
Afin de faire reculer la pandémie de COVID-19 en raison d'une nouvelle vague, le gouvernement chinois n'autorisera pas les étudiants étrangers à retourner en Chine de si tôt. Une décision qui fait plusieurs milliers de mécontents qui sont actuellement bloqués dans leurs pays d'origine. Frustrés et angoissés, ils nous ont fait part de leur ressenti.
Si le gouvernement chinois soutenait en décembre 2020 que les étudiants internationaux sont d'une importance capitale pour le pays et qu'il entend bel et bien respecter leurs droits, la situation ne fait qu'empirer. Fin janvier 2021, le ministère des Affaires étrangères a une nouvelle fois communiqué sa position sur la question. Selon les médias internationaux, la Chine reste soucieuse quant à la progression de la deuxième vague de COVID-19, ce qui la contraint à renforcer ses mesures de sécurité. Ainsi, une étude complète sur la reprise des étudiants étrangers souhaitant revenir en Chine a été annoncée.
Des étudiants dans le désarroi
Même si des dispositions ont été prises par les 200 universités chinoises pour assurer l'enseignement à distance, les étudiants étrangers font actuellement face à de nombreux défis. Parmi ces défis, l'obligation de payer des frais de scolarité pour des cours en présentiel alors que les cours ont lieu à distance. Ils déplorent également la mauvaise qualité des cours en ligne, ainsi que les heures auxquelles les cours en ligne ont lieu, compte tenu du décalage horaire entre la Chine et leurs pays respectifs. C'est d'ailleurs ce que nous dira Sarah, une étudiante originaire du Tadjikistan. « C'est compliqué de suivre des cours en ligne compte tenu des problèmes comme la lenteur et les coupures d'internet, le décalage horaire, sans oublier le manque de communication avec les chargés de cours ainsi que l'administration de mon université. Nous sommes loin d'avancer dans notre programme ».
Cette étudiante étrangère en Chine est restée bloquée à Bali où elle était partie en vacances en janvier 2020. « J'étudie en Chine depuis bientôt six ans, y compris deux années pour des cours de langue et quatre années pour mon diplôme. Je viens à peine de commencer mon master et me voilà contrainte à le faire en ligne ». Si elle reconnaît que des milliers d'étudiants, comme elle, font face à une situation incertaine, elle se sent stressée, voire angoissée. « Il est vrai que la situation dans le monde entier est affolante, mais on dirait que tout le monde a eu la chance de reprendre ses études, sauf nous ».
Un avis que partage Déborah, une jeune étudiante française en deuxième année inscrite pour des cours de médecine en Chine. « Je suis arrivée en Chine en septembre 2019 et j'y suis restée jusqu'à la fête du Printemps de 2020 avant de rentrer en France. Aujourd'hui, comme des milliers d'autres étudiants, je tente vainement de retourner en Chine. Je n'ai plus la force ni le courage de suivre des cours à distance comme ça a été le cas ces derniers mois ». Déborah dit ne pas comprendre la prise de position du gouvernement chinois alors que des dispositions ont été mises en place pour assurer la mise en quarantaine des personnes qui entrent dans le pays et, ainsi, assurer la sécurité des citoyens chinois. « Ils ont même un vaccin, alors je ne vois pas pourquoi ils ont décidé de n'autoriser le retour que de 500 000 étudiants étrangers ».
A Musonda, une jeune zambienne, d'ajouter que le gouvernement chinois aurait tout simplement dû collaborer avec les universités pour faciliter le retour des étudiants étrangers dans le respect des réglementations sanitaires. Cette étudiante en médecine depuis quatre ans se retrouve coincée dans son pays natal depuis janvier 2020. Le comble, pour elle, c'est le fait que l'établissement où elle est inscrite ne dispense même pas de cours en ligne, contrairement aux autres universités. « Nous ne pouvons pas continuer à attendre, d'autant que nous ne savons pas quand tout cela va prendre fin. Je reconnais qu'avec cette mesure la Chine vise à préserver un environnement stérile, mais ils auraient pu nous autoriser à rentrer en petits groupes, en commençant par les étudiants en licence comme c'est le cas à Shanghai. De nombreux étudiants sont prêts non seulement à se soumettre au test PCR et à la quarantaine mais aussi à se faire vacciner ». Si Musonda aurait tout simplement préféré demander un transfert dans son pays d'origine, son école ne l'autorise malheureusement pas. Alors elle n'a pas d'autre choix que d'attendre.
