La fin du Golden Package pour les expats ?

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Publié le 2021-11-16 à 10:00 par Asaël Häzaq
Réouverture des frontières, reprise économique… L'heure n'est pourtant pas à la fête. La reprise épidémique fait de nouveau passer l'Europe dans le rouge, et le monde s'alarme. Les entreprises se réorganisent et taillent dans les dépenses. Est-ce la fin du Golden package pour les expats ?

Parmi celles qui avaient recours à l'expatriation, on observe un changement des pratiques : moins de packages expatriation, ou plus de packages du tout. C'est la traque à toute dépense jugée superflue. Quel avenir pour les travailleurs internationaux ? La Covid-19 a-t-elle définitivement tué les packages expatriation ?

Un package expatriation en question

Indemnité d'expatriation, logement, voiture de fonction, smartphone et équipement informatique, chauffeur, mutuelle, aide ménagère, garde d'enfants, aide au déménagement et à la tenue des formalités administratives, frais de scolarité, bonus…  Le package expatriation, c'est cet ensemble d'avantages accordés au futur expatrié. Avantages pour certains (directeurs et autres hauts postes), ils sont plutôt une compensation pour les autres. Car l'aventure expatriation, c'est aussi une possible baisse de salaire, notamment si l'expatrié par avec son conjoint. Ce sont des pertes de revenus supplémentaires si les enfants sont du voyage : frais de scolarité, garde, etc. Les différentes crises financières ont changé la donne. Éclatement de la bulle spéculative japonaise à la fin des années 90, crise américaine des années 2008-2009 entraînant une crise mondiale, crise immobilière et bancaire espagnole des années 2010, crise de la dette grecque à la même période... et la pandémie actuelle, qui plonge le monde dans une récession sans précédent depuis les années 30. Ça fait beaucoup. Beaucoup trop, pour les entreprises, même les plus grandes. 

Le triste rythme de ces crises rappelle que les pays sont interdépendants. La faillite de Lehaman Brothers scelle le sort des États-Unis et précipite le sort de la Grèce. Les autres pays suivent. Les crises se succèdent, mais ne se résorbent pas tout à fait. La Grèce porte entre les stigmates de sa quasi-faillite. Dans beaucoup d'États, la Covid n'a fait qu'aggraver des situations déjà tendues. Difficile, dans ces conditions, d'envoyer des expatriés sur de confortables matelas financiers. Dès septembre 2020, le Journal of International Management se penche sur le sort du package expatriation à travers une étude : « Sustainable expatriate compensation in an uncertain environment ». Pour Jane F. Maley, Miriam Moeller et Alina F. Ting, autrices de l'étude, le constat est sans appel : « même si l'expatriation présente de nombreux avantages pour les multinationales, elle est bien trop coûteuse. »  

Fin des packages expatriation, fin des expats ?

Pourquoi partir ? Les plus radicaux répondent et concluent : « L'ère prospère des packages expatriation pour tous appartient au passé. C'est la fin des expats. » Leur principal argument : la Covid-19 et tous les changements qu'elle a entraînés, notamment, concernant le rapport au travail. Le télétravail et la multiplication des nomades numériques auraient fait chuter le besoin de main-d'œuvre étrangère. Avec le chômage en hausse, les États préféreraient se replier sur les locaux, notamment, les jeunes diplômés durant la pandémie. Les talents locaux ne manquent d'ailleurs pas, et coûtent moins cher que des expatriés. Les coûts d'expatriation, eux, ont bondi. Le Japon est la destination la plus chère, avec un package estimé à 405 685$. Le Royaume-Uni arrive en deuxième position (404 405$), suivi de l'Inde (318 596$), de la Chine (285 804$) et de Hong Kong (279 399$). En parallèle, le coût de la vie a, lui aussi, grimpé.

Mais d'autres nuancent, rappelant les appels ouverts à la main-d'œuvre étrangère. Le plan immigration 2022 du Québec est sans équivoque. En Israël, le ministre de l'Innovation a lancé une main tendue aux étrangers qualifiés dans le secteur des nouvelles technologies. Les start-up israéliennes ne trouveraient pas assez de potentiels sur place. Même problème en Finlande, mais dans plus de secteurs : industrie, santé, agriculture, services sociaux… La Suisse ouvre aussi ses bras aux talents étrangers et le fait savoir. Même lettre d'amour ouverte pour la Thaïlande, qui promet des formalités facilitées pour les expatriés. Il y a quelques mois, le magazine Harvard Business Review publie une étude sur les bienfaits de l'expatriation. Expérience humaine, elle améliorerait la créativité, ouvrirait le champs des possibles professionnels, rendrait plus tolérant. Tous s'accordent cependant sur un point. La Covid-19 enterre une certaine vision de l'expatriation, celle des packages expatriation – surtout des « golden packages » – super bonus avec primes diverses, doublement des salaires, intérêts en nature. Ces packages-là ne pourraient désormais concerner qu'une infime partie des expatriés : les hauts responsables, les directeurs qui n'ont d'autre intérêt à immigrer dans tel ou tel pays que l'avantage financier. Mais pour la grande majorité, c'est la fin de l'ère des « globe-trotters de la classe affaires dont la carrière consiste essentiellement à faire la navette entre Bombay, Abou Dhabi et Lagos. » (The Economist). 

Les nouveaux visages de l'expatriation

Plus question de doubler ses revenus en 2021, ni même dans les années à venir (sauf peut-être pour les gros postes). Au package expatriation, on préfère désormais les avantages qualitatifs : formation sur la culture du pays d'accueil, apprentissage de la langue… Les candidats à l'expatriation eux-mêmes recherchent plus de concret. La pandémie a fragilisé les revenus, pas les rêves. Parce que la fermeture des frontières a traumatisé le monde, les voyageurs aspirent à l'ailleurs. Partir, non pas pour être plus riche, mais pour vivre mieux, pour se reconnecter aux autres et à soi. Plus qu'un simple départ pour le travail, l'expatriation est un projet de vie. Le voyage s'inscrit alors dans un parcours de vie permettant à l'expatrié de poser un nouveau regard sur son environnement et sur lui-même.