Les retards dans la délivrance des permis de travail pénalisent les expats en Suède

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  • Stockholm, Suede
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Publié le 2022-11-01 à 10:00 par Ameerah Arjanee
En raison des retards pris par l'Office national suédois des migrations dans la délivrance des permis de travail, de nombreux expatriés hors UE/EEE sont actuellement dans l'impossibilité d'obtenir un numéro d'identification personnel leur permettant de trouver un logement, d'ouvrir un compte bancaire, de recevoir leur salaire ou même de quitter le pays.        

Un permis de travail probatoire de six mois empêche les expatriés d'accéder à de nombreux services

En juin 2022, le Parlement suédois a apporté des modifications à la loi sur l'immigration. L'un de ces amendements exige que les travailleurs incluent un contrat de travail signé dans leur demande de permis de travail. Comme la plupart des employeurs pratiquent une période d'essai de six mois, l'Office national suédois des migrations (Migrationsverket) n'accorde dans un premier temps qu'un permis de travail de la même durée. Le problème est le suivant : pour obtenir un numéro d'identification personnel suédois, les expatriés provenant des pays hors de l'Union européenne (UE) et de l'Espace économique européen (EEE) ont besoin d'un permis de travail d'une durée de 12 mois.

Quel est ce numéro, et pourquoi est-il si important ? Il s'agit d'un numéro à 12 chiffres composé de la date de naissance et de quatre autres chiffres au format AAAAMMJJ-XXXX. Ce numéro qui permet aux expatriés et aux étudiants internationaux de longue durée (c'est-à-dire ceux qui étudient pendant plus de 12 mois) d'être identifiables dans le registre de la population et l'agence fiscale (Skatteverket). Sans ce numéro, les expatriés ne peuvent pas ouvrir un compte bancaire en Suède, recevoir leur salaire en couronnes sur ce compte, s'affilier à un régime d'assurance maladie, obtenir un numéro de téléphone portable suédois et bénéficier de divers abonnements (par exemple : salle de sport, garderie pour enfants).

Les possibilités de logement sont également extrêmement limitées avant l'obtention du numéro d'identification personnel suédois. Comme le précise le cabinet de recrutement « Mentor Talent Acquisition », les expatriés hors UE/EEE ne peuvent que sous-louer un appartement sans ce numéro. Ils ne peuvent pas obtenir un bail traditionnel.

Sur le papier, les expatriés devraient pouvoir renouveler leur permis de travail avant l'expiration de leur permis probatoire. Mais dans la pratique, l'Office national suédois des migrations est si lent et imprévisible dans le renouvellement des permis de travail que les expatriés se retrouvent souvent dans un no man's land juridique.

Temps d'attente de 6 mois ou plus pour renouveler un permis de travail

Les délais d'attente donnés par l'Office national suédois des migrations sont actuellement de 3 mois pour un nouveau permis de travail et de 6 mois pour le renouvellement d'un permis de travail probatoire ou expiré. Cependant, selon les témoignages d'expatriés, il semble que cela peut être beaucoup plus long que 6 mois... peut-être 9 mois, 1 an, voire plus !

/r/TillSverige est un forum Reddit sur lequel les nouveaux arrivants en Suède s'échangent des informations utiles sur le processus de réinstallation. Début 2022, un expatrié a créé un fil de discussion pour se plaindre du fait que le renouvellement de son permis de travail était toujours en cours 15 mois après le dépôt de sa demande. D'autres expatriés ont fait part d'expériences tout aussi stressantes. Beaucoup ont qualifié la bureaucratie de l'Office national suédois des migrations de « cauchemardesque ». Un autre expatrié a raconté qu'il avait perdu son permis de travail et qu'il avait essayé d'en obtenir un autre. Il n'a reçu de réponse à son courrier électronique qu'au bout de cinq semaines, ses appels téléphoniques sont restés sans réponse et, lorsqu'il s'est présenté à la succursale locale de Migrationsverket, on lui a dit qu'il devrait s'inscrire sur une longue liste d'attente juste pour une nouvelle prise d'empreintes digitales.

