Royaume-Uni : une destination de choix malgré ses politiques migratoires restrictives

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Publié le 2023-09-06 à 13:00 par Asaël Häzaq
On a pressenti sa chute avec le Brexit, puis avec ses réformes jugées agressives contre les immigrants. Des immigrants qui, une fois partis, manqueraient cruellement à l'économie britannique, les nationaux ne parvenant pas à combler les pénuries de main-d'œuvre. Mais si les pénuries sont là, les immigrants aussi. L'intérêt des étrangers pour le Royaume-Uni bat des records malgré le tour de vis du gouvernement. Comment expliquer ce paradoxe ?

Tous au Royaume-Uni

D'après une récente étude publiée par Indeed, la proportion des recherches d'emploi au Royaume-Uni effectuées par les travailleurs étrangers est passée de 2,2 % en 2021 (un bas historique) à 5,5 % en 2023. Si l'écart semble peu élevé, la hausse est bel et bien significative, et s'élève, selon l'Indeed, à +146 %. C'est bien plus que la hausse observée entre 2017 et 2019.

Comment expliquer ces hausses ? Depuis 2021 et l'entrée en vigueur du nouveau système d'immigration à points, venir travailler au Royaume-Uni est plus contraignant. Les employeurs sont désormais dans l'obligation de parrainer les candidats n'ayant pas de permis de séjour permanent ou de statut fixe pour leur obtenir des visas avant leur venue sur le sol britannique.

Malgré les contraintes, les chiffres du rapport Indeed montrent un intérêt accru des travailleurs étrangers pour les métiers du soin et de la santé à domicile, surtout des travailleurs indiens, nigérians et sud-africains. L'étude enregistre 9,3 % de clics venant de l'étranger, soit 7,3 points de plus qu'en 2019. Le Royaume-Uni reste confronté à de graves pénuries de main-d'œuvre dans le secteur de la santé. La NHS, exsangue, embauche bien au-delà de ses frontières. Des médecins et soignants du continent africain sont recrutés pour travailler au sein des institutions britanniques moyennant un salaire plus élevé. Ce phénomène creuse un peu plus le déficit de praticiens dans leurs pays respectifs. Une situation dénoncée par l'OMS en raison d'une pénurie mondiale de médecins, mais qui ne freine pas les expatriations vers le Royaume-Uni. Car le pays reste perçu comme dynamique sur le plan économique.

Baisse démographique et nouvelles tendances migratoires

Si les grandes terres d'immigration attirent toujours autant les candidats à l'expatriation, les États plus petits se démarquent, comme l'Irlande, 15e pays le plus plébiscité par les demandeurs d'emploi étrangers. Le Luxembourg, Oman et la Suisse se démarquent aussi. Ils arrivent respectivement en première, deuxième et troisième places. La guerre en Ukraine a aussi rebattu les cartes de la mobilité internationale pour le travail. Là encore, les grandes terres d'immigration restent en haut du classement. Les réfugiés ukrainiens s'orientent davantage vers les pays anglophones. Indeed enregistre 34 % de clics pour le très populaire Canada, et 25 % de clics pour son voisin américain. Le Royaume-Uni obtient 15 % de clics.

Pour Pawel Adrjan, directeur de la recherche chez Indeed, il faut aussi prendre en compte le vieillissement de la population dans de nombreuses grandes économies. Pénuries de main-d'œuvre et baisse démographique expliquent aussi les tendances migratoires observées à l'échelle mondiale.

Mais ce n'est pas du côté du système de visas à points qu'il faut chercher les réponses à l'attrait constant des étrangers pour le Royaume-Uni. Car les visas à points, censés promouvoir l'immigration choisie en « limitant » l'embauche aux talents étrangers, et par ricochet, en favorisant celle des locaux, peine à convaincre. D'après une étude du Chartered Institute of Personnel and Development (CIPD), association de ressources humaines basée à Londres, à peine 15 % des employeurs ont utilisé le nouveau système pour parrainer des travailleurs expatriés. Selon la CIPD, si le système du visa à points fonctionne pour les expatriés hautement qualifiés, il convainc moins pour d'autres secteurs. Les postes difficiles à pourvoir restent difficiles à pourvoir, et les entreprises peinent à recruter. Même constat en demi-teinte pour les locaux.

Un rêve britannique ?

Le Royaume-Uni reste un objectif pour nombre de candidats à l'expatriation. Le projet du gouvernement d'augmenter la surtaxe sanitaire des immigrants ainsi que les frais de demande de visa de travailleur qualifié fera-t-il perdre des points au Royaume-Uni ? Pas si sûr. Le pays reste vu comme une économie ouverte, à dimension internationale, avec des opportunités professionnelles plus nombreuses. Malgré une inflation inquiétante, une crise du logement et des manifestations inédites depuis 2022, le Royaume-Uni continue d'attirer les candidats à l'expatriation.

Plutôt que de s'attarder sur les déchirures internes au pays, les étrangers regardent plutôt aux nombreux métiers en tension. Ils sont suivis par nombre d'entreprises, pour qui ne former que les locaux pour se passer des étrangers, comme l'appelle de ses vœux la ministre de l'Intérieur Suella Braverman, n'est ni réaliste ni réalisable. Pour les talents étrangers, ce sont autant d'opportunités professionnelles à saisir.