Isabelle à Kansas City: "C'est une ville passionnante"

Interviews d'expatriés
Publié le 2013-10-24 à 02:00 par Expat.com team
Originaire de la région grenobloise, Isabelle s'est installée il y a 5 ans aux États-Unis avec son mari et leurs 4 enfants. Après avoir passé 3 ans en Californie, ils vivent désormais à Kansas City, en plein coeur du pays, et sont complètement immergés dans la vie locale.

Pourquoi as-tu choisi de t'installer à Kansas City?

Longue histoire. Nous sommes arrivés en novembre 2008 dans la baie de San Francisco en contrat d'expatrié pour une entreprise française. En 2010, nous avons obtenu la green card et dans la foulée, mon mari a eu une proposition pour un travail à Kansas City dans une entreprise locale. Alors, vous dire que nous rêvions d'habiter là... Non, mais c'était un très bon moyen de continuer notre rêve américain, et une bonne chose pour mon mari.

Comment s'est passée ton installation?

Mon mari a commencé en janvier 2011. Moi, je suis restée dans la Silicon Valley jusqu'à la fin de l'année scolaire, mais je suis venue voir et faire connaissance des environs dès le mois de février. En mai, nous avons trouvé une maison à acheter : le marché était à la baisse et les maisons très belles et spacieuses.
L'installation n'a pas été de tout repos : passés la fatigue de l'aménagement et les inscriptions aux différentes écoles (4 en tout), nous nous sommes retrouvés très seuls. Il n'y a pas de structure d'accueil pour les francophones et les gens malgré leur gentillesse ne vont pas très loin pour vous accueillir. Donc, nous avons vécu des grands moments de solitude. Mais nous étions très bien installés. Peu à peu, nous avons commencé à créer des liens avec des américains et quelques francophones rencontrés au hasard et à aller à la rencontre de la région.

Quelles ont été les formalités à accomplir pour pouvoir venir en famille vivre et travailler aux États-Unis ?

Les formalités sont très longues et cela dépend de comment on arrive aux US. Nous étions envoyés au départ par l'entreprise de mon mari donc il a fallu remplir des tonnes de papiers, traduire des documents officiels et les papiers pour le visa ont été assemblés par un cabinet d'avocats payé par notre entreprise. Ensuite, nous sommes montés à Paris à l'ambassade des États-Unis pour obtenir le visa. Pour nous, nous avons eu le visa L1 et L2. A notre arrivée, la première démarche a été d'obtenir notre numéro de sécurité sociale, puis ensuite, notre permis de conduire qui nous permet d'obtenir une sorte de carte d'identité.
Après un moment, l'entreprise de mon mari a fait une demande de green card. C'est encore un processus très compliqué et long avec de nombreuses étapes à passer (examens médicaux, convocations, enregistrement des empreintes...). Cette année-là, il devait y avoir une baisse des demandes car nous avons eu la chance de l'obtenir très rapidement. Mais il faut compter parfois jusqu'à un an d'attente.

As-tu eu des difficultés d'adaptation (barrière de la langue, coutumes)?

Notre acclimatation à la Silicon Valley a été beaucoup plus facile car il y avait beaucoup d'étrangers là-bas, un melting pot, qui fait qu'il y a toujours quelqu'un pour vous donner des renseignements. Nos enfants allaient de plus dans une école française et cela aide beaucoup.
A Kansas City, rien de tout cela. La population n'est pas du tout habituée aux étrangers et comme ils vivent beaucoup en cercles et qu'ils n'ont pas beaucoup de curiosités, cela a été très difficile au début. Maintenant, on le sait et on sait que les relations n'iront pas très loin, donc on fait avec. Il y a malgré tout un choc culturel énorme, des codes auxquels nous ne sommes pas habitués. Le barrage de la langue est relatif pour moi. Nos enfants, eux étaient devenus bilingues (depuis plus de 10 ans pour les deux aînées).

Comment tes enfants ont-ils vécu ce changement d'environnement?

