promettent pas le pays de leur destination sont les routes aimées” ?

Elle ressemble à la façon tronquée dont vous me lisez, en ne prélevant que ce qui vous intéresse. Lire pour comprendre, c’est aller au-delà de l’impression immédiate, de la pure et simplement satisfaction ou insatisfaction sommaire.

Le propos de mon témoignage est d’enlever une place forte, de faire tomber une résistance, d’aller au-delà des murailles et des forteresses qui masquent. Dans l’obscurité, la moindre flammèche est précieuse. Il serait ridicule de s’en priver sous prétexte que le flambeau fait défaut.
 
Écrirai-je et me comprendrez-vous si je vous dis qu’il y a France dans   « souffrance » ? Le fait qu’on puisse trouver d’ici et là, des Français qui ne maîtrisent pas leur langue, est une douleur pour certains universitaires. Mon propos ne vise donc pas le peuple Français, ni le peuple Belge, mais les universitaires (en France, le titre d’universitaire est réservé aux chercheurs et enseignants, et non aux étudiants) Français et Belges. Cette nuance a son importance.

Je sais bien qu’il y a France et France, et que tous les Français ne sont pas si limpides qu’ils voudraient le faire accroire. Pourtant, quand je reviens de Bruxelles, cette vision s’impose. Pas un millimètre de paysage des Universités françaises, qui ne réfléchisse ; l’universitaire Français est ici immédiatement logique. Tout effort s’y dissout et l’argumentation, cependant permanente, s’évide en séduction, en ironie. En revanche, je constate que dans les universités bruxelloises, les collègues ne dialoguent et ne travaillent uniquement qu’avec ceux qui sont dans leur champ de compétence. Vous ne verrez jamais un spécialiste de géométrie, s’intéresser à ce que fait un analyste par exemple. Il est même illusoire de voir un physicien travailler avec un mathématicien.

Vous me demandez de descendre de mon « piédestal philosophique », mais pourquoi  vous attaquez-vous à ma personne et non à mon discours ? Je ressens et pratique beaucoup d’amitié pour des personnes qui ne sont pas de mon avis et dont le désaccord m’instruit même plus que les autres ! Qu’est-ce qui explique selon vous, cette frilosité de certains Belges, par rapport à l’écrit ? Faites-vous une différence entre une ville multiculturelle et une ville cosmopolite ? De mon point de vue, Bruxelles aspire à être une ville cosmopolite, mais c’est surtout une ville multiculturelle, en ce sens que les différentes communautés ne se mélangent pas. Par ailleurs, une infime minorité de Belges, se vivent (les Belges dans leur minorité s'entend!) comme des citoyens du monde. Dans leur majorité, les Belges se définissent avant tout comme flamands ou wallons… Qu’est-ce qui explique selon vous, cette peur de l’étranger et de tout ce qui est étrange dans la ville de Bruxelles ? Vous me diriez, c’est moins flagrant à Ixelles, qu’à Woluwe-Saint-Pierre par exemple. Je vous le concède. Pourquoi l’impolitesse est-elle palpable dans cette ville ? Pourquoi est-il si rare de trouver dans un supermarché, un bon steak de pur bœuf ? Pourquoi n’existe-il pas dans le paysage audiovisuel, de radio essentiellement culturelle ? Pourquoi le débat politique est-il quasi absent dans les médias ?

Je souhaiterais vous entendre sur tous ces sujets. Car, les arguments m’intéressent plus que les opinions, l’orgueilleuse promotion d’une petite vie et de ses petites opinions m’intéresse moins qu’une démonstration honnête, c’est-à-dire désencombrée de l’arrogant moi-même. Alors, je suis dans le point de mire de votre écoute. Mais n’oubliez pas que les opinions se ressemblent autant que les idées se distinguent, et qu’une idée se démontre alors qu’une opinion se défend.

Enfin, last but not least, vous écrivez : « Mais je pense que vous devriez descendre de votre piédestal philosophique car il y a un point important de la mentalité belge que vous n'avez hélas pas assimilé. C'est que nous apprécions beaucoup plus la personne qui va droit au but plutôt que celle qui vient via des chemins alambiqués. Même si vos intentions sont louables, vous allez vous attirer des inimitiés inutiles. »

J’espère que tous les Belges n’adhèrent pas à ce que vous dites ici. Le langage doit laisser place à l’ambiguïté. « Le chat mange la souris » est une information si claire qu’elle n’apporte rien de plus qu’elle-même. Mais avec des assonances, des liens subtils entre mots apparentés par l’étymologie ou par les sons, vous faites appel à l’imagination de l’interlocuteur et suggérez un cheminement qui vous échappe. Je me rappelle cette phrase de Louise de Vilmorin : « Je t’enlacerai, tu t’en lasseras. » Évidemment, le verbe enlacer et le verbe lasser n’ont ni le même sens, ni la même origine, ni la même orthographe. Mais, en les accolant, on entremêle des niveaux différents de l’activité de l’esprit ; en plus de l’information, on transmet un questionnement qui sera orienté par l’interlocuteur. Le même processus intervient lorsque la réponse de la science à une question débouche sur des questions nouvelles auxquelles personne n’avait encore pensé…

Bien cordialement,

Philia

Philia1980

Bonjour Allan,

Être ici ou d'ailleurs, quelle importance ? Est-ce seulement possible ? Épouser un pays, ses particularités, c'est épouser ce qu'il y a de petit. S'en tenir à sa terre, c'est ramper. Je veux me redresser. Ce qui m'intéresse dans les hommes, désormais, ce n'est pas ce qu'ils ont de flamand ou wallon, breton ou corse, congolais ou marocain…, c'est ce qu'ils pourraient avoir de beau, de généreux, de juste, ce qu'ils peuvent inventer qui rendrait le monde meilleur et habitable.

