Que faire en cas de perte d'emploi pendant votre expatriation ?

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Publié le 2023-05-29 à 10:00 par Asaël Häzaq
La perte d'emploi est un choc. Un choc peut-être encore plus grand en expatriation, où l'on ne sait pas toujours vers qui se tourner. Personnes à charge, visa, allocations-chômage, assurance malade… De quels droits les expatriés peuvent-ils bénéficier en cas de perte d'emploi ?

Perte d'emploi à l'étranger : quel impact pour le titre de séjour ?

Vous avez obtenu un visa et un permis de travail qui vous permettaient de séjourner légalement dans votre pays d'accueil et d'y exercer votre activité professionnelle. En cas de perte d'emploi, perdez-vous automatiquement vos papiers ?

Non. Le droit de rester sur le territoire dépend de plusieurs facteurs. Tout d'abord, avec quel titre avez-vous immigré ? On rappelle que le visa permet d'entrer sur le territoire. Le permis de travail permet de travailler, et le titre de séjour, de séjourner sur le territoire. À noter qu'il existe des visas valant titre de séjour. Quoi qu'il en soit, les dispositions de vos documents légaux vous indiqueront la marche à suivre. À vous de contacter au plus vite les services de l'immigration dont vous dépendez, avec tous les documents prouvant votre situation.

Exemple de la France

En France, par exemple, les titulaires d'une carte de séjour « vie privée et familiale » qui perdent leur travail ne seront pas inquiétés. Ils pourront renouveler leur titre et continuer de séjourner sur le territoire. En effet, la carte de séjour « vie privée et familiale » signifie que vous avez des attaches familiales en France. Elle vous permet de travailler sans que l'employeur ait à demander une autorisation de travail. Le travail n'est pas la raison première de votre séjour. C'est pour retrouver votre famille que vous êtes venu.

A contrario, si vous possédez la carte de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire », le travail est la raison première de votre venue. Il vous faudra donc être en activité pour renouveler votre titre. La loi française vous protège si vous perdez involontairement votre emploi (l'entreprise fait faillite, vous êtes licencié économique…). Dans ces cas, vous pourrez renouveler votre titre. Mais si vous n'avez pas perdu involontairement votre emploi (vous avez démissionné ou fait une rupture conventionnelle…) et que vous êtes toujours sans emploi au moment de renouvellement, vous risquez, et de ne pas pouvoir renouveler votre titre, et de devoir quitter le territoire français. Pour l'éviter, un changement de statut est néanmoins possible en fonction de votre situation.

Exemple des États-Unis

En 2022, la vague de licenciements dans la Tech a impacté des milliers d'expatriés à travers le monde. Elle a particulièrement secoué les États-Unis, où les travailleurs étrangers représentent 20 à 30 % du secteur. Pour ces expatriés, souvent titulaires du visa de travail H-1B, la perte de travail compromet le séjour sur le territoire. Nombre d'entre eux font part de leur inquiétude, alors que les licenciements se poursuivent en 2023.

Aux États-Unis aussi, la perte d'emploi n'entraîne pas automatiquement une sortie du territoire. Les travailleurs non immigrants peuvent rester sur le territoire 60 jours. Ce délai de grâce concerne les titulaires du visa H-1B, mais pas seulement. Les détenteurs d'un visa (E-1, E-2, E-3, H-1B, L-1, O-1 ou TN) sont également concernés.

Durant ce délai, vous disposez de plusieurs options pour éviter l'expulsion. La première d'entre elles est de changer de statut. Comme pour le cas français, un changement de statut (si vous êtes éligible) pourra vous faire rester sur le territoire. Pendant la période d'examen de votre requête, votre séjour ne sera pas considéré comme illégal, même si vous dépassez le délai des 60 jours. Autre option : trouver un nouvel employeur. Les détenteurs du visa H-1B peuvent ainsi travailler pour un nouvel employeur dès que celui-ci dépose une demande auprès des Services de citoyenneté et d'immigration des États-Unis (USCIS), et sans attendre l'approbation de cette requête.

Retrouver un emploi n'est cependant pas aussi simple. La faillite de la banque californienne Silicon Valley Bank (le 10 mars 2023), banque spécialisée dans le financement de start-up, montre les failles de tout un secteur. Les expatriés concernés jugent le délai de grâce octroyé par les visas bien trop courts. Difficile de se lancer dans la bataille pour conserver son titre en si peu de temps (engager un avocat spécialisé dans l'immigration, chercher un nouveau poste…). L'impact psychologique entre aussi en compte, mais il est bien souvent laissé de côté.

Perte d'emploi pendant une expatriation : et la famille ?

En règle générale, les membres de la famille venus sur le territoire grâce à votre visa ont un visa de personne à charge (dependent visa). Les personnes possédant un tel visa sont donc sous votre responsabilité. Une perte d'emploi les impacte également, et peut aller jusqu'à leur faire quitter le territoire. Aux États-Unis, par exemple, le délai de grâce qui vous est accordé s'étend à vos proches. Si rien n'a changé au bout des 60 jours (pas de changement de statut ni de retour à l'emploi), votre famille et vous serez contraints de quitter le territoire.