Je dirais que cela dépend de l'âge et de l'enfant. Il est sûr qu'il est beaucoup plus facile de bouger des enfants de 4 à 10 ans. Ensuite, pour les adolescents, c'est plus difficile. Le changement de Grenoble à Cupertino avait déjà été difficile mais atténué, car ils arrivaient dans une école française avec des enfants un peu comme eux. Ensuite, les deux aînées ont basculés en 2009 dans le système américain.
Pour notre arrivée au Kansas, cela a été très dur pour les deux aînées (13 et 15 ans alors). Elles ne se sont pas senties du tout accueillies. Elles étaient très seules au départ. Peu à peu, les choses ont changées pour le mieux et elles sont complétement impliquée dans leur vie au lycée. Elles sont les French girls de l'école, smarts et impliquées dans des tas d'activités notamment le French Club par exemple.
Pour la 3ème qui avait 9 ans, en surface cela semblait aller bien. Mais au bout de quelques mois, elle est devenue très triste, même si elle était devenue très amie avec la petite voisine : elle me disait qu'elle avait besoin d'un petit animal de compagnie. Alors, nous avons considéré le fait et nous lui avons acheté un cochon d'Inde. Comme quoi, il faut vraiment être vigilant.
Pour le petit dernier (5 ans alors), l'arrivée à Kansas City a aussi été très dure : en Californie, il était scolarisé dans le système français en moyenne section et arrivé là, pas possible de l'intégrer dans un niveau équivalent à une grande section car il était né en novembre. Les gens ont été inflexibles et il n'a donc pas intégré le Kindergarten comme il aurait dû le faire. Trouver une bonne preschool a vraiment été difficile alors il n'a quasiment rien fait pendant un an : cela a été comme une coupure dans son développement et l'arrivée l'année dernière dans une école élémentaire n'a pas du tout été facile. On commence à récupérer de ce côté-là. Mais après deux ans, tout va pour le mieux et ils ont tous surmonté ce début difficile.

Pourquoi as-tu choisi de les inscrire dans le système scolaire américain et comment se sont-ils adaptés à ce nouveau système?

Arrivée à Kansas City, pas le choix : il n'y a pas d'école française. Mais l'adaptation dans le système n'a pas été trop difficile car déjà, nos deux grandes avaient intégré le système américain en 2009. Elles ont continué sans problème. Pour la troisième, l'école française où elle était dans la Silicon Valley offrait un double programme, donc nous étions aussi déjà habitués à ce système. Si nous étions restés dans la Silicon Valley, les enfants auraient continué leur scolarité de toute façon dans le système américain à partir du collège; pourquoi ? Parce que là où nous étions (mais aussi là où nous sommes maintenant), les écoles sont bonnes et que le système américain offre un éventail d'activités et d'opportunités que n'a pas le système français.

Qu'est-ce qui t'a le plus surpris à Kansas City?

La richesse culturelle et historique de la ville. Je ne blague pas : c'est une ville passionnante ; deux villes qui portent le même nom autour de la frontière de deux états qui ne s'aiment pas. Une histoire qui les a plus souvent séparés que réunit mais deux états qui vivent imbriqués autour de la ville principale : Kansas City Missouri. C'est incompréhensible, je sais... Une ville de paradoxes.

Peux-tu partager avec nous un trait caractéristique de Kansas City qui te plaît particulièrement ainsi qu'un aspect négatif?

C'est une ville à la croisée de l'Histoire : en apprendre plus sur son histoire est passionnant. De plus, dans la ville il y a des musées magnifiques (le musée d'art est un des 10 plus beaux des États-Unis). Certains quartiers de la ville sont vraiment très mignons : c'est peu connu mais c'est vraiment une chouette ville. De plus, il y a une tradition musicale très forte et nous assistons souvent à des concerts.
Par contre, il y a deux choses négatives : certains quartiers sont sinistrés et il y règne une très grande pauvreté.
Kansas City est dans une région hyper religieuse et beaucoup de choses tournent autour des églises. Pas facile de s'y retrouver et pas facile de s'intégrer sans ça. Une perception totalement différente de ce à quoi j'étais habituée, donc de ce côté, je n'ai pas sauté le pas.
Sinon, la communauté expatriés est très réduite donc ce n'est pas toujours facile : on a maintenant de bons amis mais en règle générale, je passe la plupart de mes semaines, seules, sans interactions véritables spontanées (dans la Silicon Valley, il n'était pas rare de se retrouver pour un café de 30 minutes après la dépose à l'école).