Dans le journal « The Local », un ingénieur jordanien du nom de Waleed Dajani a exprimé son exaspération quant à la façon dont, à la fin de l'année 2022, l'Office national suédois des migrations traitait encore certaines demandes qui remontent à... l'automne 2020 ! Il qualifie le système « d'injuste et d'imprévisible » et affirme qu'il est impossible de savoir « quand votre dossier va être réglé. »

Le cabinet d'immigration Fragomen affirme que ces retards imprévisibles créent des lacunes au niveau de l'autorisation de travail de nombreux expatriés. Cela signifie qu'il y a un décalage de plusieurs mois entre la date d'expiration de leur permis probatoire et la délivrance d'un nouveau permis. Les employeurs et les expatriés sont encouragés à soumettre les demandes de renouvellement le plus tôt possible, mais ils ne sont pas autorisés à le faire plus de quatre mois avant la date d'expiration. Cette limite ne sert pas à grand-chose car, comme nous l'avons vu plus haut, le temps d'attente peut aller au-delà de 4 mois.

Les demandeurs qui estiment que le délai de traitement est trop long peuvent également envoyer une demande écrite à l'Office national suédois des migrations pour accélérer leur demande. Le site web du Migrationsverket indique que l'agence va alors soit accélérer le traitement de la demande, soit rejeter l'appel d'urgence dans un délai de 4 semaines.

Malheureusement, le directeur général de l'office, Michael Ribbenvik, a rejeté les demandes d'injection de fonds supplémentaires dans le système afin d'améliorer son efficacité globale. En 2021, il a déclaré que ce serait une dépense irresponsable en pleine pandémie, à l'heure où l'État fait déjà des dépenses massives dans les domaines des soins de santé et d'autres services essentiels.

Les expatriés déprimés par le manque de transparence de l'Office national suédois des migrations

De nombreux expatriés provenant des pays hors UE/EEE disent aimer la culture et les habitants de la Suède, mais sont déçus par son système d'immigration. Ils remettent en question leur décision de venir travailler en Suède et ont le sentiment que le pays ne valorise pas leur contribution à l'économie. Bien souvent, il s'agit d'immigrants économiques hautement qualifiés dont l'expertise est recherchée, en particulier dans le domaine des technologies de l'information et autres STIM.

Dans « The Local », l'ingénieur jordanien Waleed Dajani déclare que, même s'il aime les gens, le style de vie et la nature de la Suède, le pays donne actuellement l'impression « d'être une grande prison ». Actuellement, les expatriés comme lui ne peuvent pas sortir du pays tant qu'ils n'ont pas reçu leur permis de travail renouvelé - et il n'y a pas de date estimée pour le recevoir. S'ils voyagent à l'étranger, même pour des raisons urgentes, ils se verront refuser l'entrée en Suède. Il n'a pu assister aux funérailles de son père qu'après avoir négocié avec l'ambassade de Suède en Jordanie. En revanche, il n'a pas pu obtenir le même permis de voyage exceptionnel pour assister au mariage de son frère.

Dans le même article de « The Local », un autre expatrié hors UE/EEE, Fady Sleiman, un programmeur libanais, déclare que l'interdiction de voyager de facto le fait se sentir « humilié » et « marginalisé », des sentiments qui l'ont mené à la dépression. Amanda Herzog, une expatriée américaine dans la même situation, décrit avoir ressenti des « symptômes physiques dû au stress » pendant la période d'attente de son permis. Sur le forum Reddit /r/TillSverige, un expatrié envisageait de démissionner de son emploi, non pas parce qu'il n'aime pas le travail en lui-même, mais parce qu'il en avait assez de l'anxiété liée à son statut d'immigrant.

Ces expatriés ont du mal à expliquer à leurs amis et à leurs familles dans leur pays d'origine comment ils font face à cette situation dans un pays où le niveau de vie est si élevé. Ils estiment également que la question ne reçoit pas suffisamment d'attention médiatique et politique au sein même de la Suède. Ils ont lancé une pétition sur Change.org intitulée « Allow Non-EU residents to travel back home », qui signifie « Permettez aux résidents non-européens de rentrer chez eux », pour défendre leur cause.