Retraite à l'étranger : le certificat de vie fait la pluie et le beau temps

Vie pratique
Publié le 13 septembre, 2016
Ils ont fait carrière dans l'industrie, le commerce ou les services. Retraités, ils aspirent à couler des jours heureux et paisibles, loin des  préoccupations quotidiennes de millions d'actifs vivant en métropole. 9% d'entre eux ont choisi de vivre leur retraite à l'étranger. Derrière l'image de carte postale et la douceur de certaines destinations, certains retraités doivent parfois attendre plusieurs mois avant que leur pension leur soit versée. Expat.com, le site participatif dédié à l'expatriation, a enquêté sur le sujet.

Bernard Garnavault fait partie des 1,2 million de retraités ayant cotisé au régime général  et vivant désormais à l'étranger  « En 2013, j'ai décidé de partir en Thaïlande. Ce pays possède des infrastructures modernes et un patrimoine culturel splendide. Les jours s'écoulaient doucement…jusqu'au jour où j'ai pris conscience que mes pensions de retraite ne m'étaient plus versées ». Cette situation, des centaines d'autres retraités expatriés l'ont connue.  

La raison est à recherche auprès du fameux certificat d'existence, un document « nécessaire aux caisses de retraite pour assurer le paiement des pensions à bon droit », comme le rappelle Frédérique Garlaud, responsable du service de presse de la CNAV. Car ce ne sont pas les arnaques qui manquent. Pour Joël Deplanque, qui a choisi la Bolivie pour sa retraite, le risque de fraude est bien réel : « Des rumeurs font état de nombreux centenaires parmi les pensionnaires, notamment dans certains pays du maghreb ».

Si personne ne nie le danger de la fraude aux pensions, la majorité des retraités estiment que les caisses de retraite n'ont pas suivi le virage de la modernité. Les certificats de vie doivent en effet être visés par une autorité compétente et être envoyés en France, par voie postale, une fois par an. « Tous les retraités vivant à l'étranger sont confrontés à des problèmes de  réception de courriers. Il est nécessaire d'améliorer les choses », s'insurge Jean-Claude, qui vit au Cambodge, à 160km de la capitale et qui estime à un mois et demi le temps d'acheminement d'un courrier au pays. « Comme dans de nombreux pays, la notion de facteurs n'existe pas au Cambodge. Il nous faut aller à la poste et interroger les préposés sur une éventuelle réception de courrier à notre nom. Encore faut-il savoir qu'un courrier nous a été adressé ! ». Jean-Claude n'est pas avare en histoires en tout genre sur le système postal cambodgien, du chef de village jouant le rôle de postier aux certificats servant de cale à des tables capricieuses.

Pour compliquer le tout, chaque caisse de retraite exige de ses pensionnaires un certificat, et ce, malgré un décret de 2013 instituant la CNAV comme unique organisme pour les recevoir. « Résultat, il faut envoyer plusieurs certificats de vie à des dates différentes, en ordre dispersé, ce qui complique notablement le processus et augmente les risques de non réception des courriers et donc de suspension de versement des pensions de retraite », estime Bernard Garnavault. Agacé par ce système archaïque, il a décidé de lancer une pétition pour changer les choses .

Daniel, retraité à Madagascar, a tout de suite signé cette pétition : « les documents arrivent bien trop tard à Mada. A cause de cela, ma retraite a été bloquée pendant 2 mois. Je ne suis pas bien riche et n'ai pas de famille en France pour me dépanner. Personnellement, j'ai vécu cela comme une catastrophe ». Bernard, qui vit au Maroc, ajoute : « Il m'est arrivé, en début de cette année la mésaventure d'avoir les "vivres coupés", sans sommation, car le courrier ne m'avait pas été distribué».

Jean-Claude s'est également vu couper sa pension durant six mois : « Ma caisse m'envoie des certificats contenant un numéro de référence unique. Impossible d'utiliser celui du consulat de France. Je ne pouvais rien faire d'autre qu'attendre ».

En Amérique du Sud, les choses ne s'arrangent pas : « Au Consulat de Santa Cruz de la Sierra, la personne s'occupant de cette question est très sympathique et consciencieuse. Mais quand on vit à Trinidad, il faut parcourir les 500 Km séparant ces deux villes, ce qui occasionne pas mal de frais », indique Joël. En Colombie, Rafael raconte qu'il n'existe plus d'autorité locale compétente pour signer les certificats, à l'exception du consulat. « Mais cela pose un problème pour s'y rendre pour les personnes dispersées dans le pays. Dans certains cas, cela peut nécessiter un voyage de plusieurs jours. C'est long, couteux et impossible à effectuer pour les personnes d'un grand âge ou en mauvaise santé, surtout plusieurs fois dans l'année ». Rafael regrette la rigidité de certaines caisses, CARSAT en tête, qui exigent que le certificat soit complété par les autorités Colombiennes, en dépit du bon sens. Résultat : « Le paiement de la pension de ma caisse de retraite complémentaire a été suspendu en Avril et n'a toujours pas été rétabli ».

Les solutions fiables et plus économiques existent pourtant : communication par email, transmission des certificats par voie électronique, extension des délais, envoi d'un rappel, centralisation du processus. Didier, qui vit au Maroc, indique que la Caisse Nationale des Industries Électriques et Gazières accepte déjà la télétransmission.

Frédérique Garlaud assure que la CNAV travaille à simplifier le dispositif actuel. « Nous avons signé une convention d'échanges automatisés d'informations décès réciproques avec l'Allemagne. Une convention de même nature a également été signée avec le Luxembourg et une troisième signature est programmée avec la Belgique à la mi-octobre. Des échanges sont également en cours et en bonne voie avec d'autres pays de l'Union européenne, notamment l'Espagne, le Portugal et l'Italie. La signature de telles conventions représente une simplification majeure pour les assurés puisqu'ils n'ont plus aucune démarche à effectuer par voie papier ou par voie dématérialisée. »

En attendant la généralisation de ce système, une simplification des procédés actuels semble indispensable pour faciliter la vie de centaines de milliers de retraités Français.