Une idée reçue sur les États-Unis qui s'est avérée totalement fausse:

Une idée reçue : « A l'école les enfants n'apprennent rien ». Oui et non... Bien sur le niveau n'est pas celui de la France, surtout quand on parle au niveau académique. En France, on apprend aux enfants à bien tenir un cahier, à bien apprendre à bien raisonner... Mais aux US, il y a une place formidable faite à l'épanouissement de l'enfant à travers d'autres matières comme la musique, l'expression orale et le sport. Bien sûr c'est toujours mieux si on est dans des quartiers avec de bonnes écoles car le niveau reste globalement faible. Mais là où nous sommes, nous avons rencontré l'excellence à bien des niveaux. Alors bien sûr, c'est un système à deux vitesses et qui laissent sur le bas de la route, beaucoup de gens... On a essayé de donner le meilleur à nos enfants en faisant le deuil de beaucoup de petites choses qui pourtant nous paraissaient importantes.

Qu'est-ce qui te manque le plus par rapport à la France, ton pays d'origine?

Pas facile de répondre à cela : peut-être la simplicité des relations amicales. Ici, c'est compliqué, et codifié. Difficile de se faire des vrais amis américains : ils sont pris dans un tourbillon d'activités, leurs références ne sont pas les mêmes que nous. Le décalage est partout.

Pourquoi as-tu commencé ton blog, Fromside2side?

Depuis, mon arrivée en Californie en 2008, je tenais un blog pour la famille et les amis proches mais je n'osais pas le diffuser car j'y mettais beaucoup de notre vie personnelle et de mes enfants. Mais peu à peu, j'avais envie d'aller plus loin et de faire partager ma vie ici à un plus grand nombre. A l'été 2012, j'ai créé ce blog pour raconter le décalage que nous vivions entre notre vie d'expatrié et de français. Ensuite, j'ai trouvé que c'était tout à fait adéquat avec ce que j'avais vécu en Californie et ce que nous vivions au Kansas : deux Amériques totalement différentes : d'un côté, l'Amérique la plus progressive, dynamique, d'une autre, l'Amérique conservatrice, tournée vers la religion, et repliée sur elle-même. Voilà, je voulais parler de ce décalage, de ce choc culturel que nous avions ressenti en arrivant dans le MidWest. Peu à peu j'ai dépassé ce décalage et j'ai découvert cette région qui est au c?ur de l'histoire américaine et qui est passionnante.

Quels conseils peux-tu donner à ceux qui veulent s'installer à Kansas City?

Je dirais que cela dépend si vous êtes une famille ou si vous êtes seul. Il est sûr que pour une famille, le meilleur endroit pour s'installer est le Johnson County dans les communes de Overland Park, Shawnee ou Leawood, côté Kansas. Pour quelqu'un de seul, la ville, Kansas City Missouri dans le quartier de Plaza ou Westport est beaucoup plus dynamique.
Pas facile de rentrer en contact avec d'autres expatriés francophones : j'ai créé cependant une page Facebook : Kansas City l'Accueil des francophones. Je reçois pas mal d'emails aussi, j'essaye d'y répondre.

Que t'ont apportées tes différentes expériences à l'étranger?

Mes différentes expériences à l'étranger (6 mois en Suisse à Bales, 15 mois à Casablanca, 3 ans et demi à Taïwan ou 5 ans aux États-Unis) m'ont apportés évidemment une certaine ouverture sur le monde, nous avons dû nous habituer successivement à plusieurs cultures différentes, il est vrai souvent dans de bonnes conditions.
Mais je voudrais aussi, ajouter, qu'en famille, nous avons réussi à trouver des ressources pour affronter des moments pas toujours faciles. Nous avons trouvé un style, un rythme, loin de notre pays, de notre famille et de nos amis. Grâce à toutes ces expatriations, nous avons beaucoup voyagé.

Quels sont tes projets pour les prochaines années?

D'un point de vue professionnel pour mon mari, les projets à moyen terme sont difficiles à évaluer.
Nous nous sommes fixés cependant de terminer l'année scolaire ici et si possible de rester encore deux ans de plus, pour que notre seconde fille puisse terminer sa high school. Changer de High school est très difficile surtout quand on change d'état : les standards requis ne sont pas toujours les mêmes. De mon côté, j'ai éprouvé une véritable lassitude du changement : cela demande beaucoup d'énergies et même, si c'est un lieu qui ne m'apporte pas toute satisfaction, j'aimerai offrir à mes enfants et à moi-même un peu de stabilité.

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