Travail à distance depuis l'étranger sans informer son employeur : quels sont les risques ?

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Publié le 2022-11-09 à 07:00 par Ameerah Arjanee
Alors que le travail à distance devient la nouvelle normalité, de plus en plus d'expatriés sont tentés par la possibilité d'être nomade numérique, ce qui leur permet de travailler depuis une plage au Brésil ou encore depuis une maison d'été en Europe. Cependant, certaines personnes semblent profiter de la possibilité de travailler à distance sans informer leur employeur de leur déplacement à l'étranger. Cela peut créer de graves problèmes de conformité et de réglementation pour l'entreprise, représentant ainsi un risque de perdre son emploi.

Les travailleurs post-pandémie ne veulent pas être liés au bureau ou à un seul pays

En 2020 et 2021, la pandémie a contraint les entreprises et les employés à travailler à distance pendant de longues périodes. La relation des salariés avec le travail a beaucoup changé ces trois dernières années. Parmi ces changements, on constate un plus grand désir de flexibilité, notamment la possibilité de travailler de n'importe où, de l'endroit le plus pratique ou le plus agréable.

Les entreprises s'efforcent de ramener les travailleurs à une routine de bureau de 9 à 17 heures. À titre d'exemple, une étude réalisée par la société britannique de conseil en immobilier Remit a révélé qu'en septembre 2022, seuls 33 % des travailleurs britanniques se rendaient au bureau tous les jours. En Inde, seule une grande entreprise informatique, Tata Consultancy Services, a réussi à imposer au moins trois jours de travail au bureau par semaine. D'autres géants indiens de la technologie ont du mal à encourager cette pratique : certains ne parviennent pas à faire revenir plus de 10 % de leur personnel au bureau, rapporte le site Money Control.

Certaines entreprises technologiques exploitent cette tendance et créent des cadres juridiques et administratifs complets pour permettre à leurs employés d'être des nomades numériques (c'est-à-dire, de travailler à distance depuis n'importe quel pays) pendant une partie de l'année. Airbnb, Atlassian, Meta, Slack et Spotify en sont quelques exemples. Sur son site web, Airbnb reconnaît que « la plupart des entreprises ne le font pas à cause de la montagne de complexités liées aux impôts, aux salaires et à la disponibilité des fuseaux horaires. » Certains salariés, malheureusement, peuvent ne pas être conscients de ces problèmes (ou les ignorer délibérément !) lorsqu'ils décident de devenir des nomades numériques. Ainsi, ils ont été nombreux à partir à l'étranger sans en informer leur entreprise au préalable.

Certains employés prennent même des mesures follement créatives pour cacher leur véritable emplacement. Par exemple, ils souscrivent à un service VPN, ne montrent jamais d'espace extérieur pendant les appels vidéo, s'habillent d'un manteau épais pendant l'étouffant été thaïlandais pour faire semblant d'être encore en Pennsylvanie pendant les appels, travaillent au milieu de la nuit pour tenir compte du décalage horaire, font semblant d'acheter des billets d'avion pour rentrer chez eux et annulent immédiatement la réservation, disent qu'ils ne peuvent pas venir à une réunion occasionnelle sur place à cause d'un parent malade, etc. Si ces écrans de fumée peuvent effectivement convaincre leur employeur pendant des mois, ils n'éliminent pas les risques fiscaux et réglementaires.

Risques fiscaux et réglementaires liés au fait de mentir sur votre lieu de travail

Supposer que le « travail à domicile » et le « travail à distance » sont exactement les mêmes choses peut avoir des conséquences désastreuses. Lorsque vous travaillez à domicile, vous vous trouvez toujours dans la même ville, le même État ou le même pays que votre entreprise. Cela signifie que votre adresse fiscale est la même que la leur. Votre impôt sur le revenu est retenu par les mêmes autorités qui prélèvent l'impôt sur les sociétés auprès de votre entreprise.

Votre salaire est calculé en fonction du coût de la vie dans cette ville, cet état ou ce pays. Vous êtes dans le même fuseau horaire, de sorte que vous êtes censé être disponible pour des appels ou des réunions occasionnelles sur place lorsqu'il fait jour dans cette ville, cet état ou ce pays. Si vous déménagez à l'étranger sans en informer votre entreprise, tout ce qui précède entre dans une zone grise juridique.

