Dérèglement climatique : Les risques pour Maurice

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Publié le 2023-07-06 à 12:33 par Lila Chaleon*
Dans son rapport « Database on Climate Related Risks June 2023 », le ministère de l'Environnement a mis en évidence une réalité alarmante pour l'île Maurice, exposée aux conséquences du dérèglement climatique. Bien que les émissions de gaz à effet de serre (GES) de Maurice soient négligeables, le réchauffement climatique et ses répercussions sur les écosystèmes naturels sont inévitables et se font déjà sentir.

Alors que des pluies torrentielles affectent déjà régulièrement le pays, Maurice devra faire face à des risques de plus en plus importants dans les années à venir.  

De plus en plus de cyclones

En premier lieu, le rapport observe une hausse inquiétante du nombre de cyclones frappant l'île. Au cours des dix dernières années, quasiment chaque saison a été marquée par une intensification explosive d'au moins un cyclone. Cette augmentation du nombre de tempêtes de cette intensité accroît considérablement les risques de frappes cycloniques, même si elles ne sont pas imminentes ou fréquentes. En effet, le nombre moyen de cyclones dépassant l'intensité des cyclones tropicaux est passé de 3,9 par an entre 1981 et 1990 à 4,7 entre 1991 et 2020. Par ailleurs, selon les prévisions du rapport, la région sud de l'océan Indien devrait être confrontée à une augmentation de 18 % par décennie de la probabilité de développement de cyclones tropicaux majeurs. Une tendance inquiétante qui souligne les risques croissants auxquels Maurice et le reste des Mascareignes seront confrontés en termes de phénomènes cycloniques de grande intensité dans les années à suivre.

De nombreuses sécheresses

Ce n'est pas un secret : le changement climatique a entraîné une augmentation de la fréquence des périodes de sécheresse. En effet, la diminution de la pluviométrie annuelle moyenne de 104 mm sur une période de 70 ans entre 1951 et 2020 a un impact considérable sur l'île, et chaque année, les mauriciens se trouvent confrontés à des épisodes de sécheresse de plus en plus virulents. Les régions du plateau central, du nord et de l'ouest sont les plus touchées, avec une diminution de la pluviométrie de 7,7 % pour la période de 2011 à 2020 par rapport à 1951 à 1960.

Eboulements et glissements de terrains

Le rapport met aussi en lumière des phénomènes de glissement de terrain de plus en plus fréquents. Ces dernières années, le nombre de ces incidents a augmenté, provoquant de nombreuses destructions de logements et d'infrastructures.En 2011, le gouvernement a identifié 37 sites vulnérables sur l'île, parmi lesquels sept zones à risque ont été identifiées, à savoir Palma, Curepipe, Rivière-des-Créoles, Batellage, Olivia, Kewal-Nagar et la montagne des Signaux. D'autres régions comme Chitrakoot, Quatre-Sœurs, Vallée-Pitot, La Butte, Chamarel et la crête du Corps de Garde présentent également un risque élevé de glissements de terrain, avec des incidents récents ayant entraîné la destruction de logements et d'infrastructures.

Une biodiversité en danger 

Maurice abrite l'une des flores insulaires les plus menacées au monde, avec 89 % de sa flore endémique désormais considérée comme menacée. Actuellement, 61 espèces indigènes du pays sont déjà éteintes. Les principales menaces pour la biodiversité mauricienne sont la déforestation, les espèces invasives, la modification de l'habitat et la pollution, aggravées par les effets néfastes du changement climatique. À l'heure actuelle, seulement 2 % de l'île est recouverte de forêts primaires, accentuant le risque de disparition des espèces. Les coraux de Maurice sont durement touchés par le réchauffement des eaux marines. En effet, des épisodes récurrents de blanchiment ont été enregistrés ces 20 dernières années, affectant jusqu'à 60 % des coraux. 

Le blanchissement des coraux se produit lorsque les coraux perdent leur symbiose avec les microalgues qui vivent à l'intérieur d'eux. Cela se produit en raison du stress causé par des conditions environnementales défavorables, telles que des températures de l'eau élevées. Lorsque les coraux blanchissent, ils deviennent vulnérables à la maladie et à la mort. Ce phénomène a des conséquences graves sur la biodiversité marine. Les coraux abritent une grande variété d'espèces de poissons, de crustacés, de mollusques et d'autres organismes marins. Lorsque les coraux meurent en raison du blanchissement, cet habitat précieux est détruit, ce qui entraîne une diminution de la diversité des espèces et un déséquilibre écologique. De plus, les coraux jouent un rôle crucial dans la protection des côtes contre l'érosion et les tempêtes. Leur structure solide agit comme une barrière naturelle contre les vagues et aide à prévenir l'érosion des plages. Lorsque les coraux meurent, cette protection naturelle est perdue, ce qui expose les côtes à un risque accru d'érosion et de dommages causés par les tempêtes.

Bientôt la disparition des plages ?

L'érosion représente un sérieux problème à Maurice : les autorités locales s'inquiètent d'une disparition totale des plages d'ici 50 ans. Selon le Bureau des Nations unies pour la prévention des catastrophes (UNISDR), le niveau de la mer augmente à Maurice de 5,6 millimètres par an : deux fois la moyenne mondiale. Une situation représentant un enjeu majeur pour un pays fortement dépendant du tourisme, où environ 20 % de la population vit dans des zones côtières. Pour faire face à ce danger imminent, d'importants travaux de construction de murs de protection ont été entrepris il y a trois ans dans 21 sites à risque. Mais malheureusement, c'est actuellement près d'un demi-hectare de plage qui est emporté par la mer chaque année, privant progressivement les Mauriciens des paysages paradisiaques si appréciés des touristes depuis 40 ans.

Rs 890 millions pour faire face à la crise

Face à cette situation critique, le gouvernement mauricien a pris des mesures pour renforcer les capacités de préparation et de réponse aux catastrophes naturelles, en particulier celles liées au climat. Le budget 2023/24 a alloué une somme de Rs 890 millions aux départements du Mauritius Fire & Rescue Service, du Mauritius Meteorological Service et du National Disaster Risk Reduction and Management Centre. Ces investissements visent à améliorer la prévision et la préparation aux urgences, ainsi que la gestion des risques climatiques. Mais bien que Maurice ait progressé dans sa préparation aux risques climatiques, passant de la 14e à la 107e place parmi les pays les plus exposés, il reste encore de nombreux défis à relever pour protéger l'environnement fragile de l'île et faire face aux conséquences croissantes du dérèglement climatique.