Portraits d'expatriés : ils ont sauté le pas de la création d'entreprise à l'étranger

Vie pratique
Publié le 2019-05-03 à 09:47 par Nelly Jacques
Il n'est pas toujours facile de se lancer à son compte et de créer son entreprise. Imaginez, en plus, le faire dans un pays étranger. Les formalités administratives en amont, le lancement de son entreprise, la gestion comptable et financière sont autant d'étapes qui peuvent être plus compliquées quand on ne connaît pas encore bien le système du pays où l'on vit. Mais créer son entreprise à l'étranger c'est aussi une expérience professionnelle et humaine extrêmement enrichissante. Ce n'est ni Karim ni Bertille, que nous avons interrogé, qui vous diront le contraire. Retour, donc, sur le parcours de ces deux expatriés qui ont transformé leur expérience de l'étranger en un projet professionnel florissant.

Karim, expatrié à Barcelone et fondateur d'Espagnol pas à pas

Pourquoi avez-vous décidé de vous installer en Espagne ?

Je suis arrivé en Espagne pour terminer mon doctorat en espagnol en tant que membre de la Casa de Velázquez. Pendant ces deux années de recherche, je ne donnais pas de cours d'espagnol. Je ne me voyais pas mettre pendant deux ans ma passion pour l'enseignement entre parenthèse. J'ai donc créé le blog Espagnol pas à pas dans lequel je donne des astuces et des conseils aux francophones qui apprennent l'espagnol. Je publie un article chaque semaine depuis bientôt trois ans ! 

Sur place à Barcelone, j'ai été sollicité par des lecteurs du blog qui voulaient apprendre l'espagnol. J'ai aussi été approché par des associations de francophones de Barcelone et l'on m'a demandé des cours en ligne. 

Comment vous est venu l'idée de créer espagnol pas à pas ?

C'est donc logiquement et naturellement que j'ai créé Espagnol pas à pas après mon doctorat. Avec mon équipe, nous donnons des cours d'espagnol aux francophones au sein de l'Institut Français de Barcelone. J'ai également créé une formation online dans laquelle j'enseigne les bases de l'espagnol à plusieurs dizaines d'élèves dans le monde, en France, en Espagne mais aussi, au Québec et en Suisse. 

Comment êtes-vous entré dans l'enseignement ?

J'ai passé le concours du CAPES puis de l'agrégation que j'ai obtenue après mon master d'espagnol. J'ai enseigné dans le secondaire pendant plusieurs années, mais aussi à l'Université Paris-Sorbonne et en classe prépa HEC.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées quand vous vous êtes lancés dans Espagnol pas à pas ?

J'avais donc les compétences requises pour donner des cours d'espagnol à des francophones : c'est à la fois mon job et ma passion ! La principale difficulté que j'ai rencontrée dans ce projet a été celle de passer de l'état d'esprit de fonctionnaire à celui d'entrepreneur. Le grand écart ! Il faut gérer la casquette du prof, mais aussi celle du secrétaire, s'occuper de la communication, se faire connaître, gérer le suivi administratif... Ça me plaît beaucoup : je continue à faire ce que j'ai toujours fait, enseigner l'espagnol aux francophones, et j'apprends chaque jour sur l'entreprenariat. C'est très enrichissant ! 

Avez-vous reçu de l'aide dans votre démarche ?

J'ai collaboré avec les associations francophones de Barcelone et l'Institut Français de Barcelone pour la mise en route. J'ai aussi reçu l'aide d'un club d'entrepreneurs de Barcelone, la Peña, et aussi l'aide avisée d'amis et de la famille qui avaient une expérience dans la création d'entreprise. 

Qu'avez-vous appris de cette expérience ?

Mon projet a moins d'un an et j'ai la chance qu'il soit viable dès sa création. Bien sûr, j'ai beaucoup appris de ce début d'expérience et je continue d'apprendre. Si je m'arrête pour répondre à votre question, je dirais que j'ai beaucoup appris d'un point de vue technique et technologique, ou encore sur la gestion de mon temps. Mais au-delà, je pense avoir beaucoup d'un point de vue personnel : comment croire en une idée qui vient de soi, la développer et l'imaginer, la concrétiser alors qu'elle n'est encore qu'une idée, écouter les remarques des autres et accepter qu'elle change. C'est finalement une très belle expérience humaine !