Le désespoir de Kaminee
Kaminee est une étudiante indienne en 3e année qui a également été contrainte de rentrer dans son pays en janvier 2020. Cependant, elle semble avoir plus de mal à digérer cette décision du gouvernement chinois que les autres, non seulement en raison de la difficulté de suivre des cours en ligne mais aussi face au regard accusateur des personnes qui l'entourent. « La médecine est un domaine d'études délicat et les cours à distance, sans le côté pratique, n'aident pas ». Visiblement stressée, Kaminee nous dira que cette situation est également pénible pour ses parents qui financent ses études. « Je suis bloquée dans mon pays depuis ma deuxième année d'études et à chaque fois que des proches nous rendent visite ils me demandent quand je compte reprendre mes études, comme ci ce n'était pas assez difficile pour moi ». Pour elle, depuis plus d'une année, les jours se suivent et se ressemblent. « Je garde un œil sur les réseaux sociaux en attendant qu'on annonce une bonne nouvelle. Mais il n'y a rien jusqu'à présent. Je retourne à mes bouquins en réfléchissant à mon avenir et à ce qu'il adviendra de nous tous. Quand pourrons-nous reprendre nos cours ? Quand les professeurs et les universités vont-ils nous contacter ? »
En attendant des jours meilleurs
Pour Ahmad, un étudiant d'origine afghane, cette interdiction a compromis ses études de manière significative. Cela fait d'ailleurs quatre ans qu'il étudie en Chine, y compris une année d'étude de la langue chinoise. « Je devrais passer mon diplôme en juillet 2022, mais avec toutes ces restrictions je ne sais vraiment pas comment cela va se passer. Le semestre dernier, je devais faire un stage qui aurait dû être bénéfique pour la carrière que j'envisage à l'avenir, mais cela n'a pas été possible ». S'il essaye tant bien que mal d'accepter la situation et de poursuivre ses études à distance, avec les examens qui se déroulent actuellement en ligne, il dit comprendre l'état d'esprit du reste des étudiants étrangers. « Pour ma part, je me suis inscrit à des cours complémentaires à temps partiel pour pouvoir garder le rythme ».
Il y a aussi quelques étudiants qui envisagent de transférer leurs études dans un autre pays que la Chine, même si ça reste compliqué pour ceux qui sont en 3e ou 4e année. Aayush, qui vit en Inde, nous confie qu'il attendra que les frontières rouvrent en septembre de cette année. « Mais s'ils continuent à nous ignorer et ainsi mettre en péril notre avenir, je demanderai un transfert vers la Géorgie ou les Philippines ». Aayush est arrivé en Chine en octobre 2019 mais a dû rentrer au Rajasthan en février 2020. « Cette décision était justifiée au début puisque le nombre de cas était en hausse dans pratiquement tous les pays, ce qui a entraîné la fermeture des frontières. Mais aujourd'hui, vu le fait qu'on ait un vaccin, l'interdiction émise pour les étudiants étrangers est injuste. La plupart des pays ont rouvert leurs frontières et sont en train d'accueillir les étudiants étrangers à nouveau. Il me semble que nous sommes les seuls à avoir été mis à l'écart ».
Les étudiants étrangers font actuellement circuler une pétition qu'ils comptent adresser au ministère des Affaires étrangères chinois pour réclamer la communication d'une date spécifique pour leur éventuelle retour en Chine. A ce jour, cette pétition, qui est une initiative de l'Union des étudiants étrangers de Chine, a déjà récolté plus de 13 000 signatures.



