Bien cordialement,

Philia

phipiemar

Bien le bonjour Philia,

Etant désireux de rester dans le cadre de cette discussion qui concerne le choc culturel pouvant être ressenti en Belgique par un étranger, je ne vous répondrai pas présentement. Je vous répondrai par message privé.

Philia1980

Bonjour Phipiemar, Bonjour aux lectrices et lecteurs qui me liront plus tard.

Je n’ai pas l’impression de faire du hors-sujet en abordant la thématique du choc culturel sous cet angle. Toutefois, il serait utile de préciser que la plus grande différence entre la France et la Belgique, dont vous vous réclamez, ne vient ni de la morale, ni de la psychopathologie, ni des pratiques universitaires, je crois, mais du système politique : nous vivons en France en république et les Belges ont instauré chez eux, une royauté. Cela retentit profondément sur la vie quotidienne et intellectuelle.

Anecdote : Une étudiante Américaine m’avait fait parvenir son CV, pour me demander de l’aider à trouver en Belgique, une Université d’été. J’ai soumis ce CV à mes collègues… Mais, comme ce document ne comportait ni photo, ni l’âge de la postulante, mes collègues ont crié au scandale ! L’un d’eux a même eu cette remarque, qui m’a laissé bouche-bée : pourquoi ne précise-t-elle pas sa confession ? Bref, le CV anonyme n’est pas à l’ordre du jour, en Belgique, alors qu’il est de rigueur aux États-Unis et fortement recommandé en France. Tout ne peut pas être dit dans un CV, tout ne doit pas être dit.

Je constate aussi qu’en Belgique, n’importe qui peut savoir n’importe quoi sur autrui, sans que celui-ci l’autorise de le faire. Le voyeurisme total qui est l’engin même de certains recruteurs, de certains propriétaires, de certains citoyens Belges est très grave. Ces paparazzis, au sens le plus large, rendent presque impossible la vie privée. Et une démocratie sans vie privée, sans vie professionnelle protégée, qui tolère la délation est aussi une contradiction.
Je connais des collègues étrangers, de toutes nationalités, qui étaient obligés de se mettre à nu, tout simplement parce qu’ils posaient leur candidature à un poste universitaire, ou étaient tout simplement à la recherche d’un logement. Les coups de fil passés à leur insu, animés par une seule obsession, sont une insulte à l’idée que je me fais de la définition de l’homme.

Fort heureusement, j’ai été épargné jusqu’ici, par ce déballage, n’ayant de comptes à rendre qu’à mon Université de rattachement (en France !), et pouvant à tout moment faire un retour aux sources, si j’estime que l’air du pays d’accueil devient irrespirable. Je suis conscient du risque que je prends, en m’exprimant ainsi, le risque de m’exposer à une délation, mais il vaut mieux être honnête sur ses erreurs que d'essayer de bluffer.

Ma modeste expérience bruxelloise, me fait dire que nulle part on n’est plus étranger qu’en France, nulle part on n’est mieux étranger qu’en France. Je rends donc hommage à la culture française qui m’a adopté, et qui n’est jamais plus française que quand elle se met en question, jusqu’à rire d’elle-même – et quelle vitalité dans ce rire ! – et à se lier aux autres. Les Belges en revanche, n’aiment pas que les étrangers critiquent leur pays…

Je viens de dénoncer le voyeurisme de certains Belges. Parallèlement, lorsque je cherche à trouver une bonne école de kinésithérapie, pour mon filleul, personne n’est à mesure de me donner les informations que je souhaite obtenir. Impossible de trouver les données qui mettent en avant la capacité des établissements à «faire progresser leurs élèves». Il peut s’agir du taux de réussite de la première à la deuxième année de chaque Haute École en kinésithérapie ? Le taux d’accès en Master (c'est-à-dire le nombre d'élèves qui suivent l'ensemble de leur parcours, de la première année à la quatrième année, dans le même établissement), la proportion de bacheliers parmi les sortants et "la valeur ajoutée" par les étudiants ? Bref, je ne suis pas à mesure d’évaluer, l'accompagnement et la capacité de chaque Haute École de la ville de Bruxelles,  à faire progresser ses élèves. Là est le paradoxe belge…

Je ne vais pas m’éterniser sur mes déceptions. Je me contente de ne livrer que le résultat, c'est-à-dire la confiance et l'optimisme qui, aujourd'hui, m'habitent. Je n'éprouve aucun besoin de ressasser mes déceptions et mes déboires. D'abord parce que je n'aime pas la posture de victime, l'apologie du pathos, le culte que notre époque voue au négatif. Ensuite parce que je trouve plus intéressant de parler de ce qui sort d'une épreuve que l'on a traversée plutôt que revenir sans cesse sur le choc qui l'a provoquée. Au fond, je n'arrive à parler de ce qui me constitue vraiment qu'à travers mes écrits. Chacun a ses secrets, ses déséquilibres. Moi, j'ai atteint ce point de secrets et de déséquilibres qui rend fécond.

Bien cordialement,

Philia

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