La crise sanitaire vue par un nomade numérique

Vie pratique
Publié le 2020-04-01 à 09:39
Depuis plusieurs années, le nomadisme numérique est devenu de plus en plus populaire. Travailler depuis n'importe quel endroit du monde, à condition d'avoir un accès à Internet, cela fait rêver. Comment la crise sanitaire actuelle impacte-t-elle le quotidien de ces grands voyageurs ? Rencontre avec Pierre Touzel, graphiste, confiné en France. 

Où êtes-vous né ? Quel est votre pays de résidence et depuis combien de temps ?

Je suis né à Seclin, une commune du Nord de la France. Ma ville de résidence est Vancouver, au Canada depuis 10 ans et demi et je suis canadien depuis 5 ans.  

A l'époque, je travaillais dans l'événementiel, et c'est à l'occasion des JO d'hiver de Vancouver de 2010 que j'ai rejoins cette ville. J'ai eu un poste avec le COVAN (Comité d'organisation des Jeux Olympiques de Vancouver). 

Votre profession vous permet de travailler de n'importe où, comment profitez-vous de cette liberté ? 

Ce n'est pas tant une liberté, c'est aussi être en mesure de pouvoir travailler de n'importe où et à n'importe quel moment pour mes clients. C'est une discipline. Un atout est que l'inconvénient des voyages ne m'impacte pas. 

Comment la crise du COVID-19 impacte-t-elle votre quotidien aujourd'hui ? En quoi est-ce un avantage ou un inconvénient d'être un nomade digital en ces temps de confinement ? 

Aujourd'hui, je suis bloqué en France, donc je suis sur un autre fuseau horaire que d'habitude. C'est une nouvelle adaptation par rapport à mes clients qui sont au Canada. Le confinement fait qu'on est obligé de s'installer dans une routine et cela me permet de me concentrer sur mon travail tous les matins notamment et de faire autre chose l'après-midi. Mes journées sont finalement plus structurées depuis le confinement. Une structure que je n'avais pas forcément de façon aussi répétitive et similaire d'un jour à l'autre. 

Je suis clairement privilégié par rapport à d'autres personnes dont l'emploi dépend vraiment d'être présent physiquement. Je ne dirais pas que je ne vois pas de différence parce que mes propres clients sont eux-mêmes affectés. Mais comme le fait d'être nomade invite à devoir s'adapter à toute situation, je m'adapte à celle-la aussi.  

Avez-vous dû renoncer à des projets de voyage ? Comment avez-vous fait le choix de rester en France pendant cette période de quarantaine ? 

J'avais effectivement des déplacements prévus en Europe que j'ai annulé juste avant le début du confinement. Et j'ai dû aussi renoncer à rentrer chez moi. 

Le choix de rester en France n'a pas été un choix facile parce que mon pays de résidence est un pays développé avec une structure de santé de qualité. En France je ne suis pas couvert par la sécurité sociale et la France est un des foyers de contamination important, donc c'était assez inquiétant. Mais l'argument principal était de ne plus se retrouver dans des lieux de rassemblements importants comme les aéroports, de ne pas prendre l'avion et bien sûr de pouvoir rester auprès de mes proches pendant cette situation assez particulière. 

Vous êtes également conseiller élu à l'assemblée des Français de l'étranger, quel rôle jouez-vous dans l'assistance apportée aux Français expatriés ? 

Notre rôle d'élu est d'être un peu sentinelle sur le terrain, que ce soit dans mon pays de résidence ou ailleurs être attentif aux échos de personnes qui sont dans des situations particulières à cause de cette crise du Coronavirus et de relayer l'information aux députés et sénateurs des Français de l'étranger pour que eux-même la relayent au gouvernement. Cela pour que les dispositifs de soutien soient mis en place, comme notamment la question du rapatriement de 130 000 français coincés à l'étranger. 

En cette saison, les touristes sont plus dans des pays du sud, Asie du Sud-Est, Afrique du Nord ou Amérique du Sud, c'est là qu'il y a eu beaucoup de personnes bloquées parce que leur propre vol annulé ou modifié avec des problèmes de connexion. Il s'agissait de les faire rentrer en France pour qu'ils puissent retrouver leurs proches ou leur famille pour les soutenir et ne pas rester coincés indéfiniment dans un lieu de séjour ou ils n'ont parfois aucun accès à des services de soin. 

Comment appréhendez-vous l'après Coronavirus et votre retour au Canada ? 

Je n'appréhende pas parce qu'on ne sait pas ce qu'il va se passer d'un jour à l'autre. C'est très difficile d'y penser. 

Personnellement, quand je regarde des films, des reportages, des images à la télévision où je vois une foule qui est rassemblée ou des gens qui se serrent la main, cela me procure un sentiment un peu bizarre. Si il y a quelque chose que j'appréhende, c'est justement ça : se retrouver dans la rue avec beaucoup de monde autour. Je me demande ce qui va me permettre et ce qui nous va nous permettre à tous d'être à nouveau en confiance, de se retrouver, de se rassembler. Un ennemi invisible, on ne sait pas quand on l'a vaincu ou pas. C'est cela que j'appréhende, c'est de savoir comment on va pouvoir restaurer cette confiance et se dire “Ca y est, on est bon, on est sains, on peut sortir.”

Je pense de plus en plus a mon retour à Vancouver. Le temps passe, ma communauté me manque et j'ai aussi des frais engagés là-bas comme mon loyer. Je ne peux même pas prévoir quand je vais rentrer, tout cela est tellement abstrait pour l'instant. Mais on a la chance d'être dans une situation où on sait qu'il n'y aura pas de destruction d'infrastructures et qu'on retrouvera les lieux a priori dans le même état et on espère aussi nos proches.