Le Canada perd-il son attrait aux yeux des expatriés ?

Vie pratique
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Publié le 2022-05-02 à 13:45 par Asaël Häzaq
Le Canada reste parmi les pays favoris des expatriés. Mais il est concurrencé par d'autres destinations. La Suisse rafle ainsi la première place du classement HSBC 2022. L'Australie et la Nouvelle-Zélande occupent la deux et troisième place du podium. Le Canada arrive treizième. En parallèle, une récente étude menée par l'ICC (Institute of Canadan Citizenship) révèle que 30 % des nouveaux arrivants au Canada envisagent de repartir dans les deux ans. Faut-il en conclure à un désamour des expatriés pour le pays ? Comment expliquer cette baisse de popularité du Canada ?

Perspectives de carrière et coût de la vie

+ 6,7 %. Le Canada n'échappe pas à l'inflation. En mars dernier, les prix de la consommation continuent d'augmenter. Les denrées alimentaires coûtent 8,7 % plus cher, l'essence, 11,8 % plus cher (chiffres : Statistique Canada). Des hausses qui ont des répercussions concrètes sur le pouvoir d'achat des individus. 75 % des jeunes immigrants (entre 18 et 35 ans) reconnaissent que l'augmentation du coût de la vie pourrait les amener à quitter le pays. 46 % des Canadiens du même âge pensent la même chose. À l'heure de l'économie mondialisée et digitale, la mobilité ne pose plus question, surtout chez les jeunes talents étrangers.

Reste cependant à expliquer le grand écart entre la position des Canadiens et celle des expatriés. Pour Daniel Bernhard, directeur général de l'ICC, le problème se situe au niveau de la reconnaissance des compétences des immigrants. Le Canada est en manque chronique de talents internationaux. Paradoxalement, il ne semble pas toujours reconnaître le niveau d'étude des jeunes expatriés ni leurs compétences. Pourtant, selon Daniel Berhnhard, ces jeunes talents étrangers sont deux fois plus susceptibles de posséder de hauts diplômes, comparativement à la moyenne des Canadiens. Leurs qualifications réelles ne seraient donc pas prises en compte. Résultat : des propositions de travail bien en deçà de leurs capacités, pour un niveau de salaire lui aussi bien inférieur à ce qu'ils pourraient espérer. Une grande désillusion pour les expatriés, et un problème sociétal pour le Canada, confronté à ses propres contradictions.

Immigration et enjeux sociétaux

L'incompréhension reste entière, et les rumeurs enflent. Les dossiers des francophones voulant immigrer au Canada seraient traités plus lentement que ceux des anglophones. Réunis au sein du collectif « Francophone express entry », les candidats lésés en appellent à l'institution Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et lance une pétition en ligne. Ils remettent en cause les délais de traitement des dossiers. S'ils sont bien d'environ 6 mois pour les anglophones, ils seraient bien plus longs pour les francophones. Des dossiers datant de 2020 n'ont toujours pas été traités. En mars 2022, l'IRCC promettait bien un délai de traitement de 6 mois pour toutes les demandes de visa « express entry ». L'institution modifie rapidement l'annonce, et fait passer le délai à 22 mois. L'incompréhension grandit pour les francophones. Les tentatives de réponses peinent à convaincre.

Différences de traitement entre immigrants, problème de reconnaissance des diplômes, et pourtant, un manque toujours croissant de talents internationaux. Vue de l'extérieur, la question migratoire est réglée depuis longtemps, au Canada. Le pays est régulièrement cité comme l'un des rares à réellement vivre le multiculturalisme et l'égalité des chances. Les discriminations sont cependant bien là, mais leur perception varie selon les groupes de population. 45 % des Canadiens pensent que les étrangers ont les mêmes opportunités professionnelles qu'eux. À peine 33 % des étrangers pensent la même chose. Et quand bien même le Canada leur offrirait de bonnes conditions de vie, ils sont 75 % à considérer un éventuel départ. Pour Daniel Bernhard, l'enjeu est sociétal. Comment penser le Canada d'aujourd'hui et de demain ? Comment garantir une réelle égalité des chances ? Il y a urgence à débattre, car le Canada dépend largement des talents étrangers.

Conclusion

Cercle vertueux ou cercle vicieux ? Au Canada d'agir rapidement pour que s'applique la première option. Les économistes rappellent que le pays est, par nature, une terre d'immigration, et tire sa richesse des compétences des immigrés. Nier leur talent les ferait se tourner vers d'autres pays. Impensable, pour le Canada, dont l'économie est de nouveau malmenée par une vague Covid. La Covid, qui a montré les fragilités du système de santé du pays. Pour combler le manque de main-d'œuvre chronique, le Québec recrute directement à l'étranger. Et sur son propre territoire ? Les entreprises canadiennes sont appelées à reconnaître davantage les talents internationaux. Le Canada a réussi sa promotion en tant que pays du bien-être et pays touristique. De même, les experts encouragent une communication autour de la réussite professionnelle au Canada. Donner les mêmes chances aux immigrants, reconnaître leurs talents, les accompagner et promouvoir leur évolution de carrière. Le Canada reste cependant l'un des pays favoris des expatriés. Charge à lui de relever ces nouveaux défis pour continuer d'attirer des talents étrangers, et surtout, de les garder.