Bertille, expatriée en Floride et fondatrice de Florida As a Local

Bertille Florida as a local

Pourquoi avez-vous décidé de vous installer en Floride ?

À l'époque, j'ai suivi mon mari qui avait une opportunité d'emploi sur place. Je me suis installée en Floride à l'automne 2012, d'abord trois ans et demi à South Beach, et depuis dans la ville de Hollywood, au nord de Miami.  J'apprécie la vie américaine même si certains aspects de la Floride me correspondent moins. Mon travail me permet de montrer ce que j'aime ici (villes, parcs,  faune), donc j'en profite ! 


Quel est le concept de Florida as a local ?

Florida As A Local, "la Floride comme un local", est une agence de visites guidées et de conseils pour les itinéraires en Floride que j'ai créée au Printemps 2018. Des visites à pied dans les villes de Miami, Miami Beach et Hollywood. Plusieurs particularités par rapport à d'autres agences : je propose uniquement des visites privées pour une ambiance très conviviale. Mon approche est celle de faire les visites comme si le touriste était un membre de ma famille et qu'il se sente de cette façon dans la peau d'un local. De plus, je profite des visites pour faire de la sensibilisation sur l'environnement et la faune en Floride (par exemple, aucune recommandation pour faire des visites incluant des animaux captifs à travers mes services, mais des alternatives eco-friendly !). Concernant les conseils pour les roadtrips, l'idée est d'aider au mieux dans l'organisation des séjours, avec des recommandations d'activités, de villes et restaurants selon les étapes du voyage. J'ai traversé la Floride d'Est en Ouest afin de dénicher des coins uniques à proposer à ma clientèle !


Avez-vous un background dans le tourisme et comment vous est venue l'idée de vous lancer dans ce secteur ?

Je n'ai pas de background dans le tourisme, mais un parcours littéraire/langues étrangères. J'ai emménagé en Floride en 2012, et j'avais déjà remarqué que l'offre proposée ne correspondait pas à mes attentes. L'idée a suivi son cours avec les années et j'ai ainsi eu envie de proposer une offre alternative aux touristes, pour casser cette image de superficialité qu'on relie souvent à la Floride, notamment Miami.


A-t-il été facile de créer votre entreprise aux États-Unis ?

Oui, après avoir pris tous les renseignements nécessaires, ce ne fut pas difficile de créer mon entreprise en Floride. Il y a quatre étapes de base, dans cet État, pour le type de société que j'ai choisi (LLC Limited Liability Company) : 

  • déclarer le nom de son entreprise

  • choisir et déclarer un agent de représentation (soi-même si on est auto entrepreneur comme dans mon cas)
  • remplir les Articles d'organisation (certificat de formation de l'entreprise) 
  • créer un accord d'opération 

En quoi votre expérience d'expatriée renforce-t-elle votre expertise ?

J'ai vécu dans d'autres pays avant les États-Unis (Canada, Espagne et Angleterre) et j'ai forcément été confronté à diverses difficultés dans chacun de ses pays. Je pense pouvoir dire que ces expériences ont développé mes capacités d'adaptation, et de réaction à toute situation, ce qui est une vraie valeur ajoutée dans mon travail car je peux rassurer mes clients qui ont beaucoup d'interrogations avant de partir en vacances, et également sur place lorsqu'ils doivent se confronter à une situation nouvelle (par exemple, une mauvaise réservation de leur voiture de location !).

Que vous apportent ces rencontres et comment cette expérience a-t-elle impactée votre vie aux Etats-Unis ?

J'adore faire de nouvelles rencontres, que ce soit dans ma vie privée ou dans mon travail. Je trouve que c'est un vrai enrichissement d'échanger avec des personnes aux parcours variés. J'ai d'ailleurs gardé contact avec la majorité des touristes qui m'ont fait confiance pour une visite et je suis même devenue amie avec certains d'entre eux. Travailler aux États-Unis est une opportunité unique, mais être entrepreneur ici veut dire qu'il y a de nombreux défis à relever, il faut bien en avoir conscience. Encore trop d'expatriés débarquent avec "le rêve américain" en tête, mais ça ne se passe pas exactement comme cela dans la réalité. En tous cas, pour moi, cette expérience professionnelle est extrêmement bénéfique à bien des niveaux, et je n'ai aucun regret de m'être lancée dans cette aventure exaltante.