Pour faire une demande de visa de personne à charge, vous devez notamment prouver que vous possédez les ressources nécessaires pour héberger vos proches durant tout le temps de leur séjour. Une perte d'emploi pourrait donc mettre la famille en difficulté. Mais, là encore, votre situation ne met pas automatiquement fin au visa des proches. Dans certains cas, il est possible de travailler ou d'étudier avec le visa de personne à charge. Dans ce cas, le proche pourrait compenser la perte financière, voire parvenir à obtenir un changement de statut, pour être celui qui prend en charge le reste de la famille. Chaque situation est à étudier avec minutie, au regard du droit en vigueur dans le pays. Il convient de se renseigner auprès des associations de défense des étrangers et auprès des services d'immigration dont vous dépendez.

Que se passe-t-il pour l'assurance maladie ?

Qu'il s'agisse d'un contrat local ou d'un contrat d'expatriation, l'expatrié est sous le droit du pays d'accueil. En tant que salarié étranger, il est affilié au système d'assurance maladie du pays d'accueil. Au Canada, par exemple, l'employeur est tenu de vous aider à « mettre en place une couverture d'assurance maladie, comme l'exige votre province ou territoire ». Des mesures similaires s'observent dans d'autres États.

Au Canada, les soins de santé sont considérés comme un service essentiel. L'assurance emploi, programme fédéral, garantit votre protection en cas de perte d'emploi. Si vous êtes ressortissant d'un pays de l'Union européenne (UE) immigré dans un autre pays de l'UE, vous pouvez également prétendre à l'allocation de sécurité sociale, sous conditions. L'Espagne, par exemple, vous assure une assistance sanitaire même si vous avez perdu votre travail. Cette assistance peut s'étendre à vos proches. Plusieurs conditions d'accès : recevoir une prestation de sécurité sociale régulière ou avoir épuisé toutes ses allocations-chômage, ou encore, ne pas disposer d'une couverture médicale. Attention aux frais médicaux. Selon les pays, il est possible que la perte d'emploi maintienne une assistance d'urgence, mais vous prive d'avantages que vous aviez lorsque vous étiez en activité.

Peut-on bénéficier de l'allocation-chômage ?

Dans les pays qui la proposent, vos droits à l'allocation-chômage seront ouverts. Il faut en effet rappeler que l'allocation-chômage n'est pas un droit mis en place dans tous les pays. La crise sanitaire a rappelé les fortes disparités existant entre les économies. Les pays qui ne proposent pas d'allocation-chômage ne sont pas forcément pauvres. Les Émirats arabes unis (EAU) n'ont lancé leur allocation-chômage qu'en 2022. Entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2023, elle est accessible aux locaux et aux expatriés.

En cas de perte d'emploi dans un pays non-membre de l'UE

Vous dépendez du système local. Si le pays a mis en place un dispositif d'allocation-chômage accessible à tous, vous pourrez en bénéficier selon les critères définis par le pays d'accueil.

Aux EAU, par exemple, l'allocation-chômage dure jusqu'à 3 mois et permet d'obtenir 60 % du dernier salaire, dans la limite de 20 000 dirhams émiratis par mois (environ 5 450 dollars). Pour en bénéficier, il vous faudra souscrire au régime de perte d'emploi involontaire (Involuntary Loss of Employment Scheme – ILOE). L'inscription est à effectuer avant le 30 juin, sous peine d'amende. Vous pouvez également cotiser à l'ILOE en tant que travailleur (40 à 100 dirhams émiratis par an pour une couverture de base, soit entre 11 et 27 dollars).

Règle pour les citoyens européens expatriés dans l'UE

Si vous êtes un ressortissant européen travaillant et résidant dans un autre pays de l'UE, vous pouvez bénéficier de l'allocation-chômage de votre pays d'accueil. Mais là encore, tout dépend des règles fixées par les États.

Vos droits à l'allocation-chômage sont débloqués à partir d'une durée minimale de travail. Durée variable en fonction du pays : à peine 3 mois en Italie, mais 6 mois en Suède, au Luxembourg ou aux Pays-Bas, et au moins 12 mois dans d'autres États. Le calcul de la durée d'indemnisation diffère selon les pays. Le montant de l'indemnisation est plafonné (sauf en Finlande). Selon le pays dans lequel vous faites la demande, votre âge ou votre situation familiale sera pris en compte. En Espagne ou en Belgique, par exemple, le montant de votre allocation-chômage fluctuera en fonction du nombre d'enfants que vous avez à charge.

Perdre son emploi à l'étranger : faut-il rester ou partir ?

Pour certains, la perte d'emploi à l'étranger est un signal. Ils décident de rentrer dans leur pays d'accueil, ou de partir dans un autre pays. Quelle que soit votre décision, assurez-vous d'avoir toutes les informations vous permettant de défendre vos droits. Les associations de défense des étrangers sont justement là pour vous guider. S'il le faut, faites appel à un avocat spécialisé dans l'immigration. Perdez le moins de temps possible. Entamez la prise de renseignements dès que vous sentez le vent tourner dans votre entreprise.

Liens utiles :

France : s'inscrire à Pôle emploi (agence pour l'emploi ; allocations chômage)

États-Unis : options pour les non-immigrants au terme d'une période d'emploi

Canada : assurance emploi

Émirats arabes unis : Involuntary Loss of Employment Scheme (ILOE)