Si un employé travaille suffisamment longtemps dans un pays étranger, il y établit automatiquement (on pourrait même dire involontairement) sa résidence fiscale, même si son employeur est domicilié dans son pays d'origine et que le travail est effectué à distance à 100%. La règle des 183 jours en vigueur dans de nombreux pays, dont le Royaume-Uni, le Canada et l'Australie, oblige une personne à payer des impôts dans le pays si elle y a séjourné pendant la moitié de l'année (183 jours sur 365). Devenir résident fiscal signifie également que vos biens et avoirs dans votre pays d'origine (patrimoine) et votre héritage peuvent soudainement être soumis à une double imposition, à la fois dans votre pays d'origine et dans votre pays d'accueil.

Il est également courant que les personnes qui travaillent à distance partent à l'étranger avec un visa inapproprié, par exemple avec un visa de touriste au lieu d'un visa de nomade numérique. Le ministère britannique de l'Intérieur précise sur son site Web qu'il est illégal d'utiliser un visa de touriste dans le but principal de travailler à distance pendant son séjour dans le pays, même si l'employeur n'est pas Britannique. Un visa touristique britannique permet uniquement d'effectuer des tâches professionnelles occasionnelles, comme répondre à des courriels et résoudre des problèmes.

Si le service des Ressources humaines de votre entreprise n'est pas au courant de ce changement de résidence fiscale, il pourrait être confronté à des problèmes de conformité lors du prochain audit. En effet, l'entreprise risque de se voir infliger une lourde amende et pourrait choisir de licencier l'employé qui en est à l'origine. Votre simple séjour prolongé à l'étranger pourrait les amener à y établir involontairement la résidence fiscale de l'entreprise. Selon le cabinet d'avocats britannique Stevens & Bolton, même s'il existe des traités de non double imposition, les risques de problèmes avec la TVA ne sont pas à écarter si le salarié effectue des tâches de vente, de développement commercial ou de direction en contact avec la clientèle depuis l'étranger. Cela peut également entraîner un conflit si votre entreprise possède une autre succursale dans le pays où vous vivez en secret.

Les Ressources humaines seront également confrontées à des problèmes de conformité en ce qui concerne les salaires. Certains nomades numériques s'abstiennent de révéler leur véritable lieu de résidence à leur entreprise pour éviter que leur salaire ou leurs avantages sociaux soient réduits en fonction de l'ajustement au coût de la vie. C'est la raison pour laquelle certaines entreprises contrôlent désormais la localisation de leurs employés au lieu de se fier simplement à leurs déclarations.

Les autres aspects concernés par le nomadisme numérique secret sont la sécurité sociale, la protection des données et la santé et la sécurité. Comme pour les impôts, vous pourriez être tenu de payer des cotisations de sécurité sociale dans une juridiction étrangère si vous y restez suffisamment longtemps. Les garanties en matière de protection des données varient d'un pays à l'autre, il est donc important de vérifier le degré de protection des données confidentielles lorsque vous envoyez un courriel à votre entreprise depuis l'étranger. En ce qui concerne la santé et la sécurité, votre entreprise peut ne pas être en mesure de couvrir les accidents du travail ou les problèmes de santé à l'étranger si elle ne sait pas que vous êtes. Les congés de maladie, de grossesse et de vacances varient d'un pays à l'autre, ce qui signifie que votre employeur devrait avoir consulté son équipe juridique pour discuter de vos droits à congés à l'étranger.

Toutes les questions juridiques et administratives délicates évoquées ci-dessus montrent qu'il est préférable d'être 100 % honnête avec votre employeur quant à votre désir de travailler à distance depuis l'étranger. De cette façon, vous pourrez négocier et conclure un accord qui soit conforme aux règles fiscales et sûr pour vous deux. Bien entendu, vous pouvez également reconsidérer si cette entreprise vous convient si elle se montre totalement inflexible quant à la possibilité d'être un nomade numérique.