TIC : Licenciements et baisse des recrutements au niveau mondial

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Publié le 2022-11-30 à 07:00 par Asaël Häzaq
Que se passe-t-il dans le monde de la Tech ? 2022 est-il une « année noire », comme l'annoncent certains spécialistes ? Microsoft, Meta, Twitter, Salesforce, et bientôt Amazon, qui prévoirait de licencier 10 000 employés. À Singapour, l'heure n'est pas à la fête. Les expatriés sont nombreux à avoir choisi l'État pour son dynamisme économique. Les grandes puissances de la Tech aussi se sont massivement implantées à Singapour. Maintenant que les géants se retirent, les emplois de nombreux locaux et expatriés sont menacés. Décryptage.

À Singapour, temps gris dans les TIC

« C'est un moment triste, on ne peut pas dire les choses autrement », concède Mark Zuckerberg, le grand patron de Meta. À peine 18 mois après sa création, le groupe (il regroupe Instagram, WhatsApp, Messenger et le pionnier Facebook) enclenche le plus vaste plan social de son histoire. 11 000 personnes dans le monde sont licenciées le 9 novembre, soit 13 % des effectifs. Parmi eux, des travailleurs à Singapour, le siège social de la firme en Asie-Pacifique.

En septembre, le géant singapourien Sea Limited, détendeur de Garena, annonçait lui aussi des réductions de personnel. Depuis le mois de juin, l'entreprise a licencié 10 % de son personnel (environ 7000 personnes). On connaît Garena grâce au célèbre jeu « League of Legends ». Mais rien ne va plus pour la société qui, après avoir bien géré la pandémie, a vu ses actions plonger de plus de 72 % cette année. Garena subirait le contrecoup du blocage de l'Inde. Au début de l'année, le gouvernement indien a bloqué une cinquantaine d'applications liées à la Chine, au nom de sa sécurité nationale. Or, Garena et son jeu « Garena's Free Fire : illuminate », comptait la moitié de ses utilisateurs en Inde (40 millions d'utilisateurs actifs mensuels en Inde sur 75 millions dans le monde).

Et les mauvaises nouvelles continuent pour Singapour. StashAway, start-up singapourienne de gestion de patrimoine numérique basée, a licencié 14 % de ses effectifs. Le bureau de change Crypto.com, également basé à Singapour, s'est séparé de 5 % de son personnel. À un jour d'intervalle, Stripe et Twitter annoncent des licenciements massifs. Les bureaux de Singapour seront une nouvelle fois touchés.

Licenciements dans la Tech : impacts sur l'expatriation

Pour Singapour, c'est un coup dur. Coup dur aussi pour les locaux et les expatriés. Singapour a misé sur les TIC (Technologies de l'information et de la communication) pour devenir une place forte de l'innovation. Devenu le hub de l'Asie du Sud-Est, le pays a l'un des PIB par habitant les plus élevés au monde, avec 73 000 dollars par habitant (en 2e position, derrière le Luxembourg). La cité-État est la 4e place financière mondiale ; les finances représentent 15 % de son PIB, l'industrie, 26 % (chiffres 2021). Les grandes puissances ne viennent pas à Singapour par hasard. Elles y trouvent l'écosystème qui nourrira leur développement. D'après l'agence gouvernementale Economic Development Board, 46 % des sièges régionaux asiatiques sont à Singapour. Les talents internationaux viennent aussi en nombre, à commencer par les expatriés indiens.

Crise des TIC dans les autres pays

Qu'en est-il dans les autres pays ? « L'hiver de la Tech », comme l'appellent certains, n'épargne aucune puissance économique. Il est particulièrement rude aux États-Unis. D'après le site participatif trueup.io, 200 000 salariés du secteur ont été licenciés depuis le début de l'année. Tesla a licencié 3500 salariés en juin. Twitter, fraîchement racheté par Elon Musk, se sépare de 3700 employés le 9 novembre, puis 4400 contractuels quelques jours plus tard. Shopify s'est déjà séparé de 10 % de son personnel dans le monde. Netflix, Paypal, Coinbase, Uber, Snap… l'hécatombe n'en finit pas.

Certains États résistent mieux que d'autres. En France, par exemple, peu de chances d'assister à des vagues de licenciements par Zoom, comme on a pu le voir aux États-Unis. Le Code du travail français ne permet pas une telle flexibilité. Une sécurité côté salariés, qui peuvent espérer conserver leur poste. Néanmoins, la French Tech, écosystème de startups françaises, ralentit le rythme. Les prévisions de croissance sont revues à la baisse, les embauches aussi. C'est que l'hécatombe n'en finit pas. Mardi 22 novembre, le groupe HP a annoncé se séparer de milliers de salariés dans le monde (environ 10 % de son effectif). Objectif : économiser 1,4 milliard de dollars par an.

Israël, la « startup nation » voit rouge. En juillet, Asurion, compagnie d'assurance américaine, ferme son centre de développement israélien. Le même mois, AID Genomics, société de technologie médicale singapourienne, lance une restructuration massive : le centre israélien de R&D est transféré à l'étranger, les investissements prévus en Israël sont annulés, environ 400 personnes sont licenciées, dont la majorité en Israël.

Pourquoi cette crise dans la Tech ?

Pourquoi une telle vague de licenciements dans le monde ? Et pourquoi la Tech, secteur que l'on croyait en pleine croissance ? Une croissance même accélérée durant la Covid. Pour les experts, 2022 est l'année d'un retour à la normale. Les habitudes de consommation, fortement modifiées durant les confinements (plus de livraisons à domicile, de streaming, de jeux etc.) ont propulsé les start-ups. Mais avec le retour à la normale, toutes ces activités ont elles aussi diminué. La guerre en Ukraine et l'inflation achèvent la série noire. Les géants de la Tech ont massivement embauché pendant la Covid. Face à la crise, ils revoient leur stratégie a minima. Les locaux et talents internationaux sont les premiers à payer les pots cassés.

Entre janvier et mars 2022, Netflix avait déjà perdu près de 200 000 abonnés. Du jamais du depuis plus de 10 ans. L'entreprise décide de licencier 150 salariés, principalement aux États-Unis. La FinTech est aussi touchée. L'entreprise suédoise Klarna va se séparer d'environ 10 % de ses effectifs (500 salariés). Klarna se justifie, avançant des perspectives de croissance pensées dans « un monde très différent de celui d'aujourd'hui ». Au final, l'univers des TIC a déjà licencié plus de 130 000 personnes dans le monde en 2022.

Mais pas de panique. Selon les experts les licenciements massifs dans la Tech n'ont rien d'inquiétant. S'ils détruisent des emplois à court terme, c'est sur le long terme qu'il faut apprécier leur évolution. Le marché repartira aussi rapidement qu'il a ralenti. D'autres sont plus prudents, et redoutent une « bulle post-pandémique » aux conséquences potentiellement critiques pour les startups.