COVID-19 : un médecin expatrié en Chine parle de son volontariat pendant l'épidémie

Vie pratique
  • couple de medecins mauriciens en Chine
    Sumayyah Hosany
Publié le 2020-03-17 à 12:20 par Veedushi
Après que la Chine ait officiellement annoncé que le pic de l'épidémie de COVID-19 a été atteint, la situation revient lentement à la normale. Sumayyah Hosany, une expatriée mauricienne vivant à Wenzhou avec son conjoint Hamad Abdul Zahir, originaire du Pakistan, se confie à Expat.com. Tous deux sont médecins et se sont portés volontaires dans le district d'Ouhai à Wenzhou dans la lutte contre la pandémie.

Depuis combien de temps vivez-vous à Wenzhou?

Cela fait 12 ans que je vis à Wenzhou.

Quelles sont les dernières mises à jour sur l'épidémie de COVID-19 en Chine ? Quels sont vos sentiments face à la situation ?

Le jeudi 12 mars 2020, la Chine a officiellement annoncé que le pic de l'épidémie de COVID-19 avait déjà été atteint. Au cours de la semaine écoulée, aucun nouveau cas confirmé n'a été rapporté dans la province du Hubei, à l'exception de Wuhan. En dehors de Hubei, 7 nouveaux cas ont été confirmés, dont 6 provenaient de l'étranger. Ailleurs en Chine, aucun nouveau cas n'a été enregistré depuis début mars. Personnellement, les mots me manquent pour exprimer mon soulagement. Ce fut deux mois vraiment difficiles; Wenzhou était la 2e ville la plus touchée durant cette épidémie. On a vu doubler le nombre de nouveaux cas infectés du jour au lendemain, un verrouillage complet. Les gens ne pouvaient sortir qu'une fois tous les deux jours pour faire leurs courses - même les sorties étaient surveillées de près avec des contrôles de température. Quand l'alerte a été levée, on a vraiment eu l'impression d'avoir accompli quelque chose d'extraordinaire.

Quelle est la situation dans votre pays d'origine ? Êtes-vous inquiet ?

Je suis de très près la situation à l'île Maurice, mon île natale. Je suis ravie qu'il n'y ai aucun cas à ce jour, mais je crois tout de même qu'on laisse la panique prendre le dessus. J'ai vécu ce qu'ils vivent en ce moment. Au début, quand la peur s'est installée, la COVID-19 entraînait vraiment beaucoup de morts. Nous avons réalisé que si nous ne le combattions pas ensemble, nous n'aurions aucune chance. Ensuite, le gouvernement a pris des mesures vraiment drastiques qui, comme nous pouvons le constater aujourd'hui, ont amélioré la situation de manière considérable. Le peuple chinois a également fait preuve d'unité et de courage en suivant les instructions données par le gouvernement local. Lutter, ici, ne signifie pas seulement combattre la maladie : il s'agit aussi d'un combat contre « l'infodémie », contre combat la panique et contre la discrimination à l'égard des Asiatiques. Nous devons vraiment lutter contre les semeurs de terreur.

Bien sûr, je suis inquiet pour l'île Maurice car toute ma famille s'y. Je pense que des mesures drastiques doivent être prises pour empêcher tout risque d'importation de cas sur l'île. La population doit également jouer son rôle. J'ai la conviction que, même si nous sommes une petite nation, nous serons en mesure de surmonter cela tant que nous ferons preuve d'unité.

Parlez-nous de votre implication dans la gestion de la crise à Wenzhou.

Pendant la période d'isolement, mon époux et moi avons travaillé comme volontaires pour le district d'Ouhai (Wenzhou) : c'est dans cette région que se trouve l'hôpital pour lequel nous travaillons. Nous faisions le guet aux postes de péage pour contrôler et surveiller les sorties et les entrées à Wenzhou. Notre rôle consistait à prendre la température de toutes les personnes passant par ces postes, leur demander leurs antécédents de voyage, vérifier leur carte d'identité ainsi que toute information pertinente, etc. Ce n'est qu'après le pic de l'épidémie, que nous avons repris le travail.

Quels sont vos sentiments par rapport à la pandémie de COVID-19 ?

Au début, nous étions en train d'espérer que la fermeture de tous les établissements et l'isolement de la Chine l'empêcherait de se propager. En fin de compte, ce n'était qu'un vœux qui n'a pas été exaucé, malheureusement. J'ai beaucoup d'amis partout dans le monde. Je reçois quotidiennement les messages de mes proches et amis en Europe et à l'île Maurice qui veulent mieux comprendre l'évolution du virus et savoir comment protéger leur famille. Je persiste et signe que je crois fortement aux mesures drastiques prises par le gouvernement chinois. Personnellement, je pense qu'il s'agit du meilleur moyen de surmonter la situation avec le moins de décès possible, du moins jusqu'à ce qu'un vaccin soit disponible ou que des médicaments puissent réellement soulager les symptômes de la COVID-19.

Comment faites-vous pour maintenir le contact avec votre famille dans votre pays d'origine ? Est-il difficile de rester loin de vos proches en cette période difficile ?

Grâce aux réseaux sociaux, je suis constamment en contact avec mes proches et amis à l'île Maurice. C'est vraiment difficile d'être loin d'eux, d'autant que la situation revient lentement à la normale ici en Chine et que là-bas la menace est plus réelle que jamais. C'est effrayant de ne pouvoir rien faire d'ici, sauf leur donner les informations qu'il faut et les bons outils pour lutter contre cela. Ce qui m'effraie le plus, c'est la fermeture de toutes les frontières, chaque pays imposant ses propres restrictions de voyage et aucun vol disponible entre Maurice et la Chine. Dieu sait combien de temps ça va prendre avant que je puisse réellement rentrer chez moi et retrouver ma famille.

Quelles sont vos recommandations aux expatriés du monde entier ?

  • Je pense que nous devons prendre toutes les précautions nécessaires comme spécifié par l'OMS.
  • Nous devons cesser de paniquer et de stocker. Au lieu de cela, nous devons rester informés de la situation autour de nous.
  • Nous devons savoir où se trouvent les foyers de l'épidémie, ainsi que les lieux à éviter absolument. La meilleure chose que nous puissions faire pour nous-mêmes et notre famille est de rester à l'abri.
  • Nous devons éviter de partager des informations sans en connaître la source.
  • Nous devons éviter d'écouter les personnes n'ayant pas les qualifications et connaissances pertinentes.
  • Nous devons éviter les semeurs de terreur et éviter à notre tour de le faire.
  • Il y a aujourd'hui de nombreuses idées reçues sur la COVID-19 : il faut impérativement rester à l'écart et s'en tenir aux faits.